De passage à Abidjan, Maïmouna Coulibaly qui réside à Lille dans le Nord de la France, nous reçoit à la cafétéria de l’Institut des Sciences et Techniques de la Communication (ISTC Polytechnique). Les cheveux de la sexagénaire qu'elle est devenue se dressent au gré du vent. Née le 8 juin 1963, à Abidjan, elle est plongée dans un vieux souvenir. Elle raconte qu’au collège, les prémices d'une future journaliste se dessinaient déjà pour elle. Elle écrivait dans le journal de son lycée et a réussi à faire une interview avec Célestine N’Drin, une athlète ivoirienne. À l’époque, l'idée d'être journaliste lui traversait parfois l'esprit.
Mais sa carrière professionnelle a débuté au service des sports d'Ivoir'Soir, le quotidien du soir du groupe Fraternité Matin, créé en 1987. Au cours de cette même année, après des études en lettres modernes à l'université Félix Houphouët-Boigny d'Abidjan, suite à deux mois de stages effectués à la Rédaction d’Ivoir’Soir, elle y a été retenue en tant que journaliste pigiste. Devenant ainsi, la première femme journaliste sportive de Côte d'Ivoire. Un titre qui ne surprend pas, étant donné que Maïmouna Coulibaly a le sport dans l’âme.
Capitaine d'équipe de volleyball
En effet, elle a été la capitaine de l'équipe de volleyball de l'Abidjan Université Club et de l'équipe nationale de Côte d'Ivoire. À Ivoir'Soir, elle a toujours cherché à garder son intégrité de journaliste. Un jour, alors qu'elle faisait un reportage sur une compétition de natation, l’organisateur de l’événement lui a remis une enveloppe qu'elle a refusée. « Quand je suis arrivée à la rédaction, j'ai écrit ce que j'avais vu. Le monsieur n'a pas aimé ce que j'avais relaté et s'est plaint auprès de mon chef. J'ai juste dit à mon chef, qui m'a convoquée à son bureau, que j'ai écrit ce que j'avais vu. Et il m'a cru », se souvient-elle.
« Je n'ai jamais été mise à l’écart dans le métier »
Quand on lui parle pour la première fois, on est tout de suite frappé par sa courtoisie. Elle est souriante, affective et elle aime le relationnel. Bien qu’elle ait évolué dans un milieu dominé par les hommes, Maïmouna confie qu'elle n'a jamais été marginalisée par ses confrères. « Je n'ai jamais été mise à l’écart dans le métier. Au contraire, j'ai été encadrée par mes prédécesseurs et encouragée à continuer », se réjouit-elle.
En 1990, Mme Coulibaly a obtenu une bourse d'études à l'École supérieure de Journalisme (ESJ) de Lille, en France, devenant ainsi la deuxième femme journaliste ivoirienne à intégrer cette prestigieuse école. Après deux ans de formation, elle a obtenu son diplôme et a occupé le poste de correspondante pour Ivoire'Soir et d'autres médias ivoiriens en France. Durant son séjour dans l’hexagone, Mme Coulibaly a su exploiter des opportunités qui se sont offertes à elle. Elle a travaillé dans un magazine dénommé « Autrement dit », où elle écrivait des articles sur des personnes issues de l’immigration. Ce magazine, étant un mensuel, permettait à Maïmouna de faire des remplacements à Planning France 3, une chaîne de télévision. « Le travail n’était pas à plein temps. Je remplaçais les journalistes, quand ils étaient en congés, en repos maladie et autres », explique-t-elle.
La culture la retient en France
En plus de sa passion pour le journalisme, Maïmouna Coulibaly est une passionnée de culture. Elle est co-fondatrice du Fest'Africa, un festival initié en 1993, qui se déroulait chaque année à Lille de France. C’est la principale raison pour laquelle elle n'est plus revenue en Côte d’Ivoire, après sa formation à l’ESJ. Ce festival, qu'elle a organisé pendant 13 ans, avait pour but de promouvoir la culture africaine. En 2015, Maïmouna a facilité un voyage d'immersion dans les groupes de presse français pour le Groupement des éditeurs de presse de Côte d'Ivoire (GEPCI). C'était en partenariat avec la structure ivoirienne qui est le Fonds de soutien et de développement de la presse (FSDP), aujourd'hui devenu l'Agence de soutien et de développement des médias (ASDM).
Depuis 2016, Maïmouna Coulibaly est présidente de la commission Slam et lectures scéniques du Marché des Arts et du Spectacle d'Abidjan (MASA). En 2020, elle a été chargée de la programmation du pavillon Afrique au Salon du Livre de Paris, qui a finalement été annulé en raison du Covid-19. Toutes ces actions et initiatives, témoignent de sa grande polyvalence.
Une interview inédite de Didier Drogba
En 2006, Maïmouna Coulibaly est correspondante du journal Super Sport en France. Vêtue d'un gilet violet, d'un pantalon et d'un débardeur marron, elle se souvient comme si c'était hier, de son premier reportage pour la maison. Il portait sur la préparation de l'équipe nationale ivoirienne en vue de sa première participation à la Coupe du Monde en Allemagne. À côté de ce reportage, elle a réalisé une interview inédite de Didier Drogba. Grâce à elle, Super Sport était le seul média ivoirien à avoir interviewé Drogba avant la Coupe du Monde de 2006. Ce qui était professionnellement impressionnant. C'est l'une de ses plus belles expériences dans sa carrière de journaliste. Après la publication de cette interview, qu'elle a négociée pendant trois jours, la réaction de ses chefs n'a pas tardé. « J'ai reçu un appel de mon chef qui me transmettait ses félicitations pour mon article. Cela m’a rendue plus confiante et m’a donné le courage de continuer », dit-elle le sourire en coin. Par la suite, elle va ainsi parvenir à interviewer en France, plusieurs autres sportifs ivoiriens et africains, pour le compte de Super Sport
Officier de l’ordre du mérite de la Communication
Son parcours dans le journalisme a été récompensé en décembre 2023, lors d'une cérémonie de décoration où elle a été élevée au grade d'officier dans l'Ordre du Mérite de la Communication. C'est sa première décoration, et elle se dit heureuse de cette marque de considération. « Je suis reconnaissante au ministère de la Communication et des Médias pour cette décoration, à Hamidou Fomba, directeur général de Super sport pour ses encouragements, ainsi qu'au Cénacle des journalistes seniors, qui m'a proposée au ministère », confie-t-elle. En tant que pionnière dans le journalisme sportif et aujourd’hui faisant partie des seniors de ce noble métier, elle conseille à la nouvelle génération de journaliste de cultiver de la passion pour ce métier, d'avoir de la motivation, de la détermination. Mais surtout, de respecter l’éthique et la déontologie du métier.
Maïmouna Coulibaly est toujours correspondante de Super Sport en France. Elle prévoit d'écrire une œuvre autobiographique sur sa carrière professionnelle. En tant qu'opératrice culturelle, elle envisage également de mettre sur pied des projets culturels et de citoyenneté. Elle est également entrepreneure dans le domaine de la santé et du bien-être. « J'aime beaucoup le contact et le relationnel. Apprendre des autres, partager, c'est quelque chose de très important », conclut-elle.
De Lima Soro