En 2024, Kamala Harris, vice-présidente sortante et candidate démocrate à la présidence des États-Unis, a fait face à une série de défis qui ont entravé ses chances de succéder à Joe Biden à la Maison Blanche. Malgré un soutien notable de certains segments de l’électorat, plusieurs facteurs ont nui à sa campagne, la rendant moins réussie que prévu. Voici une analyse des raisons qui expliquent la défaite de Harris et les défis qu'elle a rencontrés tout au long de sa campagne.
1. Marge réduite auprès des Électrices
Kamala Harris a remporté le vote féminin avec une majorité de 54%-44%, ce qui reste significatif, mais bien inférieur à la performance de Joe Biden en 2020, où il avait obtenu 57%-42%. Ce recul de 3 points indique une baisse de l’enthousiasme parmi l’électorat féminin. Plusieurs raisons expliquent cette diminution: la fatigue politique post-Covid et la conviction que la question de l’avortement, malgré son importance, ne pouvait être réglée efficacement au niveau fédéral. De plus, certaines femmes, notamment celles des banlieues et des électrices modérées, ont pu se sentir aliénées par la ligne progressiste de Harris, la percevant comme trop à gauche sur des enjeux sociaux et économiques importants.
2. L'Avortement comme Enjeu Moins Mobilisateur
Bien que l’avortement ait été un enjeu central lors des élections de mi-mandat de 2022, il n’a pas eu le même impact en 2024. La décision de la Cour suprême dans l’affaire Dobbs v. Jackson Women’s Health Organization avait déjà redéfini le cadre juridique de l’avortement aux États-Unis, et de nombreux États avaient ajusté leurs lois en conséquence. Dans les États où l’avortement est légalement protégé, les électeurs pro-choix ont ressenti moins d’urgence à se mobiliser pour défendre leurs droits. En 2024, des préoccupations économiques, telles que l’inflation, l’emploi et la sécurité, ont dominé les priorités des électeurs, particulièrement dans les banlieues et les zones rurales, reléguant la question de l’avortement au second plan.
3. Soutien solide de Trump auprès des Hommes
Un autre facteur décisif dans l'élection a été le soutien massif de Donald Trump auprès des électeurs masculins. Trump a remporté le vote masculin avec la même marge que Harris a remporté celui des femmes, soit 54%-44%. Cette dynamique a annulé en grande partie les gains de Harris auprès des électrices. Trump a réussi à mobiliser une large base d’hommes, notamment ceux issus des classes ouvrières et des zones rurales, en misant sur des valeurs traditionnelles de masculinité et en véhiculant un discours populiste qui a trouvé un écho particulièrement favorable parmi les électeurs blancs et ruraux. Harris a eu des difficultés à convaincre les hommes indépendants, qui se sont montrés sceptiques quant à ses compétences en matière de leadership, notamment sur des enjeux économiques et de sécurité nationale.
4. Défis Structurels pour une Femme Candidate
Comme Hillary Clinton en 2016, Harris a été confrontée à des défis uniques en tant que femme candidate à la présidence. Des biais sexistes, à la fois explicites et implicites, ont influencé les perceptions de son leadership. Certains électeurs, consciemment ou non, ont continué à considérer qu’une femme, en particulier sur des sujets aussi cruciaux que la défense et la sécurité nationale, était moins apte à exercer la fonction de commandant en chef. De plus, ses erreurs ou ses moments de vulnérabilité ont été amplifiés par les médias, contribuant à une image de faiblesse qui a desservi sa campagne, surtout auprès des électeurs modérés.
5. Polarisation Politique et Loyauté des Bases Électorales
L’un des grands défis pour Harris a été la polarisation politique persistante aux États-Unis. L’électorat américain reste profondément divisé, et Trump a maintenu une base électorale extrêmement loyale. Contrairement à Biden en 2020, Harris a eu du mal à mobiliser une coalition large et énergique, en particulier dans les États décisifs comme la Pennsylvanie, le Wisconsin et la Géorgie. Bien que les Démocrates aient reçu un soutien considérable des progressistes, ils n’ont pas réussi à rallier un nombre suffisant d’électeurs indécis ou modérés. Trump, en revanche, a maintenu une forte mobilisation de sa base, notamment dans les États du Midwest et du Sud, où la dynamique politique reste fortement polarisée.
6. Critiques du Bilan de Harris en tant que Vice-Présidente
Le bilan de Kamala Harris en tant que vice-présidente a également été un point faible. Ses opposants ont remis en question son expérience et son leadership sur des dossiers majeurs comme l’immigration et la réforme judiciaire. Son rôle en tant que vice-présidente a été critiqué pour un manque d’initiatives et de leadership visible, en particulier sur les questions de gestion de crises. De plus, les médias conservateurs ont joué un rôle clé dans la diffusion d’une image négative d’Harris, la présentant comme mal préparée et inefficace, ce qui a alimenté la perception d'un manque de compétences, surtout parmi les électeurs modérés et indépendants.
7. Économie et Inflation
Les préoccupations économiques ont dominé les élections de 2024. Malgré des indicateurs économiques relativement stables, l’inflation et la hausse du coût de la vie ont pesé lourdement dans la balance. Beaucoup d’électeurs ont continué à ressentir les effets de l'inflation et ont attribué ces difficultés à l’administration Biden-Harris. Trump, de son côté, a capitalisé sur son bilan économique de son premier mandat, promettant un retour à la prospérité. Son message a trouvé un large écho parmi les électeurs préoccupés par leur pouvoir d'achat et la stabilité économique, en particulier dans les régions industrielles et rurales.
8. Stratégie de campagne et Message
La stratégie de campagne de Harris a été critiquée pour son manque de focus sur les États clés, notamment dans les zones où Trump avait une forte mobilisation. Les messages de la campagne démocrate, bien que centrés sur des enjeux cruciaux comme l’égalité et la justice sociale, n’ont pas toujours résonné avec les électeurs indécis, notamment dans les États du Midwest et du Sud. En revanche, la campagne de Trump a été plus efficace pour mobiliser sa base, en utilisant des messages simples, clairs et répétitifs qui ont renforcé l'adhésion des électeurs conservateurs, notamment en mettant l’accent sur des sujets polarisants comme l'immigration et la sécurité.
9. Participation des Minorités et des Jeunes
Les électeurs noirs et jeunes, des groupes qui avaient été essentiels aux victoires démocrates passées, n'ont pas montré le même enthousiasme en 2024. Les taux de participation parmi ces groupes ont été inférieurs aux attentes, ce qui a pénalisé Harris dans les bastions traditionnels des Démocrates. Ce déclin peut être attribué à la fatigue électorale, avec de nombreux électeurs noirs et jeunes ressentant une démobilisation après plusieurs cycles électoraux successifs. Par ailleurs, les lois restrictives sur le vote dans certains États ont également entravé la participation de ces populations, qui étaient déjà moins motivées.
10. Fatigue générale envers les Démocrates
Après quatre ans au pouvoir, les Démocrates ont dû faire face à une certaine lassitude de la part des électeurs. La gestion des crises, qu’elles soient économiques, environnementales ou internationales, a renforcé la perception d’une administration inefficace. Les électeurs ont exprimé un désir de changement, ce qui a largement profité à Trump, qui a su capitaliser sur la frustration populaire. De nombreux électeurs ont ressenti que l’administration démocrate n’avait pas apporté de solutions suffisantes aux problèmes majeurs du pays, ce qui a favorisé un appel au renouveau incarné par Trump.
Ces facteurs combinés ont créé un climat particulièrement défavorable pour Kamala Harris, rendant difficile la construction d’une coalition gagnante dans un paysage électoral de plus en plus polarisé. Les défis liés à son genre, à son bilan en tant que vice-présidente, ainsi que l'incapacité de mobiliser l'électorat clé des jeunes et des minorités ont été des obstacles majeurs. Dans ce contexte, l'élection de 2024 a été une épreuve de taille pour Harris et les Démocrates.
Un héritage au-delà de la politique
Malgré sa défaite électorale, Kamala Harris reste une pionnière et un symbole durable de progrès en politique américaine. En tant que première femme, première vice-présidente noire et première vice-présidente d’origine sud-asiatique, son ascension historique a brisé des barrières et inspiré des millions de personnes. Harris a constamment défendu des causes comme l’équité raciale, les droits des femmes et la réforme de la justice pénale, consolidant son statut de fervente défenseure de la justice sociale.
Son héritage dépasse les résultats électoraux. La carrière de Harris incarne la résilience et la détermination nécessaires pour surmonter les obstacles systémiques. Pour les jeunes femmes, en particulier issues des minorités, son parcours montre qu’il est possible de réussir dans des domaines traditionnellement dominés par les hommes.
Un symbole d’espoir pour les femmes noires à travers le monde
Les réalisations de Kamala Harris revêtent une importance profonde pour les femmes noires, tant aux États-Unis qu’à l’échelle mondiale. Son ascension dans un environnement souvent hostile aux femmes de couleur souligne l’importance de la représentation et de la persévérance. Elle est un témoignage de l’impact transformateur de briser les stéréotypes et de donner une voix aux communautés marginalisées.
Son influence dépasse la politique, touchant la culture, l’éducation et le discours mondial sur la diversité et l’inclusion. Que ce soit par le biais du service public, de l’activisme ou du mentorat, l’impact de Harris continuera probablement à façonner les générations futures de leaders.
Conclusion
Le parcours de Kamala Harris reflète à la fois les défis et les progrès de la politique américaine moderne. Bien que sa campagne de 2024 ait rencontré des obstacles significatifs, ses contributions à la scène politique et sociale demeurent inestimables. En tant que symbole de changement et d’espoir, l’influence de Harris est appelée à perdurer, inspirant des efforts pour un avenir plus inclusif et équitable.
Jessica Diomande
Directrice de la Foundation United Aid for Africa