La contraction de grossesses par les jeunes filles en cours de scolarité, prend de l’ampleur. Le Conseil national des droits de l’homme (CNDH) a signalé qu’au moins 4 600 écolières, collégiennes et lycéennes étaient enceintes durant l’année scolaire 2023-2024, marquant une augmentation de 15 % par rapport à l’année précédente. Le phénomène est surtout courant dans les établissements scolaires de l’arrière-pays. A l’origine, l’on pointe du doigt la précarité dans laquelle se retrouvent plusieurs de ces filles, le manque d’éducation sexuelle au sein des cellules familiales, ainsi que les préjugés qu’entretiennent les jeunes sur les effets des contraceptifs.)
En Côte d’Ivoire, de nombreux préjugés entourent les contraceptifs, dont l’usage bien effectué devrait pourtant pouvoir mettre plusieurs de ces jeunes filles scolarisées, à l’abri des grossesses non désirées. Des statistiques publiées par les Nations Unies révèlent que, seulement 18 % des Ivoiriennes utilisent un contraceptif. Marina Yobouet, étudiante en lettre moderne n’en utilise pas. Par ce qu’elle a entendu dire par ses amis, qu’une utilisation prolongée des contraceptifs pouvait conduire à la stérilité. En conséquence, elle a dû subir deux avortements. « J’aurais pu éviter tout cela si j’avais été bien informée sur les méthodes contraceptives. J’ai préféré me fier à ce que mes amis disaient plutôt que de me rendre dans un centre de santé pour obtenir des renseignements sur les méthodes contraceptives ». Il y a aussi ces jeunes qui ont honte d’acheter des contraceptifs à cause des préjugés. M. Hervé Kloua, professeur de sciences de la vie et de la Terre (SVT), a donc entrepris, à l’occasion de l’un de ses cours sur la santé sexuelle, d’encourager ses élèves à acheter des contraceptifs en leur offrant, en retour des bonus dans leur notation. « En faisant cela, je veux les encourager à surmonter leur honte et les préjugés. Ainsi, ils pourront facilement s’en procurer le jour où ils en auront besoin », explique-t-il. Il raconte qu’une de ses élèves avait été refoulée dans une pharmacie, alors qu’elle voulait acheter un préservatif. « Certains de mes élèves me racontent ce genre d’histoires. Je pense qu’il est mieux d’avoir des enfants qui sont sexuellement actifs mais qui se protègent. Interdire systématiquement l’accès aux contraceptifs peut entraîner des conséquences graves », explique le professeur de SVT, en insistant sur le fait que les contraceptifs sont importants à la fois pour éviter les grossesses en milieu scolaire et les maladies sexuellement transmissibles.
Sensibilisation sur la santé reproductive
Responsable des interventions sociales de la Ligue ivoirienne des droits des femmes, Marie Laure Okri a partagé sur son compte Twitter une expérience vécue lors d’une sensibilisation contre les grossesses en milieu scolaire. Des élèves garçons lui ont dit qu’ils n’étaient pas responsables des grossesses. « Ils m’ont dit que je devais tourner mon regard vers ceux qui m’ont accueilli avec de beaux discours. Ils parlaient des professeurs ». Elle préconise donc des campagnes de sensibilisation sur la santé reproductive dans les écoles de l’intérieur du pays, en insistant sur l’importance d’aborder également les maladies sexuellement transmissibles. « Une grossesse est un moindre mal comparé à certaines maladies », soutient-elle.
Le psychothérapeute, Nour Bakayoko, souligne l’importance pour les parents de parler de sexualité avec leurs enfants pour en faire un sujet non tabou. « Nos études ont montré que les enfants ayant reçu une éducation sexuelle à la maison retardent leur premier rapport sexuel, par rapport à ceux qui n’en ont pas eu », révèle-t-il. M. Bakayoko préconise aussi que les auteurs de ces grosses soient punis par la loi. Il dénonce trop de laxisme et de légèreté. « Il y a aussi une injustice sociale. Si une jeune fille doit quitter l’école à cause d’une grossesse, le jeune garçon responsable devrait également en subir les conséquences », soutient-il avec force conviction.
Un atelier ayant pour objectif de mettre en place un système de collecte de données et de gestion efficace des cas de grossesses et d’autres problèmes affectant les élèves se tiendra bientôt à Yamoussoukro, selon une information retrouvée sur le site du CNDH. Cet atelier est une initiative du ministère de l’Éducation nationale et de l’Alphabétisation, en collaboration avec le ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfant, et en partenariat avec le CNDH.
De Lima Soro
Publié le :
11 juillet 2024Par:
Fatou Diagne