Les opérations de déguerpissement menées en 2024 par le District d’Abidjan ont bouleversé la vie de milliers de personnes. Quartiers entiers vidés, familles dispersées, moyens de subsistance brisés. Mais dans l’ombre de ces décisions administratives, la vie reprend, parfois dans les lieux les plus inattendus.
Port-Bouët, quartier Petit Bassam. Il est 13 h. Le soleil cogne, implacable. Une brise timide frôle les abords du cimetière. Là où, il y a moins d’un an, s’élevaient des maisons, il ne reste plus que des décombres, des planches calcinées et des tôles tordues. Le vacarme des machines de destruction a laissé place au silence des ruines. Sur les tombes, des nattes sont posées. On y dort, on y vit. À l’ombre d’un arbre, quelques enfants en uniforme scolaire somnolent. Ils viennent s’y reposer entre midi et deux, faute d’avoir un endroit plus sûr. D’autres discutent.
Il a reconstruit son atelier juste à côté de la tombe de son père
Non loin de là, des habitations faites de planches et recouvertes de toiles en plastique noire, se dressent timidement. « C’est ici qu’on vit maintenant », lance un homme, las. Il est menuisier. Son atelier, il l’a reconstruit juste à côté de la tombe de son père. « On a tout perdu. Maison, outils, clients. Mais il faut continuer. Sinon, comment on va manger ? »
C’est là que certains viennent se laver. Un bras d’eau trouble qui sépare Petit Bassam d’un village en face, probablement Mafiblé. Aucun système d’eau potable, aucun accès à des sanitaires. L’intimité n’existe plus. Des hommes qui vivaient là plus tôt, lavent du linge. Dans cet espace qui semble abandonné par l’État, chacun tente de recréer un semblant de quotidien.
Il y a 11 mois, les pelleteuses sont arrivées sans crier gare. Le motif : « libérer les espaces publics illégalement occupés ». Conséquence : ce sont des centaines de familles qui ont vu leurs maisons s’effondrer sous leurs yeux. « Ils avaient dit que seuls les abords de l’abattoir seraient touchés. Mais à 20 h, les machines sont venues. Ils ont même lancé des lacrymogènes », raconte un ancien habitant. Les habitants du quartier n'ont jamais été relogés. Les plus chanceux ont trouvé refuge à Gonzague ou ailleurs, les autres sont restés. Ici, sur ces terres vides, marquées par les souvenirs et les blessures.
Officiellement, des projets de recasement ont été annoncés. Des lots auraient été attribués à Anani, avec promesse d’infrastructures. Mais sur le terrain, rien. Pas de relogement, pas d’assistance, pas même une tente. Les déguerpis de Petit Bassam vivent dans l’oubli. Chaque jour est un combat. Contre la chaleur, la faim, les maladies. Mais aussi contre le découragement. Malgré tout, ils tiennent. Ils s’organisent, s’entraident, rebâtissent avec ce qu’ils trouvent.
Claude Eboulé
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