A l’issue de son sommet ordinaire du 7 juillet dernier, tenu à son siège à Abuja au Nigeria, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a désigné les présidents sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, et togolais Faure Gnassingbé, facilitateurs auprès de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) qui regroupe le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Trois pays dissidents qui ont créé, la veille à Niamey au Niger, la confédération de l’AES qui vient réaffirmer leur volonté commune de faire bande à part, depuis qu’ils ont annoncé leur retrait de la CEDEAO en fin janvier 2024. Autant dire qu’avec la désignation de ces deux facilitateurs, l’organisation communautaire est dans la logique de poursuivre le dialogue avec les pays de l’AES en vue d’éviter l’éclatement. Une démarche de rapprochement d’autant plus compréhensible qu’au-delà des divergences politiques, le retrait de ces trois pays de la CEDEAO pourrait être lourd de conséquences pour les populations de l’espace communautaire. Et ce, dans un contexte où bien qu’encore largement perfectibles, les mécanismes d’intégration économique et de libre circulation des personnes et des biens ont atteint des niveaux d’avancée et de maturité appréciables.
Tout porte à croire qu’une rupture des relations entre l’AES et la CEDEAO, serait un mal pour un mal
Et tout porte à croire qu’au-delà de toutes considérations, c’est la volonté de ne pas exposer les populations aux conséquences néfastes d’une rupture brutale, qui fonde la démarche de l’institution d’Abuja. Laquelle semble décidée à tenter le tout pour le tout, pour ramener les frondeurs à la raison. Mais que peuvent encore Bassirou Diomaye Faye et Faure Gnassingbé ? La question est d’autant plus fondée qu’au-delà du casting des facilitateurs qui sont loin d’être des interlocuteurs clivants, les dirigeants de l’AES ne cessent de répéter à qui veut les entendre que le processus de retrait dans lequel ils se sont engagés, est « irrévocable » et irréversible. Du reste, ils l’ont encore répété le 6 juillet dernier, lors du sommet de Niamey qui a porté la confédération de l’AES sur les fonts baptismaux. Et tout porte à croire qu’ils sont allés trop loin dans les déclarations et les actes, pour reculer. Autant dire que pour ces chefs d’Etat et leurs gouvernements respectifs, la rupture est pratiquement consommée avec l’organisation communautaire même si la CEDEAO, au regard de ses textes, est encore loin d’acter formellement le retrait de ces trois pays. Il leur appartient donc de rassurer leurs compatriotes par rapport aux conséquences de ce retrait qui ne manquera pas de faire grincer des dents si des dispositions ne sont pas prises pour en atténuer les effets. D’autant plus que la sortie de ces pays, de l’organisation communautaire, n’a pas obéi, comme il est généralement de coutume en pareille situation et pour des décisions d’une tel niveau d’importance, au principe de la consultation des populations en amont par voie référendaire.
Malgré les divergences, il faut savoir raison garder
C’est donc une responsabilité qui a été endossée par les dirigeants de ces pays, au nom de leurs populations et à ce titre, il revient à ces dirigeants de savoir communiquer à l’effet de les édifier sur le bien-fondé de cette décision ainsi que ses répercussions, tout en travaillant à mettre ces mêmes populations à l’abri de regrettables déconvenues. En tout état de cause, maintenant qu’ils ont été investis de la mission de ramener les pays de l’AES dans la CEDEAO, on attend de voir comment les chefs d’Etat du Sénégal et du Togo vont s’y prendre pour persuader les trois « mousquetaires » à revoir leur copie. Vont-ils leur demander de revenir purement et simplement sur leur décision de retrait ? Ou bien leur approche ira-t-elle dans le sens de définir un cadre de dialogue en vue de trouver ensemble des voies de cohabitation aux deux entités ? Bien malin qui saurait, pour l’instant, répondre à ces interrogations. D’autant plus qu’au-delà des personnalités des facilitateurs, on ne sait pas comment l’idée même de cette médiation sera accueillie par les chefs d’Etat de l’AES. Toujours est-il qu’au-delà de la nécessité de la remise en cause, dans les deux camps, tout porte à croire qu’une rupture des relations entre l’AES et la CEDEAO serait un mal pour un mal en ce que ce sont les pauvres populations qui en pâtiront le plus. C’est pourquoi malgré les divergences, il faut savoir raison garder en sachant peser le pour et le contre dans l’intérêt supérieur des populations. Pour le reste, il appartient à chacun de savoir battre sa coulpe tout comme il est impératif de savoir aborder, de part et d’autre, la question dans un esprit constructif. Car, comme dit l’adage, « là où il y a de la volonté, il y a toujours un chemin ».
« Le Pays »