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L’Enquête du jeudi. Côte d’Ivoire. Déchets biomédicaux dans la nature : quand les incinérateurs des hôpitaux publics tombent en panne

Publié le :

M.Kouamé Tiémélé

La découverte de déchets biomédicaux dans le village d’Akouédo à Abidjan avait suscité plusieurs réactions sur les réseaux sociaux. Logiquement, ces déchets ne devraient pas se retrouver abandonnés dans la nature. Pourquoi donc une telle situation ? C’est ce que nous avons voulu comprendre.


Les faits se sont déroulés le dimanche 10 novembre 2024 dans le village d’Akouédo. Selon un communiqué du procureur de la République, Koné Braman Oumar, les services compétents dépêchés sur les lieux ont retrouvé un mort-né, un avorton (issu d’une fausse couche), dix fibromes, trois hernies étranglées, un sac contenant divers prélèvements biologiques ainsi que plusieurs fiches portant les estampilles des CHU de Treichville et de Yopougon.

Il convient de savoir que les déchets biomédicaux, du fait de leur délicatesse, font toujours l’objet d’un traitement spécial. Parce que, une fois dans la nature, ils peuvent être dangereux pour l’homme, nous confie Kouamé Tiémélé, doctorant en sciences de l’environnement et promoteur d’une entreprise spécialisée dans la gestion et l’élimination des déchets biomédicaux. A en croire ses propos, l’exposition à ces déchets peut provoquer des maladies chez les personnes qui entrent en contact avec eux. Il se souvient d’un cas qui l’a particulièrement marqué en 1991 : « À l’époque, je travaillais au laboratoire de l’Institut d’hygiène. Nous avons examiné un enfant séropositif, alors que ses parents étaient séronégatifs. Après enquête, nous avons découvert que c’est par ce que l’enfant jouait avec des seringues abandonnées par une clinique qui jetait ses déchets dans la nature. C’est ainsi qu’il a contracté le virus », raconte-t-il.


Des incinérateurs appropriés


Les déchets biomédicaux, à la différence des déchets ménagers, sont des restes ou des organes entiers, des membres, retirés du corps humain, des avortons, des seringues et autres petits matériels à usage unique infectés et ayant déjà servi, etc. Aussi, leur destruction ou traitement ne peut se faire que dans des conditions particulières au sein des hôpitaux et de préférence par incinération dans un incinérateur conçu à cet effet. Ou à défaut, les déchets sont incinérés dans un trou.

Selon un article de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), publié en octobre 2024, sur la quantité totale de déchets produits par les activités de soins de santé, environ 85 % sont des déchets de type général et ne sont pas dangereux. Les 15 % restants sont considérés comme des matières dangereuses qui peuvent être de type infectieux, toxique, cancérigène, inflammable, corrosif, réactif, explosif ou radioactif.

L’institution onusienne, révèle qu’il existe plusieurs raisons expliquant l’insuffisance des services de gestion des déchets issus d’activités de soins. Il s’agit notamment de cadres juridiques limités (politiques, réglementations, directives, etc.), d’une méconnaissance des dangers pour la santé liée aux déchets d’activités de soins, d’une formation insuffisante à la gestion appropriée des déchets, de l’absence de systèmes de gestion et d’élimination des déchets, de l’insuffisance des ressources financières et humaines et d’une faible priorité accordée à cette question. « De nombreux pays ne disposent pas d’une réglementation appropriée ou s’ils en disposent, ils n’en assurent pas le suivi et ne l’appliquent pas », indique l’OMS.


Pannes d’incinérateurs dans les CHU


En Côte d’Ivoire, les hôpitaux publics, surtout ceux où sont pratiqués des actes chirurgicaux sont censés disposer d’incinérateurs, appropriés à la gestion sans danger de ces déchets. Il s’agit d’espèces de fours dans lesquels sont introduits les déchets, détruits par le feu à une très forte température.

Notre interlocuteur Kouamé Tiémélé, explique que la gestion des déchets biomédicaux dans les hôpitaux fait partie intégrante des soins. S’ils sont mal gérés, les patients peuvent contracter des infections à l’hôpital. « Un malade admis pour un paludisme peut repartir avec une autre maladie à cause de la mauvaise gestion des déchets. Une fois, j’ai vu un chien en train de manger un pied amputé. Cette scène m’a profondément marqué », ajoute- il.

Les déchets biomédicaux retrouvés dans le village d’Akouédo étaient également constitués de plusieurs fiches estampillées CHU de Treichville et CHU de Yopougon selon le communiqué du procureur de la République. Ce qui logiquement veut dire que c’est de ces hôpitaux qu’ils étaient issus. L’un de nos interlocuteurs au CHU de Treichville, ayant requis l’anonymat nous a confié que les « incinérateurs de cet établissement sont en panne depuis quelque temps. Mais qu’ils étaient en cours de réparation ». Il ajoute que, dans ce genre de situations, ces déchets du CHU de Treichville sont confiés aux autres CHU d’Abidjan pour leur traitement. Encore faudrait-il que ces derniers aient leurs incinérateurs fonctionnels, qui n’est pas toujours le cas malheureusement.


Des déchets dans des charrettes


C’est fort de tout cela que depuis 2016, Kouamé Tiémélé a fondé H2SI, une entreprise spécialisée dans la gestion et l’incinération des déchets biomédicaux. Aujourd’hui, il offre ses services à 23 cliniques abidjanaises. Grâce à des incinérateurs qu’il a lui-même conçus, avec une autorisation provisoire du ministère de tutelle et à un agrément du Centre ivoirien Antipollution (CIAPOL), il a concrétisé son projet.


Certains responsables des cliniques avec lesquelles il travaille expliquent qu’auparavant, les déchets étaient confiés à des personnes utilisant des charrettes, sans savoir où ces déchets finissaient. « Quand je leur ai parlé des dangers et qu’ils étaient responsables des conséquences, ils ont décidé de me faire confiance », explique-t-il.

Dans ses installations, le processus d’incinération se déroule en trois phases. La première est la déshydratation, où les déchets sont chauffés de 0 à 400 degrés, permettant l’évaporation de toute l’eau qu’ils contiennent. La deuxième phase, appelée pyrolyse, consiste en la décomposition des matières organiques par la chaleur, ce qui génère du gaz butane et du goudron. Enfin, la dernière phase fait intervenir une pression et une température fixées à 1 000 degrés, qui enflamme le gaz butane.

Initialement installée à Bingerville, l’entreprise a désormais déménagé à M’Batto afin de s’éloigner des zones résidentielles. « Nous avons constaté que la ville s’agrandissait trop rapidement, et les constructions se rapprochaient de notre centre. Nous avons donc préféré nous éloigner des habitations », précise-t-il.


De Lima Soro







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