C’est devenu récurrent et même un fait de société en Côte d’Ivoire. De faux kidnaping sont organisés par des jeunes dont des élèves, pour réclamer une rançon aux parents de leur supposé « otage ». Cette course au gain facile entreprise par ces jeunes, interpelle bon nombre de parents. Si certains reconnaissent leur part de responsabilité dans ce comportement des enfants, d’autre mettent par contre cela au compte du contexte mondial avec l’avènement des moyens de communication modernes tels que l’internet.
Il veut devenir millionnaire. Pour ce faire, il choisit le raccourci, celui du faux kidnapping suivi de demande de rançon, au lieu de travailler dur. Ainsi, avec l’aide de ses amis, A. O., un jeune homme de 20 ans planifie son propre enlèvement. Les « ravisseurs » qui ne sont autres que ses amis exigent alors une rançon de 5 millions de FCFA de son père pour le libérer. Ces faits se déroulent à Yamoussoukro en juin 2021. Le père ne cède pas à ce chantage et saisit le Service régional de la Police judiciaire (SRPJ) de Yamoussoukro pour enlèvement et séquestration de son fils. Après enquête, le jeune homme a pu être interpellé par la police pour tentative d’escroquerie.
Dans la même ville de Yamoussoukro, une jeune fille a également simulé son enlèvement, en vue de soutirer de l’argent à son petit ami dans le but de s’acheter un ordinateur. Les faits se déroulent en mai 2023. Le conjoint en question reçoit un message d’inconnus, lui faisant savoir que sa petite amie a été enlevée. Les ravisseurs lui font parvenir alors la photo de la fille ligotée et isolée avant de réclamer 1 500 000 FCFA pour sa libération. L’homme inquiet saisit la police.
Mais l’enquête menée par les policiers va révéler que la fille a simplement simulé son enlèvement. C’est donc un vrai faux kidnapping, puisque les policiers vont retrouver la supposée otage à Daloa où elle menait tranquillement sa vie. Interrogée, elle va déclarer qu’elle avait besoin d’argent pour s’acheter un ordinateur.
A Gagnoa, l’élève Junior Kouamé K. a été condamné à 10 ans d’emprisonnement par le tribunal de première instance, pour avoir séquestré un mineur et demandé une rançon de 2 millions FCFA à ses parents.
Jeunes et déjà escrocs de grands chemins
Un éducateur que nous avons rencontré devant son école à Adjamé a confié avoir été témoin d’un faux enlèvement. « Les parents sont arrivés dans l’établissement tous affolés. Ils disent avoir reçu un appel d’inconnus les informant que leur enfant a été enlevé. Et qu’ils doivent leur donner de l’argent pour obtenir sa libération », explique l’éducateur, alors que l’enfant suivait tranquillement les cours en classe. Il n’a pas été enlevé. Il s’agissait tout simplement d’arnaqueurs qui ont tenté de soutirer de l’argent aux parents de l’élève.
« Un jour j’ai été joint par un inconnu qui m’informait qu’il est aux mains des policiers, sur l’autoroute du nord. Il est trafiquant de viande de brousse. Il en avait pour une valeur de 350 000 FCFA sur sa moto. Les policiers lui demandent 5000 FCFA pour le laisser partir », témoigne Sanogo Issiaka. Pour le convaincre, l’inconnu a passé son téléphone au supposé policier, qui n’était autre que son complice selon Issiaka. Mais, sachant que l’un de ses amis avait été déjà victime d’escroquerie de la part de ce genre d’inconnus, il n’a pas mordu à l’hameçon. Il ne connaît pas ces personnes. Il ne les a jamais rencontrées. « Ce sont des escrocs. Ils choisissent au hasard un numéro de téléphone et tentent d’escroquer leur cible en simulant par exemple un enlèvement », confie-t-il. Autant de cas qui indiquent à quel point ces jeunes sont enclins à la facilité.
Responsabilité des parents
Ce qui attire l’attention, c’est l’âge des mis en cause. Ils sont généralement jeunes, âgés de 18 à 20 ans et déjà des escrocs de grands chemins. Et le comble est que parmi eux, il y a bon nombre d’élèves, qui vivent encore avec les parents. C’est le cas de junior Kouamé qui réclamait une rançon de 2 millions FCFA à son père, ainsi que DL une jeune fille qui s’était fait passée pour une victime d’enlèvement à Sikensi. « Ils ne veulent rien faire. Ils veulent avoir l’argent facilement. C’est ça la jeunesse d’aujourd’hui », déplore Issiaka. Il ajoute qu’avec les moyens mis en place par l’Etat pour combattre la cybercriminalité, ces jeunes adoptent d’autres stratégies, parmi lesquelles les simulations d’enlèvement.
Deux étudiantes que nous avons interrogées s’accordent à dire que les parents ont une part de responsabilité, bien qu’elles approuvent également que les mauvaises fréquentations jouent un rôle dans le comportement des élèves qui simulent leur propre enlèvement. « Il ne faut pas que les parents habituent leurs enfants aux grosses sommes d’argent. Le jour où ils n’en auront pas, ils vont se tourner vers ces pratiques-là », soulignent-elles. Mais selon l’éducateur, l’enfant doit comprendre que son parent n’a pas ce qu’il lui demande et patienter. « Sinon un père ne peut pas sevrer son enfant », fait-il savoir. « Il y a un manque de suivi de la part des parents », pense Koutouan Samuel étudiant. Son ami Marius est d’avis avec lui.
« Internet a gâté nos enfants »
« On a tous raté l’éducation de nos enfants », fait savoir Issiaka. Son cas est un exemple palpable. « Je sors tôt à 4 heures du matin. Et je rentre à 23 heures. J’ai quelle éducation à donner à mes enfants ? », confie-t-il avant d’ajouter que sa femme a également ses occupations. « Qui va éduquer les enfants ? », s’interroge-t-il, tout comme bien d’autres parents que nous avons rencontrés. Ceux-ci pensent également qu’ils ont une part de responsabilité dans ce qui arrive aux enfants. Certains estiment que les nouveaux moyens de communication, surtout l’internet, ont également favorisé ce comportement des enfants. « L’internet a beaucoup gâté nos enfants », déplore Salimata. Elle estime que les jeunes utilisent aujourd’hui ce moyen de communication à mauvais escient.
Comme on le constate, le recours aux gains faciles tel que les faux kidnapping par les jeunes gens sont la résultante d’un échec en terme d’éducation. C’est une démission de la part de certains parents, qui ne se donnent pas le temps de suivre leurs enfants.
L’Etat de Côte d’Ivoire met en place les moyens de lutte contre la cybercriminalité et la délinquance juvénile, notamment à travers la création de la Plateforme de Lutte Contre la Cybercriminalité (PLCC) et la Brigade mondaine. Mais les parents doivent également jouer leur rôle d’éducateur, pour faciliter la tâche aux autorités compétentes.
Diomandé Karamoko






