A sept mois de l'élection présidentielle en Côte d'Ivoire, le renforcement de la lutte contre la corruption semble mettre d'accord tout le monde. Hier à Paris, Tidiane Thiam a dressé un tableau sombre de la situation dans le pays en ces termes: « C'est catastrophique ! Il y a vraiment un niveau de corruption qui est sans précédent, dans tous les domaines ».
Le 3 mars dernier sur sa page Facebook, Jean-Louis Billon rappelait que « la Côte d'Ivoire perd 4% de son PIB à cause de la corruption, soit 1300 milliards de FCFA ». Lui aussi veut la combattre en s'attaquant aux « plus gros poissons ».
Le 1er mars, lors d'un meeting à Cocody, Laurent Gbagbo avait également tonné contre la corruption, en commentant le scandale foncier: « Vous voyez aujourd'hui à Abidjan, les gens qui ne sont pas ivoiriens, ils fraudent pour avoir la nationalité. Et une fois qu'ils ont la nationalité, ils fraudent pour avoir la terre. »
Sur le fond, le discours anti-corruption de Thiam, Billon, et Gbagbo, rejoint celui du président Alassane Ouattara. Son équipe ministérielle table sur la digitalisation des services et des actes administratifs ainsi que sur des campagnes de sensibilisation pour lutter contre ce fléau.
La corruption, c'est « l'affaire de tous », souligne le portail officiel du gouvernement. C'est « le seul vrai problème des Ivoiriens », surenchérit un internaute sur le mur de Billon, tandis qu'une femme résume laconiquement un sentiment partagé: « Ça ne changera jamais, c'est endémique ».
Le nombre de réactions dubitatives oblige à se poser collectivement une question essentielle: « En matière de corruption, les politiciens d'aujourd'hui peuvent-ils réussir, là où ceux d'hier ont échoué ?? »
Dans mon livre « Mes années Houphouët », je raconte comment le premier président ivoirien s'y prenait déjà à l'époque pour lutter contre la corruption. Ça permet de mieux appréhender la situation aujourd'hui.
Au lieu de vous résumer maladroitement les passages de l'ouvrage qui ont trait à cette question, je vous propose plutôt un extrait significatif:
… Félix Houphouët-Boigny, c'est le maître espion. Il est au courant de tout ce qui se passe en Côte d'Ivoire et en dehors. Un jour, un de ses ministres ordonne le virement d'un million de FCFA sur le compte de sa maîtresse qui vit à Paris. À l'époque, les membres du gouvernement perçoivent un salaire mensuel de deux millions et demi de FCFA.
Houphouët-Boigny est alerté par les Renseignements généraux français. Il convoque le ministre et le somme de s'expliquer sur l'origine de l'argent, pour savoir s'il s'agit ou non d'un détournement de fonds publics. Le ministre bafouille. Quelques semaines plus tard, il fait les frais d'un réaménagement technique du gouvernement.
Même cause et même punition pour un autre ministre. À Paris, sa maîtresse a acheté dans un grand magasin un manteau en peau de panthère pour deux millions de FCFA. Houphouët-Boigny l'apprend grâce à ses réseaux français. Le ministre est invité à s'expliquer également. Faute de convaincre, il quitte lui aussi le gouvernement.
De confidence en confidence, je me dis qu'Houphouët-Boigny est décidément imprévisible. D'un côté, il ferme les yeux sur des détournements et surfacturations de grande ampleur, et de l'autre il sanctionne des vols, somme toute dérisoires.
De ce fait, je repense à la déclaration que le ministre Balla Keita m'avait faite lors de ce diner chez mon père en 1986 : « Tu vois, mon garçon, avec Houphouët-Boigny, on est tous comme dans une pièce de théâtre. Quand il ouvre le rideau, on n'a qu'une chose à faire, c'est applaudir. Et, quand il le ferme, on se tait ! »
Serge Bilé
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