La France, pays de droit, ne badine pas avec certains principes et ne tolère pas la corruption, surtout lorsqu’elle est le fait de ses propres élites ou celles d’autres pays. C’est ainsi que l’ancien président Nicolas Sarkozy a été traduit en justice parce qu‘accusé d’avoir financé sa campagne électorale avec de l’argent reçu de l’ancien leader libyen Mouammar Kadhafi. C’est ainsi que des chefs d’Etats africains et certains de leurs rejetons sont poursuivis en France pour ce que l’on a appelé « les biens mal acquis », à savoir des biens détournés dans leurs pays et investis en France.
Dans cette même France, un homme, Robert Bourgi a raconté, d’abord dans une interview, puis dans un livre intitulé : « ils savent que je sais tout », comment il allait racketter des chefs d’Etat africains, en l’occurrence feu Oumar Bongo-Ondimba, Denis Sassou N’guesso, Blaise Compaoré, Laurent Gbagbo entre autres, pour financer les campagnes électorales de candidats à la présidence française, notamment Jacques Chirac.
Il a raconté avec forces détails comment Laurent Gbagbo a donné trois millions d’euros pour la campagne de Chirac, comment Blaise Compaoré livrait l’argent qu’on lui demandait en petites coupures de dollars, dans des djembés. Il a raconté comment Dominique de Villepin réceptionnait cet argent, comment des ministres qui sont toujours vivants demandaient à des chefs d’Etats africains de leur prêter leurs avions pour leurs courses ou missions, ou allaient les voir pour leur prendre de l’argent.
J’ai du mal à comprendre comment les juges de cette France qui sont si à cheval sur la probité des élites, qui n’ont pas hésité à poursuivre l’ancien chef d’Etat qu’est Nicolas Sarkozy, n’aient pas levé un sourcil en entendant Robert Bourgi raconter complaisamment ses turpitudes dans un livre et sur les antennes de toutes les radios et toutes les télévisions de France et de Navarre. Chirac est certes mort, mais de Villepin, Bourgi et plusieurs autres hommes politiques français cités par ce dernier sont toujours vivants. Aucun juge français n’a vu là un quelconque délit ? Si la justice française n’avait pas que du mépris pour les Africains, elle aurait jugé Bourgi et ses complices.
Robert Bourgi qui se présente comme avocat mais qui n’a jamais plaidé, a vécu grassement sur le dos de feu Omar Bongo-Ondimba qu’il appelait par larbinisme « papa », et d’autres chefs d’Etats tels que Denis Sassou N’guesso, Blaise Compaoré ou feu Mobutu. Des chefs d’Etat qu’il traite aujourd’hui de « naïfs » dans son livre. Apparemment le chef d’Etat africain qui n’est pas naïf et ne lui ouvre pas les cuisines de son palais pour qu’il y mange devient son ennemi. Ce fut le cas avec Ali Bongo qui succéda à son père, et aujourd’hui le président Alassane Ouattara. A ce dernier, Bourgi voue une véritable haine qu’il étale sur toutes les antennes, parce qu’il ne lui a pas ouvert ses portes, à lui, le tout puissant Bourgi, lui qui avait fait tomber le candidat à la présidence française François Fillon, ancien Premier ministre, parce que ce dernier ne le prenait plus au téléphone.
Lorsque Laurent Gbagbo fut arrêté et transféré à la Haye, Bourgi s’en réjouit. Aujourd’hui, pour se venger d’Alassane Ouattara, il se trouve une fraternité avec Laurent Gbagbo. Et reproche à Simone Gbagbo d’avoir accepté d’être candidate à l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire. Ce à quoi elle a répondu : « Monsieur Robert Bourgi est bien culotté de dire ce qu’il a dit. J’aurais aimé qu’il soit aussi engagé à l’époque où la France tirait sur son ami Laurent Gbagbo. Il n’a pas eu le courage à cette époque. Il était même partisan de ceux qui tiraient. Il accompagnait des ministres français en Côte d’Ivoire ici pour organiser l’agression du palais présidentiel. Et aujourd’hui il vient s’asseoir pour me dire « Simone retire ta candidature. » Je le trouve bien gonflé. »
Le plus étonnant dans l’histoire de Bourgi est la complaisance avec laquelle certains journalistes africains qui se proclament panafricains et en lutte contre l’influence de la France en Afrique, c’est-à-dire la Françafrique, continuent de tendre leurs micros à un tel individu qui a contribué à piller les ressources des pays africains et à les maintenir dans la servitude. Ne réalisent-ils pas tout le mal que cet homme qui se proclame le « dernier Mohican de la Françafrique » a fait à leur continent ? Ne l’entendent-ils pas les insulter en traitant leurs présidents de naïfs après les avoir sucés ? Que cherchent-ils en continuant de lui tendre le micro afin qu’il continue de pontifier et de donner des fétides leçons de morale aux chefs d’Etats et leaders politiques africains ? Régler des comptes avec un chef d’Etat qu’ils n’aiment pas ?
Venance Konan