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L’Enquête du jeudi. Côte d’Ivoire. Le Prix Ebony : (1/2)- Entre excellence journalistique et influence des sponsors

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Que vaut encore le Prix Ebony, plus de trente ans après son institution ? Cette prestigieuse récompense, qui a contribué à améliorer les qualités professionnelles des journalistes ivoiriens, fait aujourd’hui l’objet de différentes critiques par les professionnels du métier. Les uns estiment qu’il est galvaudé parce que étouffé par une kyrielle de prix spéciaux, tandis que les autres trouvent que la qualité des œuvres primées est bien en-deçà de celle des premières décennies de la création de la compétition.


Le prix Ebony a été créé en 1993 pour récompenser les meilleurs journalistes ivoiriens. Il est né trois ans après l’introduction du multipartisme et le « printemps de la presse », une période marquée par une forte politisation de la vie publique. À cette époque, de nombreux journalistes, souvent sans formation, écrivaient sans respecter les règles déontologiques du métier. Ils étaient souvent perçus comme plus partisans que professionnels.

L’Union nationale des Journalistes de Côte d’Ivoire (UNJCI) a donc initié ce Prix, dans le noble but de promouvoir un journalisme de qualité. Selon Lucien Houédanou, journaliste, président du Cénacle des journalistes seniors de Côte d’Ivoire, les lauréats du Prix Ebony sont parmi les plus compétents de leur profession. Toutefois, il souligne qu’il est possible de trouver des journalistes talentueux qui n’ont pas remporté ce prix, mais dont les productions sont tout aussi appréciables. M. Houédanou met en garde contre la tendance à « fétichiser » les gagnants. Il estime qu’ils ne doivent pas se considérer comme les meilleurs indéfiniment et devraient continuer à s’améliorer.

Lucien Houédanou, journaliste, président du Cénacle des journalistes seniors de Côte d’Ivoire


Honoré (nom d’emprunt), d’un autre journaliste senior qui a souhaité rester anonyme, partage cet avis. Il affirme qu’être lauréat du prix Ebony ne garantit pas nécessairement un haut niveau de compétence. Ce statut, selon lui, implique de démontrer en permanence des qualités telles que la curiosité, la rigueur, une expertise pointue dans son domaine, une solide culture générale, une maîtrise du français, ainsi qu’un bon réseau de contacts.

Réforme dans l’attribution des prix

Pour postuler aux Ebony, un journaliste professionnel doit soumettre des enquêtes, reportages et interviews qu’il a réalisés au cours de l’année écoulée. Ce sont ces articles qui servent de base à l’attribution des différentes composantes du Prix Ebony, tels que le Super Ebony, les Ebony de la presse écrite, numérique, télé et radio. Bledson Mathieu, journaliste à Fraternité Matin, estime que le processus de sélection devrait être révisé. Selon lui, il est insuffisant de juger les performances d’un journaliste sur la base d’une poignée d’articles. Il prône une évaluation continue tout au long de l’année, basée sur une observation régulière du travail du journaliste.

Honoré partage cette opinion. « En principe, le travail de présélection du comité devrait porter sur l’ensemble des productions réalisées au cours d’une année. Si une telle mesure était adoptée, ce seraient les consommateurs de médias qui en bénéficieraient », explique-t-il. Pour lui, l’avantage est que les journalistes, conscients d’être évalués en permanence, seraient incités à maintenir un haut niveau de vigilance tout au long de l’année.

Baisse du niveau des journalistes

Toutefois, Honoré déplore le niveau de plus en plus faible des journalistes. Mis à part les présentateurs de journaux télévisés ou radiophoniques, il est difficile, selon lui, pour les consommateurs de médias ivoiriens de citer des journalistes dont les productions font autorité en matière de rédaction des grands genres journalistiques. « Je dois avouer que je lis de moins en moins les journaux, et je suis de moins en moins les stations de radio et les chaînes de télévision nationales. Je trouve que la qualité des productions est de plus en plus basse. Il y a plus de contenu institutionnel que d’articles soulevant de nouvelles problématiques », déclare-t-il.

En ce qui concerne le niveau des journalistes, en 2013, le jury des Ebony avait refusé de décerner le « Super Ebony », qui récompense le meilleur journaliste du pays. César Etou, qui a été président de la commission permanente du Jury des Ebony de 2002 à 2014, s’en souvient comme si c’était hier. « Ce refus a provoqué un tollé, mais il a, selon moi, secoué l’orgueil des journalistes. Ils commençaient à croire qu’ils pouvaient jouer avec leur métier et devenir célèbres dans l’amusement ! Le Jury des Ebony a mis un frein à cela. C’était un choc, certes, mais salvateur pour le prix », explique-t-il.

Bledson Mathieu, journaliste à Fraternité Matin

Les prix spéciaux

Aux Ebony, il existe également des prix spéciaux. On a par exemple le prix spécial pour la promotion des transports, le prix spécial MTN de la promotion de l’innovation technologique, le prix spécial de la promotion de la solidarité, etc. Lucien Houédanou estime qu’il y a une prolifération de prix spéciaux qui est gênante et noie les prix phares. « Il y a comme de la rédaction sur commande, avec des thèmes orientés, prescrits et, selon l’enveloppe qui accompagne certains thèmes, les journalistes vont s’orienter davantage vers certains, moins par motivation professionnelle que par intérêt matériel », dit-il, soulignant que cette tendance est préoccupante parce que c’est une sorte de déviation où l’argent achète la plume.

Honoré partage un avis similaire. Il soutient que les prix spéciaux sont créés juste pour capter les subventions des sponsors. « Ces productions donnent à voir, à écouter, à lire des productions qui relèvent de l’info-service, si ce n’est du publi-reportage. À mon avis, cela nuit gravement à l’intégrité du métier de journaliste et met en cause sa crédibilité ».

C’est justement pour cela que Lucien Houédanou plaide pour un Ebony dont l’organisation est plus sobre, moins dépendant de sponsors et des prix sectoriels. Il estime que la célébration de l’excellence professionnels s’amenuise au profit du show, de la fête et de la présence des sponsors. « Dès l’instant que vous souhaitez donner des voitures ou des villas aux lauréats, vous êtes obligés de faire de la chasse aux sponsors et faire des spectacles grandioses. Il y a des prix internationaux qui ne font pas recours aux sponsors. Il faut trouver des formules où la réputation du prix l’emporte sur la masse matérielle que peuvent offrir les sponsors », soutient-il.

Aux Ebony, il y a également des prix sectoriels. Il s’agit notamment du prix sectoriel du meilleur journaliste économique, du meilleur journaliste culturel, sportif, etc. Pour César Etou, l’abondance de prix sectoriels est la preuve que le prix Ebony a de la notoriété et qu’il intéresse les annonceurs. Il préconise que la soirée des Ebony continue à inclure les prix sectoriels, sans que ces prix ne fassent trainer l’évènement en longueur.

De Lima Soro










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