Chaque année, le mois d’octobre est consacré à la lutte contre le cancer du sein. À Abidjan en particulier, des ateliers, des campagnes de sensibilisation, des conférences et même des marathons sont organisés tout au long du mois d’octobre pour informer la population sur cette maladie. Alors que le cancer du sein est à ce jour le premier cancer de la femme en Côte d’Ivoire, il est nécessaire de revenir sur les facteurs de risques de la maladie, identifiés dans le pays, ainsi que sur les chances de guérison en cas de détection précoce.
Vous remarquez l’apparition d’une plaie, une déformation du sein ou une grosseur anormale ? Un liquide autre que le lait maternel s’écoule de vos mamelons ? Votre sein est rouge, chaud, douloureux, a augmenté de volume avec un aspect en peau d’orange depuis quelque temps ? Rendez-vous immédiatement à l’hôpital, car ces symptômes peuvent être ceux d’un cancer du sein.
Le traitement de cette maladie varie selon les patientes. Il est décidé lors de réunions de concertation pluridisciplinaire, où plusieurs spécialistes, tels que des radiologues, des pathologistes, des gynécologues, des internistes ou encore des oncologues médicaux, se concertent pour proposer un traitement adapté.
Les facteurs à risque
En Côte d’Ivoire, le cancer du sein représente un véritable problème de santé publique. Lors d’un panel animé à la Polyclinique Internationale Sainte Anne Marie (PISAM), une clinique privée, l’oncologue Dr. Hassan Sangaré a révélé qu’en 2022, sur 21 352 nouveaux cas de cancer enregistrés en Côte d’Ivoire, 3 869, soit 18,1 %, étaient des cancers du sein. C’est donc le cancer qui touche le plus les femmes.
Les femmes âgées de 40 ans et plus sont les plus touchées par cette maladie. L’âge est d’ailleurs, selon le Dr. Sangaré, le principal facteur de risque dans la contraction du cancer du sein. « On s’est rendu compte que plus les femmes vieillissent, plus elles deviennent vulnérables au cancer du sein », explique-t-il. C’est pour cela que le médecin recommande aux femmes âgées de 45 à 75 ans (ou de 35 ans en cas d’antécédents familiaux), de faire une mammographie tous les deux ans. La mammographie est une radiographie des seins. Elle permet d’obtenir des images de l’intérieur du sein à l’aide de rayons X et de détecter ainsi d’éventuelles anomalies.
D’autres facteurs, liés à la vie reproductive, augmentent également le risque. Parmi eux, les règles précoces, la ménopause tardive, les grossesses tardives ou encore la pauci-parité (peu d’enfants). Toutefois, l’oncologue se veut rassurant : « Ce n’est pas parce qu’une femme présente un ou plusieurs de ces facteurs de risque qu’elle développera forcément un cancer du sein. Il est possible d’avoir des facteurs de risque sans pour autant être atteinte par la maladie ».
Le Pr Adoubi Innocent, directeur exécutif du Programme national de lutte contre le cancer (PNLCA), souligne d’autres facteurs à risques comme l’obésité. « 25 à 35 % des femmes qu’on reçoit en consultation sont en surpoids », indique-t-il. Il ajoute également que le stress, qui désorganise les hormones, constitue également un facteur de risque.
Possibilités de guérison
Lorsque le diagnostic est fait tôt, la guérison est possible dans plus de 90 % des cas, rassure le Pr Adoubi Innocent. Cependant, pour certaines femmes, l’annonce d’un cancer est une nouvelle difficile à accepter. Le Dr. Bagnon Meneouan, spécialiste en oncologie, constate que « lorsqu’on annonce à certaines femmes qu’elles ont un cancer, elles pensent immédiatement à la mort, alors qu’il est tout à fait possible de guérir ».
C’est justement pour lutter contre cette peur que des survivantes s’engagent à partager leur histoire. C’est un moyen de briser les stéréotypes qui entourent cette maladie. Agnès Kraidy, journaliste et survivante du cancer du sein, fait partie de ces femmes. Elle a décidé d’écrire des ouvrages qui racontent son histoire, brisent les tabous et donnent des conseils aux femmes pour affronter cette maladie.
Le 18 octobre 2024, Agnès Kraidy a présenté aux femmes de l’Autorité nationale de la Presse (ANP), ses deux livres intitulés : Tu me fous les boules ! Vaincre le cancer et Le cancer et les autres maladies du sein. D’une voix calme et posée, elle a réussi à tenir son public en haleine. Par moments, elle réussit même à leur arracher des applaudissements. « Là d’où je viens, on dit que les femmes qui ont ce cancer sont des sorcières qui ont vendu leurs seins pour des pratiques occultes. Elles sont souvent rejetées et blâmées les victimes du cancer du sein », explique-t-elle.
Elle évoque également le manque de soutien de certains hommes envers leurs épouses dans cette épreuve. « Nombre de femmes perdent leurs compagnons en cours de route. Ils empêchent parfois leurs femmes de se faire retirer un sein, même lorsque c’est nécessaire pour leur survie. Je leur dis toujours que si un homme vous aime, il vous aimera pour ce que vous êtes, et non pour vos seins ».
Augmentation des consultations
Le Pr Adoubi, également chef du service cancérologie du CHU de Treichville, observe une augmentation des consultations et une diminution des cas diagnostiqués à un stade tardif. « Les femmes consultent de plus en plus tôt, mais cela reste encore timide. De 80 % de diagnostics à un stade avancé dans les années 2000, nous sommes passés à environ 65 % aujourd’hui », précise-t-il. Pour Agnès Kraidy, cette amélioration est due aux campagnes de sensibilisation qui ont permis aux femmes d’être mieux informées sur le cancer du sein.
Si les femmes vont en consultation lorsque la maladie est à un stade avancé, c’est souvent parce que dans bien des cas, le cancer du sein n’est pas douloureux, à ses débuts. C’est ce que remarque Dr. Bagnon. Il recommande aux femmes de ne pas attendre d’avoir des douleurs avant de se rendre à l’hôpital.
Accessibilité aux médicaments
Grâce à une collaboration avec le laboratoire suisse Roche, les patientes atteintes du cancer du sein bénéficient de certains médicaments gratuitement. Le Pr Innocent indique à cet effet que le PNLCA travaille actuellement pour instaurer la gratuité complète des soins pour le cancer du sein en Côte d’Ivoire, d’ici à 2030. « Nous étudions les modèles d’autres pays ayant mis en place des politiques de gratuité des soins pour les patientes atteintes de ce cancer, afin d’évaluer la faisabilité de ce projet en Côte d’Ivoire. Nous réfléchissons également aux coûts et aux moyens de mobiliser les fonds nécessaires pour garantir à toutes les femmes un accès gratuit aux soins ».
De Lima Soro