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L’enquête du jeudi : Enfants autistes . (1/2)- Ni sorciers, ni malades mentaux

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"Sorciers", "enfants serpents" ou encore "malades mentaux" sont autant de qualificatifs donnés aux enfants atteints du trouble du spectre autistique (TSA) dans les sociétés africaines en général et particulièrement en Côte d’Ivoire. Ils sont victimes de préjugés, ils sont cachés par leurs parents, souvent même abandonnés par leurs familles. Cette stigmatisation est due la plupart du temps à la méconnaissance de la maladie par la société.

L'autisme fait partie des troubles du neuro-développement (TND), anciennement appelés troubles envahissants du développement (TED). Il affecte notamment la communication, les interactions sociales et les comportements de manière significative. Le trouble peut se manifester dès la petite enfance, généralement avant 36 mois et se caractérise par des comportements répétitifs et une difficulté à comprendre les codes sociaux. L'autisme peut affecter les personnes de manière variable.

Il existe en effet différents degrés de sévérité allant de l'autisme léger à l’autisme sévère. Les personnes atteintes de trouble autistique peuvent présenter des difficultés à établir des contacts visuels, à comprendre les expressions faciales et à maintenir une conversation. Ces signes permettent de les identifier facilement dans le milieu social.

Victimes de préjugés sociaux…

« En Côte d’Ivoire, l’autisme est mal vu, c’est une honte. On est obligé de garder à la maison notre enfant » confie Mme Tetehi, mère d’une enfant autiste. Elle raconte qu’il lui est déjà arrivé d’avoir honte de son enfant, au point où elle ne la faisait pas sortir de la maison. « En Afrique, l'autisme n'est pas seulement un handicap, c'est aussi une condamnation sociale » affirme Touré Béma, directeur du centre médico-psychopédagogique "La Page Blanche". En effet, l'autisme est perçu comme un effet de la sorcellerie, un mauvais sort. « Nous ne sommes pas de bons parents, le Seigneur nous a puni, nos enfants sont des tares de la société... Nos enfants ne méritent pas d'être scolarisés dans une école ordinaire. Nos enfants doivent être enfermés dans des maisons… Ce sont là, autant de propos emplis de dédains qu’on nous adressent régulièrement», révèle Mme Camara mère d’enfant souffrant d’autisme. Elle en a tellement entendu ici et là, qu’elle n’y fait plus attention aujourd’hui.

Mme Diane Magouri est elle aussi mère d’un enfant atteint d’autisme. Elle explique comment elle a appris la maladie de son fils, en même temps que les croyances qui vont avec. « Après un examen très coûteux, nous avons appris que notre enfant est autiste. Très rapidement, comme nous sommes tous africains on a mit cela sur le compte du mystique » La pédopsychiatre Anne-Corine Bisouma rassure : « l’autisme n’est pas due à la faute des parents, ni à une mauvaise éducation de l’enfant. Il ne relève pas non plus du mysticisme ».

Par méconnaissance de la maladie

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), l’autisme touche un Ivoirien sur 100, cependant il reste un sujet méconnu dans le pays, les personnes atteintes étant souvent stigmatisées. « C’est un problème d'ignorance. C'est ancré dans les croyances et il est difficile d'aller convaincre quelqu'un au village que l'enfant autiste n'est pas un possédé », explique Dr Aboudramane Coulibaly, directeur exécutif de l'ONG "Vivre-debout", qui s'occupe des personnes handicapées. Beda Alice, 41 ans, a fait les frais de cette ignorance il y’a 20 ans. Elle a mis au monde un enfant autiste sans savoir qu’il s’agissait d’une maladie et non une malédiction. « Les gens me disaient que j’avais accouché d’un enfant sorcier, que si je la laissais vivre, c’est moi qu’elle tuerait. J’ai dû l’envoyer chez ma grand-mère au village, et jusqu’aujourd’hui je n’ai plus jamais entendu parler d’elle », raconte-t-elle les yeux larmoyants et pleins de regrets. C’est qu’elle a appris bien plus tard que ce qui avait été dit de sa fille n’était qu’une croyance sans fondement, donc un préjugé. Bien que son histoire soit émouvante, elle démontre que l’ignorance que les uns et les autres ont de cette maladie, peut avoir des conséquences fatales sur les enfants atteints de ce trouble.

Noah, le fils d’Alida Ahipo a été stigmatisé certainement du fait de l’ignorance de la maladie, alors qu’il était inscrit dans un établissement. « Un jour, j’ai décidé d’aller un peu plus tôt à son école. Arrivée là-bas, je vois mon fils assis seul dans un couloir de l’école. Je l’ai récupéré et je ne suis plus jamais revenue ». Elle explique qu’après cette situation, elle a dû changer d’école. Comme Alida, Ils sont nombreux ces parents dont les enfants sont ainsi marginalisés dans des établissements à cause de leur différence.

Pour Dr Kouman Isaac, psychologue, loin de condamner les personnes qui ont des préjugés à l’égard des autistes, Il faut plutôt « sensibiliser sur le sujet, en encourageant les parents d’autistes à en parler dans leur entourage ». Il est rejoint par Kouakou Jean-Claude, éducateur spécialisé. Selon lui, il faut en premier lieu « sensibiliser les parents à accepter le handicap de leurs enfants, ensuite sensibiliser l’ensemble des familles à avoir de la considération pour eux comme s’ils étaient leurs propres enfants ». Educatrice spécialisée, Mme Allai estime que : « la première étape pour faire changer les choses est de faire comprendre que les enfants autistes ne sont pas des sorciers, qu'ils peuvent intégrer la vie sociale normale », dit –elle.

Les parents face aux préjugés

Face aux regards indiscrets et aux préjugés, certains parents décident d’adopter une attitude différente « Au début je cachais mon fils, mais aujourd’hui, j’affronte le regard des gens » confie Mme Alida Ahipo. Comme elle, Mme Atte Paule Valérie emmène souvent sa fille au supermarché en vue de la familiariser avec certains codes sociaux, tels que ne pas toucher à tout, ne pas faire tomber les marchandises des étables et bien d’autres choses. Elle avoue que ce n’est pas toujours facile car la petite est beaucoup agitée et cela attire certains regards curieux sur elle. Elle affirme que : « la plupart du temps, les gens sont compréhensifs. Ils ne savent forcément pas pourquoi elle agit ainsi, mais ils sont compréhensifs ».

M. Konan lui estime que : « les autistes sont des enfants spéciaux qui ont besoin d’une attitude spéciale ». Son fils Yvan est autiste, et est beaucoup agité, mais il n’hésite pas à l’emmener avec lui chaque fois qu’il sort. Pour lui, les gens doivent apprendre à vivre avec les différences des autres. Face aux préjugés, Asso Nadège a décidé d’expliquer aux gens la maladie de son enfant. « Si j'ai le temps je parle de l'autisme autour de moi, ça dépend de mon interlocuteur aussi. Parfois j'ignore tout simplement les regards, c'est au cas par cas ».

Marie Claude N’Da





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