Décidément, l’après-pouvoir ne s’annonce pas comme une sinécure pour Macky Sall. En effet, après l’incident de l’aéroport de Casablanca qui avait vu l’ancien président sénégalais, déposer une plainte contre une compatriote passagère du même vol que son épouse et lui, après « des échanges de propos et d’insultes », le natif de Fatick a encore saisi la Justice le 23 décembre dernier. Cette fois, il a déposé une plainte contre X pour « faux et usage de faux » et « diffamation » après la diffusion, sur les réseaux sociaux, d’un document présenté comme le relevé de son compte bancaire situé dans un paradis fiscal et au montant pharaonique d’un milliard de dollars. Quand on sait que ses successeurs au pouvoir, en l’occurrence le Premier Ministre Ousmane Sonko, l’avaient accusé, il y a de cela quelques mois, d’avoir falsifié les chiffres de la dette et du déficit budgétaire, on comprend que l’ex-locataire du palais de la République prenne très au sérieux ces rumeurs à peine voilées de dissipation de l’argent du contribuable, qui peuvent, à tort ou à raison, autant salir sa réputation que ternir son image.
Ils sont nombreux les chefs d’Etat africains à traîner des casseroles dans des dossiers sales de biens mal acquis
Et qui, mieux que la Justice, pour laver son honneur ? Toujours est-il qu’en saisissant l’institution judiciaire de son pays, tout porte à croire que le prédécesseur de Diomaye Faye au palais présidentiel, ne veut pas laisser libre cours à la rumeur. Et il est difficile de lui donner tort dans un contexte africain où un manque de réaction de sa part, pourrait paraître comme un aveu de culpabilité. Tant l’adage « qui ne dit mot consent », semble profondément ancrée dans la conscience collective sous nos tropiques. Toutefois, c’est une démarche qui n’est pas sans risque, dans un contexte général où la Justice sénégalaise, quel que soit le régime en place, a souvent été taxée de se laisser instrumentaliser par les forts du moment. C’est pourquoi cette plainte de l’ancien président, apparaît aussi comme un défi pour la Justice sénégalaise. Un défi pour traquer et débusquer ceux qui sont à l’origine de ces rumeurs, si elles étaient infondés. Et un défi pour dire le droit en toute impartialité. Cela est d’autant plus important qu’au-delà du montant faramineux du pactole, c’est une question qui a trait à la bonne gouvernance et qui concerne tous ceux qui, passés ou présents, sont en charge de la gestion des deniers publics. C’est dire si la Justice sénégalaise est une fois de plus face à ses responsabilités. Et tout le mal qu’on lui souhaite, c’est de faire la lumière sur cette ténébreuse affaire. En tous les cas, si au bout du compte, les rumeurs sont démenties, que l’ancien président soit rétabli dans son honneur et que les coupables soient trouvés et châtiés à la hauteur de leur médisance. En le faisant, la Justice sénégalaise rendrait un grand service à la Nation et aux citoyens qui doivent comprendre que les réseaux sociaux ne sont pas une zone de non-droit.
Macky Sall fait d’autant bien de saisir la Justice que bien des choses se racontent sur sa gestion, depuis son départ du pouvoir
Mais, si d’aventure, la culpabilité du successeur d’Abdoulaye Wade venait à être établie, que le droit soit dit et qu’il rende gorge pour ses actes délictueux commis à la tête de l’Etat sénégalais. Car, la question des paradis fiscaux ne date pas d’aujourd’hui. Et du Congolais Denis Sassou Nguesso à l’Equato-guinéen Teodoro Obiang Nguema en passant, entre autres, par l’Angolais Dos Santos, feu le Tchadien Idriss Deby Itno pour ne citer que ceux-là, ils sont nombreux les chefs d’Etat africains ou leurs proches, à traîner des casseroles dans des dossiers sales de biens mal acquis souvent dissimulés à l’étranger. Et Macky Sall fait d’autant bien de saisir la Justice de son pays que bien des choses se racontent sur sa gestion, depuis son départ du pouvoir dans les conditions que l’on sait. Pour en revenir aux documents circulant sur les réseaux sociaux, de nombreuses sources remettent en cause leur authenticité. Mais le travail de la Justice sénégalaise devrait permettre de lever les doutes et de fixer définitivement les Sénégalais sur les tenants et les aboutissants de cette affaire qui a déjà fait couler beaucoup d’encre et de salive au-delà même des frontières du pays de la Teranga. Et ce, dans un contexte de rivalité continue entre l’ancien chef d’Etat décidé à rester dans le jeu politique, et ses adversaires politiques d’hier aujourd’hui au pouvoir.
« Le Pays »