Invité par The International Foundation for Electoral Systems (IFES), le président de la Commission électorale indépendante, Ibrahim Kuibiert Coulibaly a assisté au processus électoral autour de la présidentielle américaine qui a vu le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, au détriment de Kamala Harris. A la fin du vote, le patron de la machine électorale ivoirienne a fait le point de son séjour américain.
Qu’est-ce qui motive votre présence aux États-Unis dans cette période clé ?
Nous sommes aux États-Unis dans le cadre du partage d'expériences électorales, sous l'égide de la fondation internationale qui s'occupe des systèmes électoraux. Nous sommes là pour voir un peu comment les élections se tiennent ici aux États-Unis. Une première fois, nous sommes venus au moment de l'élaboration des listes électorales et nous venons à présent pour participer au vote.
Et quel est votre regard en tant que chargé des élections en Côte d’Ivoire ?
- Ma conclusion est que nous n'avons pas à rougir, nous autres pays africains, parce que chaque système électoral a ses avantages et ses limites. L'intérêt de partager nos expériences, c'est de justement prendre ce qui est bon chez l'autre pour améliorer ce qui est moins bon chez nous.
Qu’est-ce qu’on pourrait donc appliquer en Côte d’Ivoire ?
Je peux dire que le système ne vaut que par les hommes. Ce sont les hommes qui sont les animateurs des systèmes électoraux. Lorsque les hommes sont pétris d’un minimum de bon sens, de moralité, de vertu, les choses se passent bien. Figurez-vous qu’ici, on bat campagne, même le jour du vote, même dans le bureau de vote ; à quelques mètres de l'urne, on bat campagne. Et il arrive même que certains candidats appellent les électeurs pour les convoyer et les amener dans le bureau de vote pour qu'ils votent. Toutes choses qui ne sauraient se faire chez vous.
Donc tout se trouve dans la conscience des citoyens. Tout se trouve dans la volonté des citoyens à faire bien. Voilà ce que je retiens.
Vous avez par exemple ce qu'on appelle les machines électorales scanners. Lorsque l'électeur rentre dans un bureau de vote et qu'il finit de voter, la computation est faite au profit de celui qu’il a voté. De sorte qu’au soir, on peut proclamer les résultats. Mais ces machines-là, ce n'est pas la mer à boire. Ce sont des choses que nous pouvons avoir. En RDC, ça se fait.
Mais tout se trouve dans les hommes. Tout se fait dans le consensus. Mais quand on décrie le mécanisme, évidemment, tout le système est grippé. Quand les uns et les autres considèrent que la matière électorale est leur affaire et qu'ensemble on trouve les meilleures formules pour permettre au peuple d'exprimer sa volonté, les choses iront mieux. Mais tant qu'on ne le fera pas, on sera toujours en train de nous apitoyer, de stagner et de ne pas bien faire.
Quand vous arrivez chez les gens ici, il n’y a rien de différent. On est logé à la même enseigne. Il y a des choses, même chez nous, qui sont meilleures. Est-ce que vous savez, par exemple, qu’ici, quand l'électeur vient s'inscrire sur la liste électorale, il identifie son parti politique. Il dit le parti politique dans lequel il milite pour préparer les primaires à ce parti politique. C'est des choses qui sont inimaginables chez nous parce que le citoyen est libre de ses opinions. Il ne vient pas s'inscrire sous une bannière politique mais il vient s'inscrire en tant que citoyen. Mais ça, ça ne pose pas de problème ici parce que c'est comme ça que les règles sont. (…) Ce qui se fait ici et qui n’attire le courroux de personne ne peut pas se faire ailleurs sans créer d’autres difficultés.
Ici, on a eu les résultats rapidement. Est-ce que vous promettez la même chose en 2025 en Côte d'Ivoire ?
- Oui, il suffit tout simplement que les partis politiques s'accordent sur un mode opératoire. Ce sont des choses qui peuvent se faire facilement. Mais quand on n'a pas foi dans le mécanisme qui est mis en place, quand on discrédite le mécanisme qui pourtant est incontournable, les choses n’iront pas bien. Il faut faire confiance et puis il faut venir aider la Commission électorale indépendante.
Vous voyez, aujourd'hui, les citoyens ne viennent pas s'inscrire. On fait comme si c'était l'affaire de la Commission électorale indépendante.
Le citoyen qui n'a pas son extrait d'acte de naissance, on fait comme si c'était l’affaire de la Commission électorale indépendante.
Le citoyen qui n'a pas de carte nationale d'identité, on fait comme si c'était l’affaire de la commission électorale indépendante.
Est-ce qu'aujourd'hui les guichets de la Commission électorale indépendante ne sont pas ouverts sur toute l'étendue du territoire ? Voilà, moi, mon obligation, voilà l'obligation de la Commission électorale indépendante.
Maintenant, est-ce que les citoyens sont venus ? Mais ce n'est pas une préoccupation première de la Commission électorale indépendante. Ça, c'est l'affaire de tous les citoyens. (…)
On a tous intérêt à ce que tout le monde soit intéressé à la matière électorale. Donc, il ne faut pas discréditer le mécanisme. Ce n'est pas parce qu'aujourd'hui, ça ne vous est pas favorable qu'il faut discréditer le mécanisme. Parce que, quand vous dites à vos militants : n'allez pas vous faire enrôler ou quand vous discréditez le mécanisme, mais c'est vos militants que vous découragez. Ce ne sont pas les militants de vos adversaires, parce que votre adversaire viendra avec ses militants s'inscrire sur la liste électorale. Or, le jeu démocratique se fait sur le suffrage au profit de qui il est exprimé. Alors si vous n'avez pas la qualité d'électeur, comment faites-vous votre suffrage au profit de votre candidat ?
Voilà pourquoi l'inscription sur la liste électorale est très importante. Donc il faut arrêter de la discréditer. Si vous considérez qu'il y a des choses qui ne vont pas, vous approchez la Commission électorale indépendante. Et puis ensemble, on trouve la meilleure formule pour aboutir à la réalité qui consiste à rendre conforme l'expression de la volonté du peuple avec le résultat qui est proclamé. (…)
En tout cas, (…) on repart avec beaucoup d'expérience. Et certainement, avec l'accord des partis politiques, on va trouver la meilleure formule pour avoir des élections apaisées chez nous. C'est notre souhait.
Samuel Tia