J’ai lu dans un récent numéro du quotidien Soir Info le récit de la rencontre entre madame Nady Gbagbo et des membres du parti que préside son mari Laurent Gbagbo au foyer des jeunes d’Azito le 5 janvier dernier. Je vous livre une partie des propos qu’elle a tenus, tels que rapportés par Soir Info : « en avril 2011 le président Gbagbo est incarcéré à Korhogo. En novembre 2011 il est transféré à la prison de Scheveningen. Ce n’est qu’en avril 2012 que je le vois pour la première fois parce que j’étais sous sanction, interdite de voyager et tous mes comptes bancaires gelés….Quand le chef était en prison à Korhogo, il n’avait droit à aucune visite sauf à celle de ses avocats. Il fallait que nous attendions que ses avocats lui rendent visite, et cela, une seule fois par mois, pour que nous puissions avoir de ses nouvelles, pour savoir s’il était en vie ou pas…Je vous assure que la prison de Korhogo a été la pire prison pour moi. En plus de l’interdiction de visite, il n’avait pas le droit de téléphoner…J’entends certains de ses adversaires se moquer de la démarche lente du président Laurent Gbagbo, parce que, disent-ils il est vieux…Notre chef porte les traces de leur injustice. Notre chef porte les traces de leur oppression. A chaque fois que le président Laurent Gbagbo marchera lentement, ce sont eux qui devraient avoir honte et se taire. Et vous, chaque fois que vous verrez le président Laurent Gbagbo marcher lentement, vous devez en être fiers parce que la lenteur de sa démarche est le signe de sa résilience. » Et selon le journaliste qui relatait la scène, « des femmes pleuraient dans la foule. Un silence glacial a alors envahi les partisans de Laurent Gbagbo. Il a fallu à Nady Bamba d’apporter un peu d’humour pour retrouver l’ambiance de départ. »
Nady Bamba Gbagbo, yako ! Tu as souffert. Yako ! Yako ! Tu dis que la prison de Korhogo a été la pire pour toi. Parce que tu ne pouvais pas aller voir ton mari. Mais tu ne nous dis pas s’il y était torturé, battu quotidiennement. Je suppose que si cela avait été le cas, tu l’aurais dit. Tu dis que Laurent Gbagbo porte les traces de leur injustice, de leur oppression. Quelle injustice ? Quelle oppression ? Nady, te rappelles-tu au moins qu’en 2010, les instances chargées de valider les résultats de l’élection présidentielle avait déclaré que ton mari l’avait perdu ? Te rappelles-tu qu’il avait refusé d’accepter ce résultat et qu’il avait déclenché une guerre qui au total coûtera la vie à quelques trois mille personnes ? Que devait-on faire, lorsque ton mari est finalement arrêté et que la souffrance des populations cesse ? Le féliciter ? Le décorer ? Ils étaient nombreux, ceux qui auraient voulu qu’il meure. Mais le président Ouattara avait donné des consignes très fermes pour que sa vie soit préservée. Et c’est ce qui a été fait. Le président Ouattara a tenu à ce qu’il soit jugé. Il l’a été. Et il a été acquitté des accusations de crimes contre l’humanité. Et il est rentré dans son pays. Ses différentes pensions lui ont été versées, il est de nouveau chef de parti, mène ses activités politiques, critique le pouvoir, et coule des jours heureux à tes côtés. Sais-tu qu’ils sont nombreux, ceux à qui, lui, n’a pas donné cette chance ? Veux-tu écouter les complaintes des parents du colonel Dosso ? Celle des parents de Yves Lambelin, du directeur du Novotel, d’un Malaisien et d’un Béninois qui ont eu le malheur de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment ? Ils ont été enlevés à l’hôtel Novotel, conduits au palais présidentiel où régnait ton mari, torturé et tués. Tu ne peux pas ne pas le savoir. Tu veux que je te parle de la souffrance des parents et amis du docteur Dakoury-Tabley, de « H », du vieux Dosso de Yopougon dont les quatre enfants ont été tués sous ses yeux, et de tant d’autres Ivoiriens tués, torturés, brûlés vifs dans cette histoire ? Tu veux qu’on parle des femmes d’Abobo ? Tu veux que je te parle des souffrances des femmes violées à l’école de police au début du règne de ton mari ?
Nady Bamba Gbagbo, je ne te demanderai pas de remercier Alassane Ouattara. Ce serait trop te demander. Mais tu devrais. Alors, remercie Dieu. Ton amoureux est parti en prison à Korhogo, puis en Hollande, et il est revenu pour t’épouser et je suppose que vous êtes heureux. Vous vous permettez même de rêver de reconquérir le pouvoir. C’est Alassane Ouattara qui vous donne cette possibilité. Quand ton mari avait les rênes du pouvoir, il n’a pas laissé cette chance à ceux qui l’ont combattu.
Ne pas avoir pu rendre visite à ton amoureux à Korhogo a été une très grande souffrance pour toi ? Yako ! A ton tour, dis yako à tous ceux qui ne verront plus jamais leurs proches, parce que tués par le régime de ton mari qui voulait s’accrocher à tout prix au pouvoir.
Venance Konan