À l’approche des fêtes de fin d’année et de Noël singulièrement, de nombreuses familles ivoiriennes doivent faire preuve d’ingéniosité pour affronter la hausse des prix. Entre anticipation, épargne progressive et stratégies collectives, préparer Noël et les fêtes de fin d'année est devenu un véritable exercice d’équilibre financier.
À quelques semaines des festivités, Kouamé Natacha fait emballer des cadeaux achetés depuis fin octobre. Un choix assumé : « Si je n’achetais pas tôt, je n’allais pas m’en sortir. Il faut toujours prévoir », confie-t-elle, en attendant son tour devant un stand d’emballage de cadeaux.
Comme beaucoup de parents, elle distingue désormais plusieurs « Noël » dans son budget. Celui de l’arbre de Noël de la classe, celui de la maison et celui de la famille élargie. Une organisation devenue indispensable, surtout depuis que les prix grimpent en décembre. « Avant, je n’avais pas de budget. Je payais au cours du mois et je me suis retrouvée presque sur la paille », reconnaît-elle. Cette stratégie, d’autres parents la pratiquent depuis longtemps. Mme Kouassi, mère de deux enfants, règle les cadeaux dès fin novembre. « Il faut vraiment faire un budget. Si on attend, c’est trop tard ».
Même démarche chez Yeo Mélissa, surnommée « Tata de 5 garçons et 6 filles ». Avec son frère François, elle établit un budget commun de 50 000 F CFA uniquement pour leurs neveux. « Comme ça, chacun participe et personne ne se fatigue seul », explique-t-elle.
Noël, ce n’est pas seulement les cadeaux
Pour certaines familles, la fête dépasse désormais les présents matériels. Les sorties en groupe, les activités payantes ou les repas festifs doivent aussi être anticipés. « Le budget de Noël, ce n’est pas seulement les cadeaux. C’est aussi sortir ensemble », insiste Auriane Bhaunis, étudiante en master 2 de droit privé, qui voit dans ces moments un moyen d’offrir autre chose qu’un objet. Chez elle, les stratégies se diversifient. « Ça dépend vraiment des années ». Parfois, elle économise dès septembre ; d’autres fois, elle prend ce qu’elle a quelques jours avant la fête. Pour ses petits frères, elle alterne entre trois options : un cadeau choisi, de l’argent « dans une enveloppe pour qu’ils prennent ce qu’ils veulent », ou une sortie en famille. « L’important, c’est de leur faire plaisir et de passer un bon moment », dit-elle.
Pendant les fêtes, les dépenses augmentent. Au marché d’Adjamé, à Abidjan, le boucan habituel s’intensifie. Les commerçants voient défiler parents et jeunes à la recherche de jouets, vêtements et décorations. Pourtant, les plaintes sur la cherté des articles se multiplient. « Les gens viennent, ils regardent, ils négocient beaucoup », confie un vendeur de jouets. « Pendant les fêtes, le prix de la même chaussure que j’ai achetée à 20 000 FCFA est devenu 35 000 FCFA. Et la seule chose que le vendeur me dit, c’est : “ce sont les fêtes, mon ami”. Comment ça ce sont les fêtes ? », s’indigne Joël Kouassi Touré. Malgré cela, la fréquentation reste forte, preuve de l’importance que les familles accordent à Noël.
Les dépenses des ménages en hausse
Selon des statistiques publiées par Trading Economics sur les dépenses de consommation en Côte d’Ivoire, les ménages ont encore augmenté leurs dépenses. Elles sont passées d’environ 39 500 milliards de F CFA en 2021 à 40 800 milliards de F CFA en 2022, soit le niveau le plus élevé jamais enregistré dans le pays. Pour comparaison, en 1970, les familles dépensaient environ 4 700 milliards de F CFA, Depuis cette période, la consommation moyenne des ménages est estimée à 13 200 milliards de F CFA. Cette évolution constante explique en partie pourquoi les familles ressentent davantage la pression financière lors des fêtes. Dans ce contexte marqué par l’inflation, les familles interrogées s’accordent sur un point essentiel, sans préparation, noël peut devenir une charge lourde.
Pour Natacha, l’expérience parle d’elle-même : « Maintenant, on sait que c’est cher. Mais si on prévoit, on peut gérer ». Stratégies d’achats anticipés, épargne progressive, budgets partagés, toutes permettent aux familles de préserver l’esprit de la fête tout en protégeant leur équilibre financier.
Et malgré les difficultés, une certitude demeure, Noël reste un moment essentiel de chaleur, de partage et de joie familiale. Prévoir n’annule pas la magie, il la rend plutôt possible.
Claude Eboulé






