En Côte d’Ivoire, des jeunes entrepreneurs, désireux de participer à la protection de l’environnement donnent au quotidien une seconde vie à des objets usés, jetés à l’abandon. Avec du vieux, ils fabriquent ainsi du neuf et revalorisent, par ce fait même, divers objets dont on ne voulait plus. Cette activité qui relève du domaine de l’économie circulaire, fait depuis quatre ans, l’objet de promotion par un Institut spécialisé à Abidjan.
Plus connu sous le pseudonyme de Kazo Nature, Kamagaté Bafétégué fait partie de ces jeunes qui « réinventent » les vieux objets. Avec des pneus qui ne peuvent plus servir aux voitures, il fabrique des meubles, précisément des bancs, des fauteuils, des chaises hautes et basses, tous aux couleurs variées. Ces meubles sont appréciés des restaurateurs, tenanciers de maquis, gérants de boîtes de nuit et autres lieux de divertissement, qui les utilisent dans leurs différents cadres.
Son histoire commence en 2016, à une époque où Kazo Nature cherchait une activité génératrice de revenus pour joindre les deux bouts. Lors d’une de ses balades, il rencontre un menuisier qui fabriquait un pouf de forme circulaire. Juste à côté de ce menuisier se trouvait un vieux pneu. C’est ainsi que lui vient subitement une brillante idée : « le menuisier s’efforçait de donner une forme circulaire à son pouf, alors que le pneu qui était juste à côté avait déjà cette forme. J’ai donc pris le pneu avec l’intention de fabriquer un pouf à partir de celui-ci. »
Lorsqu’il rentre chez lui, avec de la mousse, du tissu, un pot de peinture et quelques morceaux de bois, Kazo Nature crée un pouf. Au départ, c’était juste pour une utilisation personnelle. Satisfait de son travail, il prend quelques photos de son œuvre et les publie sur Facebook.
Succès immédiat
Sa création est immédiatement appréciée par les internautes. En seulement deux heures, il reçoit 500 commentaires. « Dans les commentaires, les gens me demandaient le coût du pouf et cherchaient à savoir où j’étais situé pour pouvoir visiter mon atelier. J’ai même reçu plusieurs commandes. J’ai alors décidé d’en faire mon métier ».
Après ces commentaires encourageants, Kazo n’a plus jamais cessé de confectionner des meubles. Cela fait maintenant huit ans qu’il donne une seconde vie aux pneus usés, lorsqu’il les récupère ici et là dans les rues, les broussailles, etc.
Aujourd’hui, il a élargi son offre. En plus des poufs, il fabrique désormais des fauteuils et des tables. Son activité lui donne le sentiment de participer à la protection de l’environnement. « C’est ma contribution à la protection de l’environnement de mon pays. Je pense qu’il y a de nombreux objets polluant les différents espaces, obstruant les caniveaux et les canaux que l’on pourrait rénover pour créer des choses magnifiques. Il suffit d’avoir la bonne idée », estime-t-il.
L’atelier de Kazo Nature, est juste un simple hangar installé dans une cour commune à Yopougon Siporex. Rien de très charmant. On passerait devant sans se douter qu’un artisan s’y cache. Pour développer son activité et lui donner plus de visibilité, il sollicite une aide financière. « Je n’ai pas d’espace pour exposer mes œuvres et les faire connaître davantage. J’aimerais obtenir des aides financières pour agrandir mon activité, trouver un local pour exposer mes meubles et améliorer ma visibilité », souhaite-t-il. En attendant, il continue son métier et se bat pour développer son entreprise.
Des touches de téléphones transformées en œuvres d’art
Vous souvenez-vous des téléphones à touches, nés avant les smartphones ? Eh bien, un jeune peintre ivoirien a décidé de les remettre à la mode. Il répond au nom de Mounou Désiré Koffi. Il utilise les touches et les écrans de ces téléphones pour réaliser des tableaux artistiques. Tout a commencé avec son ardent désir d’apporter une touche originale à ses œuvres. Après sa licence en beaux-arts à L’Institut national supérieur des arts et de l’action culturelle (INSAAC), il se rendait dans les décharges pour trouver divers objets qu’il pourrait réutiliser dans ses créations, pour accentuer leurs caractères novateurs et inventifs. C’est ainsi que lui viendra la géniale idée d’utiliser les touches des téléphones portables, passés de mode et qui sont à l’abandon. « Les téléphones à touches sont en train de disparaître, mais ils font partie de notre histoire. Ce sont des objets qui seront conservés dans les musées plus tard », explique le peintre.
Mounou Désiré aussi se souvient que lorsqu’il a publié son premier tableau avec des touches de téléphones sur les réseaux sociaux, le succès a été immédiat. Les gens ont laissé des commentaires enthousiastes et ont admiré son travail. Aujourd’hui, ses tableaux sont toujours appréciés. Le jeune peintre a réussi à se faire un nom et à conquérir ainsi une clientèle internationale. Il vend ses œuvres aux quatre coins du monde. Mounou Koffi a même exposé à Sotchi en Russie, et prévoit pour bientôt une exposition en Belgique. En général, les tableaux du peintre invitent à la réflexion et à la protection de l’environnement. Mais chaque toile raconte une histoire différente. « Certaines de mes œuvres abordent les violences faites aux enfants, la pollution, les embouteillages, et d’autres faits de société », précise l’artiste plasticien. À travers ses œuvres, il espère pouvoir créer une prise de conscience chez la population et leur rappeler l’importance de protéger l’environnement.
Du plastique transformé en brique
À Abidjan, 288 tonnes de déchets plastiques sont produites quotidiennement, selon l’UNICEF. Cependant, seuls 5 % de ces déchets sont collectés et acheminés vers les centres de recyclage. La majorité des plastiques reste dans la nature et pollue l’environnement. Depuis 2019, l’UNICEF, en partenariat avec l’entreprise colombienne Conceptos Plásticos, a entrepris, en employant plusieurs jeunes, l’utilisation du plastique dans la fabrication des briques, pour construire des écoles. L’objectif est de bâtir 500 salles de classe pour plus de 25 000 enfants. À Abidjan, les premières écoles construites avec les briques en plastique ont vu le jour à Yopougon et à Gonzagueville.
Selon l’agence onusienne, ces briques en plastique sont ignifugées, autrement dit elles laissent difficilement passer le feu en cas d’incendie. Elles sont 40 % moins chères que les matériaux de construction conventionnels, 20 % plus légères et durent des centaines d’années. De plus, elles sont étanches, bien isolées et conçues pour résister à des vents violents. L’UNICEF organise des formations pour les entreprises locales de construction afin de transmettre aux jeunes gens notamment, les techniques de construction de briques en plastique recyclé, dans le but de multiplier et d’accélérer la construction d’écoles à travers tout le pays.
Un institut de l’économie circulaire à Abidjan
Redonner une seconde vie aux objets désuets ou usés est une pratique qui relève de l’économie circulaire. Elle devient de plus en plus populaire à Abidjan. Depuis 2020, à l’initiative du Premier Ministre Robert Beugré Mambé, alors gouverneur du District d’Abidjan, une structure dédiée à la promotion et à la valorisation de cette pratique a ouvert ses portes. Il s’agit de l’Institut de l’Economie circulaire d’Abidjan (IECA). Créé en partenariat avec l’Institut national de l’Économie circulaire (INEC) de France, l’IECA a pour mission principale de promouvoir et de vulgariser l’économie circulaire en Côte d’Ivoire. Notamment en impliquant les collectivités décentralisées, pour lesquelles cette activité peut constituer une source potentielle d’emplois. Les objectifs de l’IECA incluent la réduction du gaspillage alimentaire, la valorisation des déchets et l’extension de leur durée de vie. Il accompagne également les personnes souhaitant se lancer dans l’économie circulaire en les aidant à élaborer leurs projets et à trouver des financements. Depuis octobre 2023, l’organisation annuelle d’un Forum pour la vulgarisation des objectifs de l’IECA intitulé ECOCIR, a été lancée à la patinoire du Sofitel Hôtel Ivoire d’Abidjan. Plusieurs dizaines de jeunes impliqués dans la transformation et le recyclage d’objets usagés, sont venus exposer leurs œuvres.
De Lima Soro