En République démocratique du Congo (RDC), les violences ne sont pas prêtes à retomber au Nord-Kivu où les hostilités ont repris entre les Forces armées de la RDC (FARDC) et les rebelles du M23. Auteurs d’attaques et de tueries multiples, ces derniers sont accusés d’avoir violé la trêve humanitaire qui visait à apporter un répit aux populations de cette région meurtrie. Une escalade de la violence qui vient d’autant plus relancer les débats d’une guerre aux ramifications obscures que Kinshasa ne cesse de pointer du doigt son voisin rwandais, accusé de souffler sur la braise en apportant son soutien aux insurgés que l’armée congolaise a du mal à mettre au pas et dont la progression dans l’Est du pays, fait nourrir de sérieuses inquiétudes. C’est dans ce contexte de vives tensions sur fond de percée des rebelles du M23 sur le terrain, que le gouvernement congolais a estimé, le 14 juillet dernier, que les conditions actuelles n’étaient pas propices au retrait des troupes onusiennes. Une déclaration qui ne manque d’autant pas plus de surprendre que quelques mois plus tôt, c’est le même gouvernement qui a poussé à la roue pour obtenir le départ de la MONUSCO (Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en RDC) jugée inefficace.
En multipliant les fronts et les frondes, le président Tshisékédi a contribué à s’isoler progressivement
Et on se rappelle encore les violentes manifestations sur fond de saccage et de pillage de certaines bases de la force internationale par des populations excédées et décidées à exprimer leur ras-le-bol d’une situation sécuritaire qui n’en finissait pas de se détériorer. C’est à se demander si pour ces populations et leurs gouvernants, les soldats de la paix n’étaient pas à la base de leurs malheurs. Toujours est-il que vomie et honnie hier, la MONUSCO qui a été poussée sans ménagement à la sortie par Kinshasa, fait aujourd’hui l’objet de sollicitation de la part des autorités congolaises dans un scénario qui n’est pas loin d’un honteux rétropédalage. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le président Tshisékédi est rattrapé par ses propres turpitudes. Car, le renvoi des soldats de la paix dans les conditions que l’on sait, obligeait l’armée congolaise à s’assumer pleinement dans sa mission de sécurisation des populations et de leurs biens. D’autant plus que le désengagement des Casques bleus a été acté en décembre dernier par le Conseil de sécurité de l’ONU, et a connu un début d’exécution avec le retrait des premiers contingents. Et ce, dans un contexte où Kinshasa signait aussi son divorce avec la force régionale de l’EAC (Communauté d’Afrique de l’Est) accusée de passivité devant le M23, et dont les soldats ont été priés de débarrasser le plancher. Pendant ce temps, la tension ne faisait que monter avec le voisin rwandais accusé de tous les péchés …de la RDC. Mais aussi avec l’Ouganda dont un récent rapport de l’ONU vient de révéler l’implication dans le conflit, aux côtés des mêmes rebelles du M23. Autant dire qu’en multipliant les fronts et les frondes, le président Tshisékédi a contribué à s’isoler progressivement alors qu’il a toujours exclu toute négociation avec les rebelles.
Tshisékédi gagnerait à descendre de son piédestal pour envisager courageusement une solution négociée
Mais face, aujourd’hui, à la progression du M23 et à l’incapacité des FARDC à venir à bout des rebelles, tout porte à croire que la MONUSCO n’était qu’un bouc-émissaire pour les autorités congolaises à l’effet de se dédouaner aux yeux de leurs compatriotes. On est d’autant plus porté à le croire que ce revirement du gouvernement congolais au moment où les rebelles accentuent la pression, sonne comme un aveu d’impuissance. Comment peut-il en être autrement quand on voit comment les FARDC peinent à freiner la progression des rebelles qui ne cessent de conquérir de nouvelles villes stratégiques ? Comment peut-il encore en être autrement quand on voit comment des soldats congolais détalent devant l’ennemi malgré le rétablissement de la peine de mort pour dissuader les éventuels déserteurs ? C’est à se demander si l’armée congolaise est encore capable de faire face à la situation ? Toujours est-il que si le président Tshisékédi a pu surestimer ses forces par mauvais calcul ou par orgueil, il gagnerait à descendre de son piédestal pour envisager courageusement une solution négociée à la crise afin de mettre fin aux tueries et ramener la paix dans son pays. En tout état de cause, on ne peut pas vouloir d’une chose et de son contraire. Et l’on attend de voir quelle sera la réaction de l’ONU face à cette volte-face du gouvernement congolais. Et surtout quel impact cette sortie des autorités de Kinshasa aura sur le calendrier de retrait des forces de la MONUSCO.
« Le Pays »