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Politique

Henri Konan Bédié :Enfin Président de la république !

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"Les chemins de sa vie "(6).La Banque mondiale situe actuellement l’espérance de vie moyenne en Côte d’Ivoire à 56,8 ans. Elle se situait à 46 ans en 1960, et déjà dès cette année, le monde entier pressait Houphouët-Boigny, qui avait officiellement 55 ans puisqu’il était né en 1905, de faire connaître son successeur. Les investisseurs que le président encourageait et invitait à prendre part au développement de la Côte d’Ivoire voulaient avoir quelques garanties sur le futur du pays.


Cette pression est tellement vive au fil du temps qu’Houphouët-Boigny est contraint d’aborder la question de sa succession à l’ouverture du 4ème congrès du PDCI-RDA le 23 septembre 1965. « Il nous arrive quelquefois, déclare-t-il, d’entendre poser la question : "La Côte d’Ivoire, sous la direction du président Houphouët-Boigny, mène une politique qui lui assure stabilité et crédit. Mais après sa disparition, cette politique sera-t-elle suivie par les jeunes ?″ »


Les jeunes ! Ils étaient justement la pierre angulaire des projections du président. La politique de la Côte d’Ivoire n’est pas le fait d’un seul homme, avait-il ajouté ce jour-là. Elle est aussi le fruit d’une collaboration et d’un dialogue constant avec les jeunes qui occupent dans le gouvernement plus de la moitié des postes et, dans l’administration, la quasi-totalité des directions et des ambassades à l’extérieur. Lorsque sonnera l’heure de la succession, leur intérêt sera-t-il de se déjuger pour le simple plaisir de changer ou de continuer une politique qui a procuré aux populations de ce pays un niveau de vie exceptionnel en Afrique et attiré à la Côte d’Ivoire respect et prestige à l’extérieur ? Et Houphouët-Boigny concluait : « Lorsqu’un moteur marche bien, (…) sur une route largement dégagée, on ne change ni de véhicule ni de route. »


Pendant les dix années qui suivent le 4ème congrès du PDCI-RDA, la question de la succession d’Houphouët-Boigny devient un véritable serpent de mer. Elle connaît des périodes d’ardeur comme aux premières Journées du dialogue en octobre 1969, lorsque le président avait surpris tous les Ivoiriens en déclarant : « Un jour viendra où je prendrai moi aussi la retraite car je n’entends pas mourir président de la République. » Mais même dans les périodes calmes, elle est le sujet d’une nuée de spéculations et de rumeurs plus folles les unes que les autres.


En 1974, des supputations sourdent subitement sur la création d’un poste de Premier ministre en Côte d’Ivoire, et on entend fuser le nom d’Henri Konan Bédié. On va jusqu’à dire qu’il a suscité auprès d’un certain nombre d’amis la création d’un comité de soutien pour populariser ses mérites et faire pression en sa faveur. Une atmosphère s’installe ainsi, qui finit par pousser Houphouët-Boigny à réagir. Le 31 mai 1975, il paraphe la loi n° 75-365 portant modification de l’article 11 de la Constitution. Celle-ci établit désormais qu’en cas de vacance de la présidence de la République par décès, démission ou empêchement absolu, le président de l’Assemblée nationale devient président de la République jusqu’à la fin du mandat en cours.


Henri Konan Bédié qui n’est pas président de l’Assemblée nationale est indirectement et poliment invité à mettre un frein aux initiatives qui lui sont prêtées. C’est Philippe Yacé que la succession d’Houphouët-Boigny concerne, puisque c’est lui le président de l’Assemblée nationale.


Deux ans après cet avertissement, Bédié est victime d’une violente disgrâce qui plonge son avenir dans l’ombre. Le président Houphouët-Boigny, confronté aux contrecoups du téméraire projet de la Sodesucre dans le nord de la Côte d’Ivoire, décide d’en faire porter le chapeau à son ministre de l’Économie et des Finances. Pourtant Bédié, se fondant sur l’intolérable incidence du coût de la Sodesucre sur la dette du pays, l’avait prévenu de la dimension aventureuse de ce projet. Mais quel argument pouvait modérer l’Houphouët-Boigny de la période, littéralement exalté devant l’impératif de l’aménagement du territoire et l’objectif du développement du Nord ?


Quand le projet avait failli, pas à l’allumage mais à la marche, il avait fallu qu’un fusible saute. Ce serait Henri Konan Bédié. C’est sous les huées qu’il sort du gouvernement le 20 juillet 1977.


Il est alors invité par le président de la Banque mondiale à le rejoindre à Washington pour faire avancer en Afrique la politique des privatisations que Robert McNamara veut promouvoir sur le continent, à travers la Société Financière Internationale (SFI).


Mais Bédié vient à peine de passer deux ans dans son nouveau poste qu’il confirme sa décision de rentrer au pays. Il assure que les cadres de sa région lui ont écrit pour lui demander de se présenter aux élections législatives de novembre 1980, afin de les représenter à l’Assemblée nationale. « Je leur ai donné immédiatement mon accord de principe, confie-t-il. Un tel engagement me paraissait s’inscrire dans le droit fil de mon action et de ma vie. »


Les élections législatives en question, les cinquièmes depuis l’indépendance, sont fixées au 9 novembre 1980 pour le premier tour, au 23 novembre pour le second tour, et elles doivent être couronnées, le 22 décembre 1980, par l’élection du président de l’Assemblée nationale. Dès le 9 novembre, Henri Konan Bédié, « économiste, financier, juriste, planteur », est élu à 99,31 % des suffrages exprimés dans la circonscription de Daoukro. Et, aussitôt cette victoire, il lève le voile sur son intention de briguer le perchoir, siège, depuis le 31 mai 1975, du dauphin du président de la République.


Personne ne comprend pourquoi Houphouët-Boigny, devant cette nouvelle, décide immédiatement de procéder à une deuxième révision de l’article 11 de la Constitution. Celle-ci est effectivement votée le mardi 25 novembre 1980, seulement quarante-huit heures après le second tour des législatives, par un Parlement sortant dont trois quarts des membres venaient d’être battus.


Aux termes du nouveau texte constitutionnel, ce n’est plus au président de l’Assemblée nationale que revient l’honneur d’exercer les fonctions suprêmes en cas de vacance du pouvoir. Désormais, le président de la République « choisit un Vice-président qui est élu en même temps que lui » et qui devient de plein droit président de la République en cas de vacance du pouvoir.


Détail de taille, cette deuxième révision de l’article 11 intervient à un moment où le vice-président ne peut pas être immédiatement connu, l’élection présidentielle ayant déjà eu lieu depuis le 12 octobre 1980. Pendant toute la législature qui va de cette date à l’année 1985, Henri Konan Bédié est obligé d’assumer, dans un silence frustré, un titre de président de l’Assemblée nationale vidé de tout ce qui en avait fait naguère l’intérêt et le prestige.


Mais l’homme n’est pas seul à souffrir des absurdités de la période. Au-delà de sa personne, c’est le pays entier qui est incommodé par le constat du vide constitutionnel étrangement instauré désormais. Qu’adviendrait-il si le président Houphouët-Boigny, déjà âgé de 75 ans en 1980, venait à disparaître ?


De ce fait, les Ivoiriens qui le peuvent ne se privent pas de se succéder devant lui pour lui soumettre leurs inquiétudes. Houphouët-Boigny avouera lui-même : « Pendant cinq ans, beaucoup de gens ont défilé devant moi ou m’ont adressé des lettres. Elles émanaient de cadres et surtout de nos vieux du pays profond. (...). Les chefs coutumiers dont je suis, me rappelaient que nous avons des principes qu’il faut respecter. »


Ainsi sera faite, en 1985, la proposition d’une nouvelle révision constitutionnelle. Elle émane du 8ème congrès du PDCI-RDA. C’est le jour même où s’achevaient les assises de ce rassemblement, le samedi 12 octobre, que l’Assemblée nationale adoptait la « loi n° 85-1072 modifiant et complétant certaines dispositions de la Constitution ». Exit le vice-président qui d’ailleurs n’avait jamais existé qu’en projet. Le président de l’Assemblée nationale est restauré dans son statut de deuxième personnalité de l’État après le président de la République. Mais la porte ouverte devant lui est particulièrement étroite. En cas de vacance du pouvoir, la nouvelle loi ne l’autorise à exercer les fonctions de président de la République que dans un délai compris entre 45 et 60 jours. C’est un délai durant lequel il ne peut, en outre, nommer les ministres, déterminer leurs attributions, les rendre responsables devant lui ni mettre fin à leurs fonctions.


De 1975 à 1985, cela faisait dix ans que durait ainsi la course patiente d’Henri Konan Bédié derrière le pouvoir suprême. Combien de temps allait-il devoir passer encore, dans le silence et l’endurance ?


Le mardi 6 novembre 1990, Houphouët-Boigny décide de dresser devant lui une dernière marche sur l’escalier du pouvoir. Il soumet aux députés, ce jour-là, une ultime modification constitutionnelle sur la succession. L’article 11 nouveau stipule qu’« en cas de vacance de la présidence de la République par décès, démission ou empêchement absolu constaté par la Cour suprême saisie par le gouvernement, les fonctions de président de la République sont dévolues de plein droit au président de l’Assemblée nationale. Les fonctions du nouveau président de la République cessent à l’expiration du mandat présidentiel en cours. »


C’est un texte qu’on aurait dit enfin avantageux pour le président de l’Assemblée nationale, alors Henri Konan Bédié. Malheureusement, il est contrebalancé par le contenu de l’article 24 nouveau. Cet article affirmait clairement : « Le président de la République peut déléguer certains de ses pouvoirs au Premier ministre, chef du gouvernement. Le Premier ministre supplée le président de la République lorsque celui-ci est absent du territoire national ». Un Premier ministre avait été en effet désigné le 7 novembre 1990, en la personne de l’ancien gouverneur de la BCEAO, M. Alassane Ouattara.


La nouvelle modification constitutionnelle aboutissait donc à un partage pur et simple de la responsabilité suprême entre le Premier ministre et le président de l’Assemblée nationale. Si ce dernier entrait pleinement en scène désormais en cas de vacance du pouvoir, en revanche il n’avait aucun rôle à jouer en cas d’absence du président de la République. C’était le Premier ministre qui, à ce moment-là, devait avoir la haute main sur les affaires de l’État.


Déjà avant la disparition du président Houphouët-Boigny, cette véritable dyarchie s’avéra potentiellement porteuse de difficultés. Elle favorisa une interminable guerre de chicanes entre le président de l’Assemblée nationale et le Premier ministre ou plus précisément entre leurs supporters. Porteuse de difficultés, elle le fut plus encore au jour inévitable de la redoutable disparition.


Ce 7 décembre 1993, Henri Konan Bédié finit par franchir le pas. Il devint président de la République ce jour-là, mais à l’issue d’une course de cent mètres haies, bien plus éprouvante évidemment que la course de cent mètres plats, normalement garantie aux dauphins par la Constitution dans tous les pays.

 Frédéric GRAH MEL











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