Face au chômage, de plus en plus de jeunes misent sur l’entrepreneuriat. Porteurs d’idées, ils innovent dans des activités déjà pratiquées et transforment leurs projets en véritables opportunités. Quelques-uns racontent leurs parcours et les leçons qu’ils en tirent.
En octobre 2023, Koyé Dominique a créé une marque de chaussures appelée Yeko Girl. Elle propose des modèles en cuir et en simili-cuir. La jeune entrepreneure dessine elle-même ses chaussures ou s’inspire de modèles existants auxquels elle ajoute une touche d’originalité. « Je voyais déjà des personnes vendre ce genre d’articles. Je me suis dit : pourquoi ne pas faire comme elles, mais en innovant ? Par exemple, j’ajoute des cauris aux chaussures pour les rendre plus originales ».
En un an d’existence, elle a réussi à vendre une cinquantaine de paires de chaussures par mois. Pleine d’ambition, elle envisage aujourd’hui de créer une usine de fabrication et d’exporter ses créations à grande échelle. Pour se faire connaître davantage, elle a décidé de participer, le samedi 7 décembre 2024, à une exposition, destinée à offrir aux entrepreneurs une opportunité de se présenter au public. Comme elle, plusieurs autres jeunes entrepreneurs étaient présents pour s’attirer de nouveaux clients.
C’est le cas de Gonétié Attouoman créatrice d’une marque de parfum appelée La Maison Gonétier. Cette jeune entreprise, créée il y a deux mois, propose cinq types de parfums : deux mixtes, deux pour femme et un pour homme. Ils sont fabriqués à Dubaï, où la propriétaire prévoit de retourner pour développer d’autres gammes de produits. « Cette entreprise est née de ce que je pourrais appeler, mon addiction aux parfums et aux bonnes senteurs. C’est un concept nouveau en Côte d’Ivoire » explique-t-elle. Pour Gonétié Attouoman, les expositions représentent une excellente opportunité pour se faire connaître et attirer de nouveaux clients. « Cela permet aussi aux personnes qui nous suivent sur les réseaux sociaux de venir tester nos produits », ajoute l’entrepreneure qui prévoit également de créer une officine de fabrication de parfums en Côte d’Ivoire.
Un marché de proximité
À 20 ans, Noura Ayé, étudiante en journalisme, a lancé, en mai 2024, son entreprise basée à Cocody Abatta. Son concept repose sur des box de proximité qui proposent des vivres frais, directement issus des exploitations agricoles. Elle les tient à la disposition du public, à l’abri des mouches et autres insectes, dans un cadre sain et surtout avenant.
Le magasin est climatisé et équipé de panneaux solaires pour réduire les dépenses énergétiques. « Notre concept vise à rapprocher les marchés des ménages, pour éviter aux personnes de parcourir de longues distances pour s’approvisionner en produits vivriers. Nous cherchons également à garantir une meilleure hygiène par rapport à ce qui est proposé dans les marchés traditionnels », explique la jeune entrepreneure au micro de nos confrères de la RTI. Pour ses clients, ce modèle présente plusieurs avantages : une proximité qui réduit les déplacements, des prix compétitifs et des produits frais directement accessibles. Noura Ayé envisage d’implanter ce type de marché moderne dans une centaine de quartiers d’Abidjan.
De plus en plus de jeunes
En Côte d’Ivoire, de plus en plus de jeunes se tournent vers l’entrepreneuriat. Panels, conférences, forums, formations… Plusieurs initiatives sont organisées pour les encourager à se lancer et s’y maintenir vaille que vaille. Une dynamique que Gonétié salue avec beaucoup de satisfaction. « Les jeunes font preuve de plus en plus de créativité. C’est que l’Ivoirien a compris que tout le monde ne peut pas travailler dans un bureau et qu’il faut créer nos propres entreprises », affirme-t-elle. Pour Koyé Dominique, cette tendance s’explique surtout par le manque d’emplois. « Nombre de jeunes ne se lancent pas par passion. Ils s’essayent à l’entrepreneuriat, mais finissent souvent par se réorienter vers autre chose ».
Kango Constance a eu l’idée de créer une entreprise après avoir perdu son emploi de caissière dans une microfinance. Depuis 2021, avec l’aide de son époux, elle fabrique des vêtements, des portefeuilles, des sacs à mains et des bandoulières à bases de laine. Il lui faut quatre jours pour fabriquer un sac. « Au début, je fabriquais ces accessoires pour les offrir en cadeau à des connaissances. Elles trouvaient que ce n’était pas commun et que je faisais du bon travail. Donc je me suis dit que je pouvais en faire un business ». Actuellement, elle vend ses créations uniquement sur les réseaux sociaux.
« Les objets en laine fabriqués au crochet ne sont pas très répandus en Côte d’Ivoire. Quand les gens découvrent nos articles, ils pensent qu’ils sont importés, ce qui n’est pas le cas. » Pour changer cette perception, l’entrepreneure et son mari participent régulièrement à des expositions, afin de mettre en valeur leur savoir-faire. Kango Constance estime que l’environnement en Côte d’Ivoire est favorable à l’entrepreneuriat. « Avec toutes les infrastructures en construction, la Côte d’Ivoire devrait accueillir davantage de touristes, qui sont des acheteurs potentiels, » affirme-t-elle.
Financements
Investir dans un business nécessite des fonds. Si certains injectent leurs économies pour lancer leur entreprise, d’autres optent pour des financements externes. Ils peuvent, par exemple, participer à des concours récompensant les idées les plus innovantes.
Tomédé Ruth et trois de ses amis ont participé à l’un de ces concours. Sur mille participants, ils ont décroché la troisième place, ce qui leur a permis d’obtenir un financement pour créer une entreprise spécialisée dans la fabrication artisanale de sirops de boissons couramment consommées. Il s’agit de sirop de bissap, de menthe de passion ou même d’ananas. « Nous proposons des bars à sirops pour les grands événements tels que les mariages, les anniversaires ou même les baptêmes. Les invités peuvent se servir eux-mêmes grâce aux fontaines que nous installons », explique-t-elle. Cette entreprise est née d’une volonté de simplifier les choses pour les organisateurs d’événements, tout en proposant des produits proches du naturel.
Risques et solutions
Gonétier Attouoman qui est responsable administrative, est prête à démissionner pour assouvir pleinement la passion qu’elle voue à l’entreprenariat. Un risque qui ne l’effraie guère. « Toutes les décisions qu’on prend comportent des risques. Il y aura forcément des regrets et des questions. Mais, il faut se jeter à l’eau. Mon business me demande du temps, je dois parfois voyager pour refaire mon stock et être présente à certains évènements pour promouvoir mon business ». Koyé Dominique est de son avis. Auditeur financier, elle ne veut pas travailler pour quelqu’un continuellement. « Sur le long terme, je prévois travailler pour moi-même et abandonner l’audit. Je ne regrette pas mon choix d’être entrepreneur. Je commence même à l’adorer ».
Koyé insiste sur le fait que l’entrepreneuriat n’est pas une voie facile, surtout lorsqu’il constitue la seule source de revenus. « Il y a des moments où l’on peut passer un mois sans faire de ventes. Si c’est ta seule source de revenus, cela signifie que tu n’auras aucune rentrée d’argent pour ce mois » souligne-t-elle. Pour surmonter ces périodes, elle recommande d’analyser sa stratégie, d’identifier les failles et de trouver des solutions adaptées pour les corriger. Alice Gnapa, jeune entrepreneure ivoirienne spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de sacs féminins, a également rencontré des obstacles dans son activité. En 2021, sa boutique a été cambriolée et toutes ses créations ont été pillées, une histoire qui a ému les Ivoiriens sur les réseaux sociaux.
« Lorsque notre boutique a été cambriolée, nous avions deux choix : déprimer et abandonner ou redoubler d’efforts pour rebondir. Nous pouvions nous focaliser sur la perte et la peur, ou utiliser notre nouvelle audience pour passer à un autre niveau. Nous avons choisi la deuxième option, » écrit-elle sur sa page Facebook. Aujourd’hui, Alice Gnapa partage régulièrement des conseils avec les jeunes qui souhaitent marcher dans ses pas et se lancer dans l’entrepreneuriat.
De Lima Soro