La Cour suprême des États-Unis a provisoirement levé lundi les restrictions imposées aux opérations de la police de l’immigration de Donald Trump à Los Angeles, qui avaient été ordonnées pour éviter les contrôles au faciès.
Le responsable de la politique d’expulsions de l’administration Trump a salué une « excellente décision » de la plus haute juridiction du pays, à majorité conservatrice. « Nous n’employons pas le profilage racial », a affirmé Tom Homan devant la presse.
Cette décision aux répercussions potentiellement nationales a en revanche été vivement critiquée par le gouverneur démocrate de Californie, Gavin Newsom. Elle ouvre la voie à « un défilé de terreur raciale à Los Angeles », s’est indigné le démocrate, dénonçant dans un communiqué un laissez-passer pour « cibler les Latinos ».
Les habitants d’origine latino-américaine se sont sentis injustement visés début juin lorsque la police de l’immigration (ICE) a multiplié les descentes dans la mégapole californienne. Donald Trump avait alors, contre l’avis du gouverneur, déployé sur place plusieurs milliers de militaires face aux manifestations.
Beaucoup avaient dénoncé les opérations coup de poing menées en pleine rue par les agents masqués d’ICE comme des contrôles aux faciès.
« Immigration illégale prononcée »
Soutenus par diverses associations, trois immigrés arrêtés à un arrêt de bus et deux Américains d’origine hispanique contrôlés par ICE avaient porté plainte.
En juillet, une juge fédérale leur a donné raison en interdisant provisoirement dans la région les arrestations reposant sur quatre facteurs, seuls ou combinés : l’origine ethnique, le fait de parler espagnol ou anglais avec un accent étranger, le métier d’un individu ou le fait qu’il se trouve dans un lieu particulier-comme un arrêt de bus, un lavage auto, une ferme ou un magasin de bricolage.
Décidée au nom du Quatrième amendement de la Constitution-qui requiert une « suspicion raisonnable » et individualisée pour une arrestation ou une fouille-, ces restrictions avait été confirmées en appel.
Les descentes dans la région se sont depuis faites beaucoup plus rares, sans disparaître. En août, une opération devant un magasin de bricolage avait fait polémique.
Avec sa décision lundi, la Cour suprême lève les restrictions imposées à ICE, par six voix-celles des juges conservateurs-contre trois, jusqu’à ce que la cour d’appel statue sur le fond ou qu’elle-même soit saisie.
La Cour ne motive pas sa décision, mais le juge conservateur Brett Kavanaugh souligne dans sa décision que « l’immigration illégale est particulièrement prononcée dans la région de Los Angeles », où les sans-papiers représenteraient 10 % de la population.
« Racisme avec un badge »
« Lorsque ICE m’a arrêté, ils ne m’ont jamais montré de mandat ni expliqué pourquoi. J’ai été traité comme si je ne valais rien : enfermé, dans le froid, affamé et sans avocat. Et maintenant, la Cour suprême dit que c’est normal ? », a réagi Pedro Vasquez Perdomo, l’un des immigrés ayant porté plainte.
« Ce n’est pas de la justice. C’est du racisme avec un badge », a-t-il estimé, cité dans un communiqué de l’ACLU, l’une des associations qui l’a soutenu.
De son côté, la juge Sonia Sotomayor, première Latino-Américaine nommée à la Cour suprême, a reproché à ses collègues conservateurs de créer « un statut de citoyen de seconde zone ».
« Nous ne devrions pas avoir à vivre dans un pays où le gouvernement peut arrêter quiconque a une apparence latino », a-t-elle écrit.
L’immigration, y compris clandestine, fournit une main-d’œuvre essentielle au secteur agricole américain : 42 % des ouvriers agricoles n’ont pas d’autorisation pour travailler aux États-Unis, selon une étude du ministère de l’Agriculture de 2022.
Sur X, le ministère de la Sécurité intérieure a annoncé que la police de l’immigration allait « continuer à inonder la zone à Los Angeles ».
L’affaire doit revenir devant la justice le 24 septembre, date à laquelle le tribunal de première instance pourrait décider d’imposer des restrictions plus durables.
« Ce n’est pas fini », a insisté devant la presse l’avocat de l’ACLU, Mohammad Tajsar.