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L’Enquête du jeudi. Côte d'Ivoire. Parcours de combattant de jeunes en quête d'emploi

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Pour de nombreux jeunes Ivoiriens, la quête d’un emploi est un véritable parcours du combattant. Certains bénéficient de dispositifs publics d’accompagnement, d’autres s’en remettent à leur propre ingéniosité.

À 26 ans, Allan Eboulé connaît déjà les déconvenues du marché du travail. Titulaire d’une licence en interprétariat de l’anglais, il avait pourtant commencé sa vie professionnelle avec un stage obtenu grâce à son père dans une agence de communication. Mais une fois ce stage terminé, « plus rien », confie-t-il. Deux années entières sans opportunité, rythmées seulement par de petits travaux ponctuels. « Il y a une grosse pression de devoir vivre chez ses parents, chercher mais ne rien trouver. Franchement c’était dur ».

« J’ai repris espoir grâce à Emploi Jeunes »

Tout change le jour où sa sœur le pousse à s’inscrire sur une plateforme de recrutement. « Elle m’a forcé même ! Mais c’est clair que j’ai repris espoir grâce à Emploi Jeunes », raconte-t-il en riant. Sur le portail « Emploi Jeunes », dispositif étatique d’accompagnement professionnel, Allan suit d’abord une formation complète en hôtellerie. Quelques semaines plus tard, il décroche un stage rémunéré, puis un emploi stable. « Sincèrement, ça m’a sauvé. Si ma sœur ne m’avait pas informé, je ne savais même pas que ça existait. Je serais peut-être encore en train de faire de petits boulots pour tenir », reconnaît-il.

Pour Jocelyne Coulibaly, 24 ans, la réalité est différente. Après une licence en journalisme obtenue deux ans plus tôt, elle enchaîne deux stages non rémunérés. À chaque reportage, c’est elle qui paye son transport, son repas, parfois même ses équipements. « À la fin, je dépensais plus que ce que je gagnais, puisque je ne gagnais rien du tout », dit-elle avec amertume.

À court de moyens, elle abandonne son rêve de journaliste pour l’instant et se tourne vers le commerce. Contrairement à Allan, elle n’a pas eu recours aux dispositifs étatiques. « Je n’y ai même pas pensé, je voulais juste retrouver une stabilité rapidement. J’ai déposé mes CV partout ».

Reconversion

Aujourd’hui, elle gagne modestement sa vie. Reconvertie dans le commerce en ligne, elle garde l’espoir de réaliser son rêve. « J’aimais le journalisme, mais même si je n’avais plus les moyens de continuer, je vais tout faire pour y arriver ».

Surnommé « La Star » par sa clientèle du marché, ce jeune homme de 30 ans dégage une assurance qui attire les acheteurs. Pourtant, derrière l’allure du commerçant accompli qu’il est, se cache une autre histoire : celle d’un diplômé de master qui, comme tant d’autres, a déposé des dizaines de CV sans jamais être rappelé. « Après le master, j’ai essayé partout : entreprises, institutions, ONG, mais rien », explique-t-il. Faute d’opportunités, il s’est lancé dans la vente de vêtements il y a cinq ans. Aujourd’hui, il se débrouille bien, son activité « rapporte même beaucoup », dit-il sans fanfaronner. Mais il garde une pointe de regret : « Si j’avais trouvé un travail en comptabilité, je l’aurais préféré. Mais bon, on fait avec ce qu’il y a ».

Entre stages, missions temporaires et activités informelles.

Les témoignages rejoignent des données publiées récemment. Selon l’enquête sur la transition des jeunes vers la vie active (ETVA-CI 2022), la grande majorité des jeunes Ivoiriens de 15 à 29 ans mettent plus de douze mois avant de décrocher un emploi jugé satisfaisant. Beaucoup restent entre stages, missions temporaires et activités informelles.

Les travaux publiés dans l’African Scientific Journal en 2024 notent également que « de nombreux jeunes diplômés sortant des universités ivoiriennes — notamment en lettres, sciences sociales, gestion et communication — se retrouvent sans emploi stable » plusieurs mois, voire plusieurs années après leur diplôme.

Le rapport souligne également la montée du déclassement professionnel, phénomène où les diplômés occupent des postes bien en dessous de leurs qualifications. Une réalité que vivent aujourd’hui un grand nombre de jeunes interrogés.

Méconnaissance des offres institutionnelles

Pourtant, l’État dit avoir mis en place plusieurs solutions. L’Agence Emploi Jeunes (AEJ) propose des stages, des formations, de l’accompagnement et des financements de projets.

Le Programme Jeunesse du Gouvernement (PJ-Gouv 2023-2025) prévoit 1,5 million d’opportunités pour les jeunes, selon les annonces officielles. De même, des dispositifs comme le programme national de stage et d’Apprentissage (PNSAR) et des programmes en partenariat international (tels que le C2D-Emploi) ambitionnent d’améliorer l’accès à l’emploi.

Sur le papier, les initiatives sont nombreuses et bien financées. Malgré ces offres institutionnelles, un constat revient dans les entretiens : une majorité de jeunes ne connaît pas suffisamment les dispositifs, ne comprend pas leurs conditions ou se heurte à des démarches trop complexes.

Nombreux ignorent qu’ils peuvent bénéficier de certains programmes, comment constituer les dossiers, où se rendre pour être accompagnés, quels sont les critères retenus. Pour ceux qui parviennent à s’informer et tentent leur chance, le résultat n’est pas toujours concluant. Plusieurs témoignent d’un sentiment d’échec après avoir “essayé sans succès”, parfois à plusieurs reprises. Ce décalage entre l’offre institutionnelle et la réalité vécue par les jeunes révèle une problématique plus profonde : la communication n’atteint pas toujours les bons publics, au bon moment, dans les bons lieux. Les programmes semblent souvent très visibles en ligne, mais de nombreux jeunes — notamment dans les quartiers populaires ou en zones reculées — ne suivent pas les plateformes institutionnelles.

Dès lors, une question devient urgente : faut-il changer la manière de communiquer ? La sensibilisation doit-elle se faire davantage dans les universités, les mairies, les centres de jeunesse, les écoles professionnelles ? Faut-il aller vers les jeunes plutôt que d’attendre qu’ils comprennent seuls des dispositifs parfois complexes ? Une chose est sûre : tant que ce fossé persistera, de nombreux jeunes Ivoiriens resteront à l’écart d’opportunités pourtant créées pour eux.

Claude Eboulé


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