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Un infirmier ivoirien recruté par Québec en situation d’échec lance un appel à l’aide

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’infirmier ivoirien Sai Anvo montre une photo sur son téléphone portable de ses cinq enfants et sa conjointe qui vivent à Cap-Chat.

Recruté par le Québec pour venir en renfort dans le réseau de la santé, Sai Anvo, un infirmier ivoirien formé au cégep de la Gaspésie et des Îles, dit vivre un cauchemar éveillé. D’infirmier avec une situation enviable dans son pays, il a le sentiment d’être pratiquement devenu un paria, dont on ne veut même pas comme préposé aux bénéficiaires. Tout ça en à peine un an.

« On a tout quitté pour venir. On ne peut pas reculer. Je n’ai même pas assez de revenus pour retourner chez moi », confie-t-il au Devoir. « C’est humiliant. C’est une aventure qui a échoué. »


Originaire de la Côte d’Ivoire, ce père de famille est débarqué à Sainte-Anne-des-Monts à l’automne 2023 avec sa femme et ses cinq enfants. Installés à Cap-Chat, il leur a fallu s’adapter à l’hiver qui s’installait et au coût de la vie exorbitant pour une famille de sept, dont des dépenses imprévues, comme l’achat d’une voiture. « Au début, ça a été un choc », dit le participant au programme des infirmiers diplômés hors Canada, lancé en 2022 par le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) pour recruter 1500 infirmières et infirmiers d’Afrique francophone.

Sai Anvo dit avoir trouvé particulièrement difficile de s’adapter à l’accent local, ce qui, selon lui, a contribué en partie à son premier échec à l’un des derniers stages de la formation d’appoint au cégep de la Gaspésie et des Îles. Il avait du mal à comprendre les consignes et devait souvent faire répéter les enseignantes. Cela lui aurait causé beaucoup de stress. « Je sens que j’ai perdu ma dignité. Chez moi, j’étais le meilleur infirmier, mais ici, c’est complètement l’inverse. On doute de moi parce que j’ai un problème langagier », déplore l’homme qui travaillait comme infirmier pour une multinationale du cacao ainsi que dans un hôpital public d’Abidjan.



À la fin de l’été 2024, Sai Anvo est exclu du programme en raison de son échec. Il dit avoir vécu pendant trois mois dans la précarité la plus totale, le MIFI ayant cessé de lui verser son allocation de 500 $ par semaine. « On mangeait dans les banques alimentaires. On n’avait plus d’argent pour payer la maison. » Pendant cette période, ayant été exclu du programme, il avait perdu la possibilité de travailler comme préposé aux bénéficiaires.

Si l’infirmier ivoirien a accepté de se confier au Devoir, c’est pour lancer un appel à l’aide. « Je ne veux pas cacher ça. Il faut dire ce qu’on vit pour que les gens de bonne volonté pensent à nous. La population est extraordinaire », dit-il.

M. Anvo ne peut s’empêcher de se sentir trahi. « On ne nous a pas dit la vérité. Avant de venir, on nous a dit qu’on ferait une mise à niveau et qu’on allait travailler ensuite. Je ne pensais pas qu’on aurait une épée de Damoclès sur la tête et que ce serait : “tu réussis ou tu retournes chez toi”. »

Une reprise difficile

En novembre dernier, il a pu intégrer une cohorte de reprises au cégep de Bois-de-Boulogne, à Montréal. Mais les choses ne vont guère mieux pour lui. À plus de 700 kilomètres de sa famille, qui est restée à Cap-Chat, Sai Anvo dit être inquiet pour la « survie » de sa femme et de ses cinq enfants, dont les plus jeunes sont des jumeaux de 4 ans. « Ils m’appellent pour me dire qu’ils n’arrivent pas à manger », dit-il, la voix brisée.

En plus de son logement à Montréal, il doit payer pour la maison en Gaspésie, dont sa famille pourrait être évincée. « Je suis en retard de deux mois sur le paiement », souffle-t-il. L’aide financière du ministère de l’Immigration s’arrêtera le 28 février prochain, selon une lettre du MIFI que Le Devoir a pu consulter. De manière définitive, cette fois, puisque le maximum de 62 semaines de l’allocation est atteint.

Une autre tuile s’est abattue sur lui il y a quelques jours lorsqu’il a appris qu’il échouait encore à son stage, par quelques points de pourcentage. Sai Anvo a pourtant réussi haut la main la partie théorique et les laboratoires, selon ses résultats dans Omnivox que nous avons consultés. « C’est une question d’adaptation et de compréhension », dit-il pour expliquer son échec. Et de concentration, reconnaît-il. « Je ne suis pas tranquille. »

Depuis le début de la reprise, Sai Anvo dit s’être senti stigmatisé et mis de côté. Il déplore s’être fait proposer de devenir préposé aux bénéficiaires, alors que son stage venait de commencer. Il dit toutefois avoir bénéficié de l’écoute de certaines personnes du cégep de Bois-de-Boulogne, auxquelles il a fini par s’ouvrir sur ce qu’il vivait. Une fondation lui aurait même fait un don.

Interpellés sur ce cas, le Cégep de Bois-de-Boulogne et le MIFI n’ont pas répondu à nos questions.

En attente d’un verdict

Aujourd’hui, Sai Anvo est en attente d’un verdict, possiblement celui de son exclusion définitive du programme. « Si ma formation s’arrête, comment je vais nourrir ma famille ? » interroge l’homme en détresse.

Selon les règles du programme, les étudiants en échec peuvent être embauchés comme préposés aux bénéficiaires. Or, même si Sai Anvo voulait retourner auprès de sa famille en Gaspésie pour être préposé aux bénéficiaires à plein temps, il ne le pourrait pas. Le CISSS de la Gaspésie refuse de l’embaucher, selon un courriel que Le Devoir a pu consulter.

Pourtant, tout allait bien quand il travaillait comme préposé pendant sa formation d’appoint. « C’est comme si, depuis mon échec, on m’avait collé une étiquette dans toute la région. Apparemment, on peut me jeter à la poubelle. »

Sai Anvo ne veut pas abandonner son rêve de devenir infirmier. Pour améliorer sa compréhension de la langue, il dit s’être imprégné de la culture d’ici. « J’ai commencé à lire de la littérature québécoise. J’écoute la radio d’ici », dit-il avant de lancer fièrement une expression québécoise. « Il faut attacher sa tuque. »

Lisa-Marie Gervais




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