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L’Enquête du jeudi. Côte d'Ivoire- La FESCI dissoute, les autorités face au défi de l’insécurité dans les cités

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La Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI) a été dissoute. Les occupants des chambres universitaires qu’elle gérait illégalement, ont quitté les lieux. Aujourd’hui, les étudiants s’attendent à une transparence autour de l’attribution et la gestion de ces chambres. Dans le même temps, ils craignent une recrudescence de l’insécurité au sein des cités universitaires.

Les cités universitaires d’Abidjan baignent aujourd’hui dans un calme remarquable. Les portes des chambres sont grandes ouvertes, et des déchets ou effets personnels oubliés jonchent encore le sol. Il est parfois difficile de croire que certaines chambres sont toujours occupées, mais légalement. C’est qu’une bonne partie des personnes qui y vivaient n’y sont plus. Ces dernières occupaient illégalement des chambres gérées par la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI) qui se faisait de l’argent sur le dos de l’Etat.

Il faut rappeler que cette situation résulte d’une décision prise par les pouvoirs publics qui a entraîné la suspension, puis la dissolution pure et simple de la FESCI. Cette décision a été motivée par deux meurtres attribués à la fédération estudiantine. Le lundi 30 septembre, le corps sans vie de Mars Aubin Deagoué Agui, surnommé le « Général sorcier », a été découvert. Âgé de 49 ans et étudiant en master 2 d’anglais à l’Université Félix Houphouët-Boigny, il était membre de la FESCI et connu pour être le rival de son secrétaire général, Sié Kambou. Quelques jours plus tard, un second meurtre d’un autre étudiant survenu en août, a été annoncé par le parquet. Plusieurs membres de cette organisation, dont Sié Kambou, ont été interpellés par la police.

Depuis ces faits, les autorités étatiques avaient commencé à resserer l’étau autour de la FESCI. Le 2 octobre, le ministère de l’Enseignement supérieur a ordonné aux occupants illégaux des cités universitaires de libérer les lieux en emportant tous leurs effets personnels, sous peine d’être expulsés. Le 5 octobre 2024, les étudiants occupant illégalement des chambres des cités universitaires d’Abidjan, de Bouaké et de Daloa ont été expulsés. Une descente des forces de l’ordre dans ces établissements a permis de découvrir des armes blanches, dont 107 machettes, des grenades et divers autres équipements, notamment des treillis des Forces de défense et de sécurité. Un tunnel de torture, une maison close et quatre fumoirs ont également été démolis lors de cette opération. Cette annonce a été faite par le Conseil national de sécurité le 17 octobre 2024. Le même jour, le Conseil a annoncé la suspension de toutes les associations syndicales estudiantines, y compris la FESCI, sur proposition du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, à l’issue d’une réunion tenue au palais présidentiel d’Abidjan sous la présidence du Président de la République Alassane Ouattara. Le mercredi 30 octobre le Conseil des ministres a décidé la dissolution effective de la Fesci et de toutes les autres organisations à caractère syndical dans les universités de la Côte d’Ivoire.

Une mafia autour des chambres

Selon les autorités gouvernementales, 35 % des chambres universitaires étaient gérées par la FESCI. Cette dernière attribuait illégalement les chambres non seulement à des étudiants, mais aussi à toutes personnes extérieures à l’université, moyennant une somme d’argent conséquente. Les loyers, au lieu d’être versés à l’administration de l’université, étaient encaissés par la FESCI, qui appliquait un surcoût par rapport aux prix officiels. Face à la difficulté d’obtenir une chambre par la voie officielle, de nombreux étudiants se retrouvaient contraints de recourir aux services de ces derniers.

C’est le cas d’Annick, originaire de Gagnoa. La maison de ses tuteurs étant éloignée de l’Université Félix Houphouët-Boigny, où elle a été orientée après son baccalauréat, elle a versé 200 000 F CFA à un membre de la FESCI, pour obtenir une chambre en cité universitaire. « Cette somme était à renouveler chaque année. J’ai opté pour cette solution parce qu’il était difficile d’obtenir une chambre en cité par le processus officiel », explique-t-elle. En plus, la jeune femme confie qu’elle payait 10 000 francs par mois à la fédération, au lieu des 6 000 francs normalement exigés.

Hashley a vécu une situation similaire. Étudiante en communication, elle a fait une demande pour obtenir une chambre universitaire en 2021. Cependant, ce n’est qu’en 2023 qu’elle a obtenu une place. Pendant tout ce temps, elle a dû occuper une chambre gérée par la FESCI. « J’ai supplié un membre de la Fédération pour qu’il me cède une chambre contre 150 000 F CFA, car il demande généralement plus que cela. Je n’avais pas vraiment le choix. J’ai obtenu mon baccalauréat à Yamoussoukro et je n’ai pas de famille à Abidjan », nous confie-t-elle. Aujourd’hui, avec sa chambre légalement obtenue, elle a la chance de continuer à vivre dans la cité universitaire de Mermoz.


D’autres étudiants, en revanche ont été expulsés des chambres qu’ils occupaient illégalement, malgré leur inscription à l’université. Selon Ashley, ces étudiants se sont retrouvés dans cette situation par nécessité. Elle plaide pour qu’ils puissent retrouver leurs chambres. « Certains n’ont pas de famille à Abidjan. Ils viennent de l’intérieur du pays. Ils ont dû payer la FESCI pour obtenir des chambres, car ils n’avaient pas vraiment d’autre option. Il faut penser à eux et leur permettre de regagner la cité », insiste-t-elle.

Mariam, étudiante en droit vivant à la cité universitaire Félix Houphouët-Boigny de Cocody, reconnaît les abus commis par la FESCI avant sa dissolution. Mais elle plaide pour qu’une organisation syndicale soit maintenue. Selon elle, la FESCI assurait une certaine sécurité dans la cité universitaire. « Avec la FESCI, il était presque impossible d’entendre parler de vols dans la cité. À chaque tentative, ils intervenaient et dissuadaient les voleurs de revenir », témoigne-t-elle. Depuis la dissolution de l’organisation, elle craint une augmentation des vols et de la criminalité dans la cité. « J’avoue que j’ai maintenant peur. La cité est presque vide. Plus de la moitié des chambres ne sont plus occupées, et je crains constamment d’être agressée », dit -t-elle. Cette inquiétude est partagée par Ashley qui occupe une chambre à la cité Mermoz. « Les chambres qui étaient autrefois occupées sont aujourd’hui grandes ouvertes. Des gens pourraient s’y cacher pour nous agresser, on ne sait jamais », s’inquiète-t-elle.

Ces deux jeunes filles plaident pour une organisation estudiantine présente mais non violente, qui protège les étudiants et défend leurs droits. Elles souhaitent également que les organisations syndicales n’aient aucune influence sur l’attribution des chambres universitaires.

Cet avis est partagé par Aziz, un étudiant résidant dans la cité universitaire d’Abobo Adjamé. Ce mardi 29 octobre 2024, il arpente les couloirs de la cité. Pour lui, l’absence de la fédération pourrait permettre une attribution plus transparente des chambres universitaires. « Avec la FESCI, ce n’était pas les plus méritants qui obtenaient des chambres, mais ceux qui avaient le plus d’argent à offrir », se plaint- il.


Présence des forces de sécurité


Raphaël, étudiant en médecine à l’université Nangui Abrogoua, est quant à lui pour une suppression complète et définitive de la FESCI. « J’ai toujours pensé que la FESCI servait principalement ses propres intérêts. Ses membres se faisaient de l’argent au détriment de l’État et se comportaient comme les rois de l’université », explique-t-il. Le jeune homme affirme n’avoir jamais vu de réel avantage dans les actions de la FESCI qui selon lui, ne militait pas pour la cause des étudiants.

Pendant des années, la FESCI a régné en maître absolu dans les universités ivoiriennes. Une étude réalisée en 2023 a révélé que 40 % des violences sexuelles à l’université étaient commises par des membres de la FESCI. Sylvia Appata, juriste et spécialiste des droits de la femme, a été harcelée et même menacée de mort pour avoir réalisé cette étude.

Pour relever ce défi de la sécurité, le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, Vagondo Diomandé, à l’issue d’une visite des résidences universitaires, le samedi 26 octobre 2024, a assuré que les forces de sécurité demeureront présentes sur les campus. Une présence qui a pour objectif de garantir la sécurité des étudiants. Il s’agit notamment de la Cité Rouge, la cité Mermoz, le campus de l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody et la Cité universitaire d’Abobo 1.

De Lima Soro






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