Ça devrait donc être Faure Gnassingbé. En effet, le président angolais, président en exercice de l’Union africaine (UA), a proposé le nom de son homologue togolais pour poursuivre la médiation entre Kinshasa et Kigali.
Un rôle qui lui avait jusque-là été confié, mais après deux années de vaines tentatives pour rapprocher Félix Tshisékédi et Paul Kagamé, il avait fini par jeter l’éponge.
Pour le moment, il ne s’agit que d’une proposition faite au cours d’une réunion du bureau de la Conférence de l’UA, tenue le 5 avril par visio-conférence, mais elle devrait être définitivement validée lors d’une assemblée des chefs d’Etats de l’organisation panafricaine par le biais d’une procédure dite « de silence », qui vaut accord de tous les Etats membres, prévue par le règlement intérieur de l’Organisation C’est seulement au bout de ce préalable que le président angolais refilera la patate chaude à son homologue.
On aurait pu s’attendre à ce que ce soit un chef d’Etat de la région des Grands Lacs, de l’Afrique de l’Est ou de l’Afrique australe déjà très intégrés dans ce dossier brûlant. Sauf que tous, autant qu’ils sont, sont suspectés de soutenir l’un ou l’autre camp. Que ce soit le Burundi, l’Ouganda, le Kenya ou l’Afrique du Sud. Aller donc chercher un médiateur dans une autre région du continent n’est donc pas une mauvaise option en soi, car loin du théâtre des opérations, Faure Gnassingbé a l’avantage d’une certaine neutralité qui pourrait rassurer toutes les parties prenantes.
Il faut reconnaitre d’ailleurs que ses états de service plaident en sa faveur. A la suite de son défunt père, il avait en effet revêtu la tunique de médiateur ou de facilitateur dans de nombreuses crises à travers le continent. Ainsi en a-t-il été pour le Mali, le Tchad et même jusqu’au Darfour entre la guerre que se mènent les deux généraux soudanais Abdel Fattah al-Burhane Mohamed Hamdan Daglo alias Hemedfi.
Pour les cas les plus récents, il a eu sa griffe dans la libération des 49 soldats ivoiriens emprisonnés depuis le 10 juillet 2022 à l’aéroport de Bamako en plaidant pour la grâce. Finalement, le 6 janvier 2023, le président de la transition malienne, Assimi Goïta, a accordé sa grâce avec remise totale de peines aux embastillés condamnés à 20 ans de réclusion criminelle par la justice pour « crimes d’attentat et de complot contre le gouvernement ; atteinte à la sûreté extérieure de l’Etat ; détention, port et transport d’armes et de munitions de guerre ou de défense intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle et collective ayant pour but de troubler l’ordre public par l’intimidation ou la terreur ».
Chez nous, sa médiation n’a-t-elle pas permis permis l’échange de prisonniers, des gendarmes ivoiriens, arrêtés en septembre 2023 à la frontière, contre des VDP (Volontaires pour la défense de la patrie) côté Burkina ? Autant dire qu’il a une certaine expertise en la matière. Pour autant, le succès n’est pas automatiquement garanti dans la résolution de cette crise à la fois politique, sécuritaire et économique.
On finit d’ailleurs par se perdre dans ce dédale des médiations. A côté du médiateur officiel de l’Union africaine, les sommets conjoints de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) et de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Est (EAC), dans l’optique d’harmoniser le processus de Nairobi et de Luanda, avaient désignés cinq co-facilitateurs pour aider à dénouer l’écheveau. Il s’agit notamment des anciens présidents ỌlúṣẹÏgun ỌbásanjọÏ (Nigeria), Uhuru Kenyatta (Kenya), Sahle-Work Zewde (Ethiopie), Catherine Samba-Panza (Centrafrique) et Kgalema Petrus Motlanthe (Afrique du Sud).
Si on ajoute à cela l’initiative qatarie qui avait permis que Fatshi et l’Homme mince de Kigali se retrouvent face to face pour la première fois depuis un an, on finit par ne plus se retrouver vraiment. Et le risque est grand pour qu’ils finissent par se marcher sur les pieds les uns les autres. Et qu’en définitive, ils desservent la paix qu’ils sont sensés ramener.