publicité

Politique

Washington, nouvel ami des dictateurs et des autoritaires

Publié le :

L’annonce du démantèlement, la semaine dernière, par décret présidentiel, des médias internationaux financés par les États-Unis, dont Voice of America et Radio Free Asia, a été accueillie avec plaisir et exaltation par plusieurs grands régimes autoritaires à travers le monde.

« Je crois que le peuple chinois est heureux de constater l’effondrement interne des bastions idéologiques antichinois des États-Unis », a commenté Hu Xijin, ex-rédacteur en chef du Global Times, tabloïd à la solde du Parti communiste chinois, sur le réseau social chinois Weibo.

Depuis 1989, par son service en mandarin, Voice of America (VOA) a porté la voix du mouvement pro-démocratie chinois balayé de la place Tian’anmen par la répression de la dictature chinoise. La « paralysie » de la constellation médiatique américaine diffusant aussi en ouïghour, tibétain — langues de minorités opprimées par Pékin —, cantonais, cambodgien et dans d’autres langues, a été qualifiée de « vraiment gratifiante » par Hu Xijin.


« Merci, président Donald Trump », a lancé pour sa part sur Facebook l’ex-premier ministre du Cambodge Hun Sen, qui a dirigé son pays d’une main de fer pendant presque 40 ans. Il a dit « apprécier grandement » le « courage » du nouvel occupant de la Maison-Blanche « à guider le monde dans la lutte contre les fausses informations », et ce, en s’attaquant aux « médias financés par le gouvernement américain ».

Le 14 mars dernier, le républicain a, dans le cadre de sa vaste purge lancée contre l’appareil gouvernemental de son pays, rangé l’Agence américaine pour les médias mondiaux (USAGM) dans la catégorie des « éléments inutiles de la bureaucratie fédérale ». Dans la foulée, il a fait mettre en congé payé le personnel de l’ensemble des radios internationales américaines qui, depuis plusieurs décennies, se sont imposées pourtant comme des phares « pour ceux que le totalitarisme avait privés de la vérité », selon le ministre tchèque des Affaires étrangères, Jan Lipavský. Sur X, il y a quelques jours, l’homme commentait en ces mots la mise en péril du financement de Radio Free Europe, outil de communication qui a accompagné la chute du rideau de fer, la fin de la guerre froide et la consolidation démocratique de plusieurs ex-républiques soviétiques.


Le bonheur du dictateur

Depuis son retour à Washington, il y a deux mois à peine, Donald Trump multiplie les décrets et les décisions qui bouleversent profondément les États-Unis et ébranlent les bases et anciennes certitudes de l’échiquier international. Mais globalement, la radicalité de ses politiques est reçue plutôt positivement par les régimes répressifs, les présidents autoritaires et les dictateurs un peu partout sur la planète.

« Toutes ses actions sont des cadeaux faits aux dictateurs, résume en entrevue au Devoir Timothy Longman, professeur de science politique et spécialiste de l’autoritarisme à l’Université de Boston. Voice of America était l’une des seules sources d’information impartiale dans de nombreux pays. L’Agence américaine de développement international [USAID, elle aussi frappé par des coupes budgétaires radicales] a contribué à soutenir des groupes de la société civile œuvrant pour la démocratie, les droits de la personne, la transparence, les droits des femmes, la liberté de la presse et d’autres questions importantes. Sans ce financement, nombre de ces groupes vont devoir fermer. Dans plusieurs pays, moins de personnes vont être en mesure de demander à leur dirigeant de rendre des comptes et la capacité de ces régimes à maltraiter leur population va s’accroître. »

La perspective n’est plus seulement théorique, à en croire la manière avec laquelle ces régimes autoritaires du monde ont applaudi le démantèlement de l’aide internationale américaine décrétée par Donald Trump et piloté par son fidèle compagnon de réforme, le milliardaire Elon Musk. Pour plusieurs d’entre eux, la chute que cela va entraîner chez eux pour plusieurs groupes et organisations versés dans la promotion de droits civiques, des droits démocratiques et dans la surveillance des cadres électoraux est désormais vue comme une nouvelle occasion d’accentuer leur répression, et ce, en n’hésitant plus à appeler Washington à se faire leur complice.

En Russie, le président de la Douma, le parlement russe, Viatcheslav Volodine, a estimé que le gouvernement devrait réclamer aux Américains la liste des personnes ayant reçu des fonds de l’USAID, « un outil de pseudo-démocratie qui a trompé la moitié du monde », selon lui, pour les obliger à « se confesser et à se repentir publiquement sur la place Rouge ».

Le premier ministre de la Slovaquie, Robert Fico, pays où les libertés fondamentales s’érodent selon l’ONU, a écrit à Elon Musk pour qu’il partage avec lui les informations récoltées sur les « organisations non gouvernementales, les médias et les journalistes » qui ont travaillé dans ce pays de l’Europe de l’Est. « Il est indiscutable que les ressources financières de l’USAID ont été utilisées à des fins politiques en Slovaquie afin de déformer le système politique et de favoriser certains partis », a-t-il écrit pour justifier sa demande.

Quant à Viktor Orbán, le président de la Hongrie, il s’est réjoui du mouvement lancé par Donald Trump et qui va lui permettre de « balayer » une bonne fois pour toutes les réseaux internationaux soutenus par les Américains sur son territoire. « Il est nécessaire de rendre leur existence juridiquement impossible », a-t-il dit.

Aider les adversaires

La semaine dernière, la présidente-directrice générale de Radio Free Asia (RFA), Bay Fang, a reçu l’annonce de la résiliation des subventions américaines à son média avec consternation, en parlant d’un geste qui récompense « les dictateurs et les despotes, dont le Parti communiste chinois, qui souhaitent ardemment avoir une influence incontestée sur le monde de l’information ». Cela prive de leurs droits « les quelque 60 millions de personnes qui consultent les reportages de RFA chaque semaine pour connaître la vérité, et profite également aux adversaires de l’Amérique », a-t-elle ajouté par voie de communiqué.

L’avis est partagé par l’Union européenne qui, lundi, a dit regretter la décision américaine de sabrer les outils de promotion de la démocratie et de la liberté de la presse. Cela va offrir un appel d’air « à nos adversaires communs », a dit la porte-parole de la Commission européenne, Paula Pinho, citée par l’Agence France-Presse. Dimanche, le gouvernement tchèque a invité d’ailleurs les autres pays européens à entamer des discussions pour trouver des manières de se substituer aux États-Unis, pour maintenir en vie l’antenne de Radio Free Europe, composante importante du rempart contre l’autoritarisme russe et ses dérives impérialistes sur le continent européen.

« Les pays démocratiques du monde vont devoir s’unir pour forger un nouvel ordre mondial dans lequel les États-Unis ne seront plus un chef de file incontesté, a commenté le politicologue Timothy Longman, joint cette semaine à Boston. Bien sûr, d’autres pays peuvent se mobiliser pour contribuer aux soins de santé et au développement, pour promouvoir la démocratie, mais cela va prendre beaucoup de temps, peut-être même des décennies. En attendant, l’autoritarisme, lui, va pouvoir prospérer et les citoyens, eux, vont souffrir. »

Fabien Deglise





publicité

FIL INFO

21 mars 2025

L’axe Russie-Chine-Iran comme adéquation de l’ordre mondial

21 mars 2025

Guerre dans l’Est de la RDC : les affrontements se poursuivent malgré les appels au cessez-le-feu

21 mars 2025

Présidentielle du 12 avril : Nicole Assélé appelle au soutien de Bilie-By-Nze

21 mars 2025

Bénin : Le parti MPL condamne la bavure policière de Kalalé

21 mars 2025

Carême et jeûne: La section Abidjan de l’Union libanaise culturelle mondiale fait don de vivres à Fraternité Matin



Fanico

Bamba Alex Souleymane 2 mars 2025
Foncier urbain : Bruno Koné dérange les intérêts mesquins de bandits à col blanc et des parrains de la pègre
Mandiaye Gaye 4 février 2025
Mais qui a peur d’une enquête sérieuse et indépendante sur les évènements de 2021 à 2023 ?
Fier 19 décembre 2024
RTI : le DG intérimaire en situation de conflit d'intérêts ?
Jessica Diomande 29 novembre 2024
Pourquoi Kamala Harris n’a pas réussi à convaincre l’Amérique


Annonces
publicité