Kouassi Ange, mère de trois enfants, se prépare comme chaque année à passer le Ramadan aux côtés de ses voisins musulmans. « J’ai des voisins musulmans et nous avons pris l’habitude de nous envoyer des plats pendant de tels moments. Mais chaque année, j’ai l’impression qu’au cours de cette période, les prix sont élevés pour nous tous, mais surtout pour les familles nombreuses comme chez moi », explique-t-elle, soucieuse des difficultés qu'engendre cette hausse de prix des produits de consommation courante. Comme elle, de nombreuses familles s’y préparent en faisant des provisions à l’avance. Cependant, cette stratégie n'est pas toujours efficace, car les hausses de prix commencent bien avant le début du mois béni.
Dans les supermarchés et supérettes
Dans plusieurs supermarchés et marchés de Cocody, les prix varient en fonction des enseignes et des quartiers. Dans certaines grandes surfaces comme Cash Ivoire, le prix du sac de riz Rizière est passé à 17 500 francs CFA, tandis que dans les mini-supérettes de quartier, il atteint parfois 18 000 francs CFA. Le lait en poudre Bonnet Rouge, très prisé durant cette période, affiche une augmentation notable, avec la boîte de 410g dont le prix varie entre 1100 FCFA et 1200F CFA dans certains magasins contre 800 FCFA naguère. Le prix du sucre, qu'il soit blanc ou roux, oscille entre 825 et 875 francs CFA le kilogramme, tandis que les dattes, indispensables pour la rupture du jeûne, coûtent entre 990 et 1 200 francs CFA selon les points de vente.
Les raisons de la hausse
A l’origine de cette flambée de prix se tiennent plusieurs raisons. Mohamed Diallo, commerçant d’une boutique dans la zone de Angré, explique : « le transport coûte de plus en plus cher. Nous allons prendre les marchandises en gros, pour les revendre. On doit payer le transport, payer la main d’œuvre pour les déplacer. Et souvent, quand on s’approvisionne à l’étranger, on doit payer la douane et les autres taxes qui vont avec. Si on revend aux mêmes prix, on n'en tire aucun bénéfice »
Outre les coûts liés à la logistique, l’augmentation de la demande suscite aussi cette flambée. « Pendant le Ramadan, tout le monde achète beaucoup. C’est comme pendant les fêtes, donc les prix augmentent », ajoute notre interlocuteur . Cette situation est d'autant plus préoccupante que les salaires et les revenus des ménages n'augmentent pas proportionnellement.
Certains consommateurs estiment plutôt que les commerçants profitent de l’occasion pour systématiquement augmenter les prix de façon exagérée. « Chaque année, c’est la même chose. Les prix montent sans raison valable. Il faudrait que le gouvernement intervienne efficacement pour éviter ces abus », plaide Moussa Sangaré, un père de famille .
Des mesures contre la vie chère
Face à cette inflation récurrente, le gouvernement ivoirien a pris des mesures pour plafonner certains prix, notamment ceux du sucre. En effet, un arrêté interministériel publié le 8 janvier 2025, stipule que les prix de vente du sucre ne doivent pas dépasser certaines limites, toutes taxes comprises. Selon cet arrêté, le prix maximum du kilo de sucre granulé blanc est de 815 francs CFA, tandis que celui du sucre granulé roux est fixé à 765 francs CFA. Le sucre en morceaux, qu’il soit blanc ou roux, ne doit pas dépasser 1 000 francs CFA par kilogramme. De plus, les nouveaux formats de 435 grammes de sucre granulé blanc et roux sont plafonnés à 450 francs CFA, tandis que les formats de 230 grammes sont fixés à 250 francs CFA.
Cette disposition vise à protéger les consommateurs contre la spéculation abusive et à garantir un accès équitable aux produits essentiels pendant le ramadan. Toutefois, son application reste un défi. A Cocody, dans les les grandes surfaces, les prix réglementés sont globalement respectés, mais dans les marchés de proximité, il n'est pas rare de constater des écarts. Certains commerçants invoquent des coûts d’approvisionnement plus élevés et des difficultés logistiques pour justifier ces dépassements.
Divergences de vues
Si certains consommateurs saluent cette initiative, d'autres restent sceptiques quant à son application effective. Awa Konaté, mère de famille, estime que « les plafonds des prix ne sont pas toujours respectés sur le marché. A chaque fois les commerçant nous sortent un nouvel argument. Tels produits sont devenus rares, où on ne trouve plus tels autres produits chez les fournisseurs ».
De leur côté, les commerçants se plaignent des restrictions imposées par le gouvernement. "Nous aussi devons faire des bénéfices. Lorsque nous allons nous approvisionner, si nous ne revendons pas avec une majoration, comment pourrions nous vivre de notre activité ? » Alors que la période du Ramadan, prévue du vendredi 28 février au dimanche 30 mars 2025, approche, la question du coût de la vie demeure un sujet de préoccupation majeure. Les familles musulmanes et même non musulmanes espèrent que des efforts supplémentaires seront faits pour contenir la flambée des prix et assurer un Ramadan serein.
Le gouvernement, quant à lui, continue de réguler les prix sur les marchés et d'exercer un contrôle sur les circuits de distribution. Mais dans un contexte où l’économie mondiale reste instable, la lutte contre la vie chère reste un combat de tous les jours pour les consommateurs ivoiriens.
Claude Eboulé