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Politique

La saine appréciation des réalités du moment

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On prête à Houphouët-Boigny, dont personne ne discute de la sagesse, cette phrase : « la politique est la saine appréciation des réalités du moment. » Il disait aussi, à propos de la France et des Français : « j’avais la prudence de celui qui les connaissait un peu. Eux (ses adversaires politiques), avaient l’audace de ceux qui ne savaient rien. » Houphouët-Boigny, rappelons-le, avait été député et ministre dans plusieurs gouvernements français avant l’indépendance de son pays. On pouvait donc dire qu’il connaissait la France de l’intérieur, dans son intimité. Au moment de notre indépendance, la Côte d’Ivoire, comme tous les pays africains nouvellement indépendants, était un pays à construire. Il n’y avait pratiquement aucune infrastructure, il fallait de l’expertise et des cadres dans tous les domaines, et nous ne les avions pas. Il n’y avait non plus pas d’armée digne de ce nom, alors que l’environnement était hostile. Il fallait former tout le monde. Il fallait des enseignants, des formateurs. Houphouët-Boigny choisit alors de collaborer avec l’ancien pays colonisateur qu’était la France. Et ce pays envoya de nombreux coopérants français dans tous les domaines, mais particulièrement dans le domaine de l’éducation, tout en ouvrant une base militaire en Côte d’Ivoire.

Près de nous, Sékou Touré, premier dirigeant de la Guinée, dit un « non » fracassant à la France lorsque ce pays lui proposa une association. Et son pays prit aussitôt son indépendance. Les Français de leur côté partirent aussitôt, laissant le pays sans aucune compétence pour le faire fonctionner. On dira peut-être que la France avait agi sciemment ainsi pour mettre la Guinée à genoux. « Nous préférons la pauvreté dans la liberté à la richesse dans l’esclavage » avait dit Sékou Touré dans son discours de rupture avec la France. La Guinée eut la pauvreté dans laquelle elle se vautre encore aujourd’hui et n’eut aucune liberté. « J’avais la prudence de celui qui les connaissait un peu… » disait Houphouët-Boigny. Et la politique est aussi la saine appréciation des réalités du moment.

Un peu plus loin de nous, Patrice Lumumba du Congo rompit lui aussi avec la Belgique de manière tout aussi tonitruante. Le Congo avait alors moins de dix personnes ayant fait des études universitaires. Tous les Belges qui encadraient l’armée congolaise s’en allèrent et les soldats se donnèrent tous des galons, certains passant de troufion à colonel. Et le pays entra aussitôt en guerre civile. Patrice Lumumba fut tué avec la complicité des Belges. Il est devenu un héros pour une partie de la jeunesse africaine. Mais le Congo se vautre dans la pauvreté depuis son indépendance malgré ses fabuleuses richesses. « J’avais la prudence de celui qui les connaissait un peu… » Et la politique est la saine appréciation…

En 1945, alors que l’Allemagne nazie était déjà à genoux, les Alliés, conduits par les Etats Unis, bombardèrent les principales villes allemandes, tuant des milliers de personnes. A l’autre bout du monde, le Japon connut le même sort de la part des Américains. Ils ajoutèrent aux bombes classiques deux bombes atomiques qui rasèrent complètement les villes de Hiroshima et Nagasaki. Le Japon et l’Allemagne sont cependant restés des alliés fidèles des Etats Unis, abritant des bases américaines sur leurs sols. Ils se sont placés, tout comme les autres pays de l’Europe occidentale, sous la protection militaire des Etats Unis. La Finlande et la Suède qui se voulaient neutres se sont mis sous cette protection en adhérant à l’OTAN, l’un en 2023 et l’autre en 2024. Le Japon et l’Allemagne, naguère détruits par les Etats Unis, font partie des pays les puissants du monde sur le plan économique.

Je crois que la sagesse la plus élémentaire recommande que l’on se place sous la protection d’un allié plus fort lorsque l’on se sait faible. Il vaut d’ailleurs mieux s’allier à celui qui vous a vaincu. La Côte d’Ivoire a choisi de s’allier à la France et de coopérer avec elle dans tous les domaines, y compris dans celui de sa sécurité. Certains, même en Côte d’Ivoire, reprochent cela à notre pays, quand ils trouvent normal de s’allier à la Russie et de confier sa sécurité à des mercenaires.

Comme tout évolue, la coopération militaire entre la Côte d’Ivoire et la France a évolué et la base militaire française de Port-Bouët fermera bientôt. Cependant la coopération militaire entre nos deux pays se poursuivra. Où est le problème ?

Venance Konan




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