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Culture

L’Enquête du jeudi. Renouveau du cinéma ivoirien (1/2) - Les Abidjanais redécouvrent les plaisirs des salles obscures

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Le cinéma ivoirien, porté par le dynamisme d’une nouvelle génération de cinéastes plutôt visionnaires, renaît de ses cendres et attire un public de plus en plus jeune à Abidjan. Les productions comme « La nuit des rois » de Philippe Lacôte , « Dans la peau d’un caïd », de Owell Brown et « Marabout chéri » de Khady Touré, sont entre autres films qui ont connu un succès dans les salles de cinéma d’Abidjan et sur la scène internationale.



La salle de cinéma le Majestic de Yopougon est en effervescence ce dimanche 26 mai 2024, à 19 heures. Une longue file s’étire devant le guichet. Des habitants de cette commune se rassemblent pour une soirée cinéma en famille ou entre amis. À l’affiche ce soir, « Furiosa » de Mad Max et « Maman », de l’Ivoirien Owell Brown. Aude Sylla, d’une taille fine et élancée, attend une amie avec qui elle doit voir un film. Incertaine, elle ne sait toujours pas lequel regarder. « J’attends mon amie. Quand elle arrivera, nous déciderons ensemble. Mais je dois avouer que je penche plutôt pour le film Maman », avoue-t-elle. Maman, est un film qui met en vedette Adrienne Koutouan, dans le rôle de Rachel Diby. Cette production traite de la souffrance des femmes qui luttent pour le bien-être de leurs familles. Les tickets se vendent rapidement. À 30 minutes du début de la séance, il n’y avait déjà plus de tickets disponibles au guichet.

Moyen de distraction

Pour Colombe Oulaï, qui vient pour la première fois en salle de cinéma, c’est la douche froide. « J’ai vu la bande annonce sur les réseaux sociaux et j’ai vraiment eu hâte de le regarder. Mais malheureusement il n’y a plus de tickets », déplore-t-elle, du haut de ses 23 ans. Ouattara Emmanuela, a eu plus de chance. Elle a réussi à obtenir les derniers tickets qu’il restait. « Je voulais vraiment offrir ce film à ma famille surtout à ma mère, parce que son actrice préférée joue le premier rôle dans le film ». Emmanuela fréquente les salles de cinéma en moyenne trois fois par mois. De son point de vue, les productions cinématographiques ivoiriennes se distinguent par leur qualité, tant au niveau des images que du jeu des acteurs. D’ailleurs, le caissier au guichet - qui a voulu garder l’anonymat - nous confie que les films ivoiriens arrivent parfois à drainer plus de spectateurs dans les salles que les films européens. Il en veut pour preuve le film « Marabout chéri », de Khady Touré qui a connu un succès dans les salles.

Aller au cinéma est donc redevenu une distraction pour nombre d’Abidjanais, notamment de jeunes gens. Pourtant, il faut débourser entre 3 000 et 6 000 FCFA, pour s’offrir ce plaisir. Franck Daubrey ne trouve pas ces prix excessifs car, dit-il, le plaisir ne coûte jamais cher. « Au cinéma, la sensation sonore et visuelle est hors du commun. C’est extraordinaire. De plus, l’expérience est amplifiée par les applaudissements du public en fin de séance. Ce plaisir, on ne l’a pas devant son écran à la maison », explique-t-il. Amour Ndri partage son avis. Elle va parfois au cinéma avec ses amis pour se détendre, car l'ambiance, selon elle, est attrayante. « En plus, les salles de cinéma ont l’exclusivité sur les nouvelles productions. Il faut parfois attendre longtemps avant que les chaînes de télévision ne diffusent ces films », dit-elle.

L’un des catalyseurs du renouveau du cinéma ivoirien, c’est sans doute la réouverture de certaines de certaines salles rénovées et confortables. En mai 2015, le groupe Majestic Cinéma fondé par Jean-Marc Bejani, a réussi à rouvrir la salle de 385 places du Sofitel Hôtel Ivoire. Puis il y a eu les salles Majestic Sococé de 180 sièges aux deux Plateaux, Majestic Prima à Marcory doté de 233 places, puis Majestic de Yopougon situé au sein du Supermarché Cosmos. Le groupe Majestic était ainsi devenu, pendant longtemps, le seul grand exploitant des nouvelles salles publiques de cinéma d’Abidjan. Mais en avril 2024, Pathé, l'une des plus anciennes entreprises de cinéma au monde, a mis fin au monopole du Majestic. Il a ouvert ses portes à Abidjan faisant ainsi de la capitale économique ivoirienne, la quatrième ville africaine où le géant français a pu s’installer. Au quartier Zone 4, dans la commune de Marcory, il propose six salles dont deux VIP, pour une capacité totale d’environ 1 000 sièges, aménagées sur le site du Supermarché Cap Sud. Ce sont donc dix nouvelles salles de cinéma que compte la ville d’Abidjan à ce jour, offrant au total plus de 1 700 sièges aux cinéphiles.

Des prix et nominations internationaux

Si aller au cinéma devient de plus en plus un loisir, c’est certainement aussi par ce que les productions cinématographiques ivoiriennes glanent des prix et des nominations à l’échelle internationale. Le film « La nuit des rois » de Philippe Lacôte, avait reçu le grand prix de la 35e édition du Festival international de Films de Fribourg (FIFF). C’était la deuxième fois que le festival remettait son prix le plus prestigieux à un film africain. Ce film a également été sélectionné pour l’Oscar 2021 du meilleur film international. Le réalisateur Joel Akafou a également été honoré. Au FESPACO 2021, il a obtenu le Poulain d’or pour son documentaire « Traverser ». Fat Touré a remporté le titre de la meilleure actrice de l’Afrique de l’Ouest, aux Sotigui Awards 2021 pour son rôle dans « Le ticket à tout prix ». Depuis 2019, la Nuit ivoirienne du Septième art et de l’Audiovisuel (NISA) célèbre les talents locaux. En 2023, l’actrice Khady Touré a remporté le prix NISA d’Or, pour son film « Marabout Chéri », récompensé dans quatre autres catégories. N'Zué Honoré, estime que le matériel utilisé au cinéma est de moins en moins cher, ce qui explique aussi l’augmentation de la production des films en Côte d’Ivoire.


ENCADRÉ


Il était une fois, l'âge d’or du cinéma ivoirien


Dans les années 1970 à 1990, le cinéma ivoirien a connu son âge d’or. Cette période a vu l’émergence de réalisateurs tels que Timité Bassori, avec son film « Sur la dune de la solitude » (1964), ou encore « La femme au couteau » , Fadika Kramo Lanciné dont le film « Djéli » a été primé Etalon d’Or du Yennenga (1981) et Henri Duparc connu pour des films comme « Abusuan » (1972), ainsi que « Bal poussière » (1989).

À cette époque, les salles de cinéma avaient la cote. On pense notamment aux mythiques salles populaires : Rio, El Mansour, Entente, Vox à Treichville, puis Sadiguiba à Yopougon, ainsi que la salle Cinéma Magic de Marcory, Liberté, Vox dans la commune d’Adjamé et les Studios au Plateau. « En ce temps, les gens fréquentaient ces lieux pour se distraire. Il faut dire qu’on n’avait pas tellement d’alternatives. Il n’y avait pas autant de maquis et de lieux de divertissements comme aujourd’hui », explique N’Zué Honoré, producteur ayant réalisé trois longs métrages.

Cependant, à partir des années 1990, les écrans ont commencé à s’éteindre progressivement. Les anciennes salles emblématiques ont disparu. Certaines ont donné leur nom à des quartiers, se sont transformées en églises, sont devenues des mosquées, magasins de commerce, entrepôts, ou sont simplement tombées en ruines. Selon N’Zué Honoré, l’arrivée des DVD a contribué au déclin du cinéma. «Les gens pouvaient regarder des films chez eux autant de fois qu’ils le voulaient grâce aux DVD. Avec la contrefaçon, c’était même à moindre coût ».

De Lima Soro



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