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L’Enquête du jeudi. Côte d’Ivoire. Les latrines, une plaie dans les écoles

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Des élèves se soulageant en pleine nature, faute de toilettes praticable

Les latrines des établissements scolaires ne sont pas toujours dans un état de propreté acceptable. Constats et explications à Bonoua, à une soixantaine de kilomètres au sud d’Abidjan.

Lundi 3 février 2025, il est autour de 11 h. Nous sommes à l’école primaire Bonoua 4. Depuis l’entrée de l’établissement, l’on aperçoit des élèves debout ou accroupies (pour les jeunes filles), en train d’uriner, en plein air. A la question de savoir pourquoi ils n’utilisent pas les toilettes pour faire leurs besoins, ils répondent : « Parce que les toilettes sont fermées ». On remarque en effet la présence d’un bâtiment abritant des latrines, mais hermétiquement fermées.

Près de ce bâtiment, se trouve un tas d’ordures. Il ressemble fort bien à un dépotoir servant aussi de "toilettes provisoires" aux écoliers, où ces derniers viennent faire leurs besoins. M. Adou Juste, secrétaire général du bureau du Comité de Gestion des établissements scolaires (COGES) dudit établissement, donne les raisons de cette situation .« En effet, les toilettes de l’école sont fermées temporairement aux élèves parce qu’elles ont été réhabilitées et ce n’est que le lundi prochain qu’elles rouvriront ». En attendant, ceux-ci n’ont d’autre possibilité que ces "toilettes en plein air", ce qui peut avoir des conséquences sur la santé de ces enfants.

Bien qu’il puisse choquer certains, ce fait n’est pas un cas isolé. En effet, après la visite des différents établissements primaires de la ville, la situation est la même. Au groupe scolaire Awossi Ahoulou N’Gatta -Ablé, les élèves se soulagent où ils peuvent : dans les buissons, entre des bananiers, derrière les salles de classe… bref, du moment où ils arrivent à évacuer, ils ne se soucient guère de l’état du lieu choisi pour le faire. Car les toilettes de cette école sont hors service.

Des moyens insuffisants

Auparavant, le COGES, chargé de s’occuper de l’organisation de la vie scolaire, fonctionnait grâce aux cotisations et aux dons de matériels d’entretien des parents d’élèves. Ce qui leur permettait d’entretenir les toilettes des écoles. Mais il y a deux ans de cela, l’Etat a mis fin à ces cotisations et subventionne lui-même les bureaux de COGES de chaque école. Mais il se trouve que les fonds mis à leur disposition ne suffisent pas pour faire face à toutes les dépenses, selon les explications des responsables d’établissements.

Un directeur du groupe scolaire Awossi Ahoulou-N’gatta Ablé-Assiri Assohoun, qui a requis l’anonymat affirme que « l’argent que reçoit le COGES ne suffit pas pour faire face aux besoins de l’école. Donc on ne peut pas parler d’arranger les toilettes. » Il fait remarquer l’état des salles de classes et d’un bâtiment devant servir de bureau à l’un des directeurs, qui se trouve inachevé depuis un long moment, faute de moyens suffisants. Il nous fait également accompagner pour visiter les toilettes de tout le groupe scolaire. Sur place, ce sont quelques trois bâtiments perdus au milieu des bananiers et envahis par les herbes qui se présentent à nous.

Avec un air de découragement, il lance un véritable cri du cœur et appelle des personnes de bonne volonté à venir réhabiliter les toilettes. « Des ONG sont passées et nous ont promis de l’aide, mais jusque là rien. Venez nous aider, on souffre. Les enfants sont obligés de se soulager au milieu des bananiers. »

Non loin de là, le directeur d’une autre école primaire publique souligne lui aussi, l’insuffisance des moyens. Ce qui fait que l’entretien des latrines est relayé au second plan. « Depuis que le gouvernement a décidé de financer lui-même les COGES, on fonctionne pratiquement à crédit. Non seulement ces aides viennent en retard, et lorsqu’elles arrivent, il faut payer les dettes en plus d’autres charges. Après tout ça, il ne reste plus rien pour entretenir les toilettes des enfants. » Elles sont donc disponibles mais inutilisables.

Les toilettes de cet établissement ne sont pas fonctionnelles pour plusieurs raisons, explique le directeur : « Tout d’abord, les élèves eux-mêmes, après leur passage, laissent les toilettes dans un état déplorable. Il y a aussi des personnes extérieures à l’école qui viennent jouer au foot, qui utilisent les latrines et y font du n’importe quoi. Parfois même elles défoncent les portes juste parce qu’elles veulent faire leurs besoins. »


Des toilettes réhabilitées seront ouvertes très bientôt


« Si les portes des toilettes sont abîmées, il ne sert rien de les entretenir, puisqu’il n’y a pas de surveillance. » indique le directeur, sur une note de désolation. Toutes ces mauvaises actions ont contribué à dégrader les latrines et à les rendre impraticables.

Dans certaines écoles comme à Bonoua 4, les enseignants évitent de donner du papier hygiénique aux enfants, mais les incitent plutôt à utiliser de l’eau pour se nettoyer après leurs besoins. C’est ce qu’explique M. Adou Juste, en montrant les seaux d’eau disposés près des toilettes. Tout cela, dans le souci de maintenir le lieu propre. Car précise -t-il, « on a remarqué que les enfants ne savent pas se servir des papiers toilettes. Ils les utilisent pour boucher les trous c’est pourquoi on a trouvé ce moyen beaucoup plus efficace ».

Journée mondiale des toilettes

Selon le directeur d’une des écoles visitées, c’est le président de la coopérative qui organise et encadre le nettoyage en coordination avec le club d’hygiène et santé, s’il en existe un. Avec les produits comme l’eau de javel, du papier hygiénique, et le savon en poudre que les parents des enfants apportaient (qui n’étaient pas obligatoires selon lui), ils s’organisaient avec les enfants, pour l’entretien des toilettes. « Le plus souvent, ce sont les élèves du CE jusqu’au CM2 que nous engagions dans le nettoyage. Nous faisions une répartition dans la semaine, chaque deux jours ou chaque soir, si le temps le permettait ». Il poursuit en disant : « Puisque ce sont des enfants, nous faisions l’effort d’assainir l’endroit pour leur éviter des maladies. C’est pourquoi lorsque nous nous sommes retrouvés dans l’impossibilité de le faire, nous avons dû fermer les toilettes ».

Du côté de Bonoua 4, c‘est le même travail qui est fait avec les élèves. « Chaque semaine on organise les enfants pour le nettoyage, sous la supervision de l’enseignant responsable de l’entretien. Généralement, c’est avec les élèves du CM2 que nous travaillons » explique le secrétaire général du COGES.

La journée mondiale des toilettes, célébrée le 19 novembre de chaque année, rappelle la nécessité de disposer de toilettes salubres aussi bien dans les ménages qu’en milieu scolaire. Depuis 2019 donc, des actions sont menées pour accroître le nombre d’écoles disposant de latrines. Dans le souci de préserver la santé des enfants dans le milieu scolaire, le gouvernement initie des séances avec les responsables des établissements pour les former sur comment arriver à maintenir un environnement sain pour les enfants, avec les moyens dont ils disposent, en mettant l’accent sur les points d’eau et les toilettes, a fait savoir l’un des directeurs rencontrés.

Sensibilisation des élèves

Par ailleurs, comme promis par le secrétaire du COGES de l’école Bonoua 4, les toilettes réhabilitées ont été effectivement ouvertes le lundi suivant. Nous y avons fait un tour et avons pu le constater. Cependant, certains élèves ont gardé leurs mauvaises habitudes et continuent d’uriner en plein air, pendant que les autres utilisent les toilettes.

Dès lors, il se pose un autre problème, qui est celui de la sensibilisation des enfants sur l’utilisation et l’entretien des toilettes. Car il sera difficile d’arriver à avoir des latrines salubres, s’ils ne savent pas comment et pourquoi il faut les garder propres. Ce qui nécessiterait évidemment une véritable implication des responsables de COGES.

Marie-Claude N’da

 




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