On ne le sait que trop : les plans d’eau lagunaire d’Abidjan sont le respectable de divers polluants, aussi bien solides que liquides aux origines diverses. Voilà une réalité qui dure depuis plusieurs décennies déjà et que les organisations pour la défense de l’environnement ont moult fois décriée, sans jamais être véritablement entendues par les pouvoirs publics. Alors diantre, qu’est ce qui explique que subitement, ceux-ci décident contre toute attente, de faire appliquer les sanctions prévues, depuis bien longtemps déjà, par le code l’Environnement contre tous les pollueurs de ces écosystèmes? Ceux-ci, du fait de leur degré élevé de pollution, représentent depuis toujours à différents endroits de véritables dangers publics, autant pour les populations qui les exploitent à différentes fins, que pour la biodiversité qui s’y trouve. En dehors des déchets solides connus de tous, que l’on retire régulièrement de là, il y a les métaux lourds et d’innombrables polluants chimiques qui compromettent toute espèce de vie.
Est-ce à dire que c’est le niveau de pollution finalement considéré comme très élevé, ainsi que l’apparition de nouveaux facteurs explicatifs du phénomène en ces lieux, qui ont fini par les inquiéter redoutablement ? Au point qu’ils se décident enfin de sévir contre tous ceux qui, de par leurs activités ou mode de vie entrainent au quotidien, la dégradation de l’équilibre naturel de ces espaces lagunaires. Il y a aussi, cette impressionnante quantité de poissons tués récemment par la pollution, qui pourrait avoir suscité cette réaction, alors qu’il y a bien longtemps que ce fait s’y produit de façon saisonnière, mais sans être autant médiatisé, comme ce fut le cas cette année. Le remblayage des eaux, auquel s’adonnent certains riverains, spéculateurs fonciers certainement gagnés par un mercantilisme des plus pathologiques, n’est pas non plus nouveau en soi. Tout comme les senteurs fétides difficilement supportables en période de grande chaleur, qu’exhalent certaines parties de l’eau, où la trop forte pollution, a provoqué un pourrissement totale de toute vie aquatique, faute d’oxygène. De gros bonnets et autres personnalités influentes, domiciliées dans les environs des sources d’émanations de ces effluves, s’en plaignent de plus en plus, dans la commune de Cocody notamment.
Quelle que soit ce qui a pu motiver cette impressionnante réaction que l’on enregistre maintenant, il reste important voire indispensable de la soutenir, si elle est véritablement l’expression d’un engagement fort et certain, contre tout ce qui nuit au système écologique de ces plans d’eau lagunaires. La vérité est que le pire ne serait plus loin, si l’on devait encore continuer à ignorer la destruction de ces plans d’eau, qui malgré tout ce qu’ils subissent, continuent de conférer du charme à la capitale économique.
Passer dès à présent à l’application des sanctions prévues par le code de l’Environnement et dont un spot télévisé, a plusieurs fois brandit la menace de l’exécution, est le vœu ardent de tous les environnementalistes, singulièrement les conservateurs des zones humides. Ces sanctions, jamais brandies avec tant de verve devront immédiatement frapper plusieurs personnes, dans des quartiers comme Biafra à Treichville, où la lagune est encore considérée par des habitants et autres artisans, comme une décharge géante dans laquelle il faut quotidiennement déverser ses déchets. Ainsi qu’à Biétry du côté du boulevard de Marseille, dans la commune de Marcory et dans la zone portuaire, deux endroits où des langues de terres artificielles poussent continuellement dans l’eau. Et cela, sous l’effet du remblayage effectué avec de la terre argileuse, venant par ce fait même, désorganiser l’équilibre naturel de l’écosystème. Elles sont à ce jour légion, les personnes habitant ces lieux, qui ont sans cesse vainement œuvré, contre toute forme de modification déséquilibrante de l’espace lagunaire. Par ce que, sa protection tous azimuts, explique entre autres raisons, leur choix de résidence en bordure de lagune. Aussi, leur pleine implication dans l’exécution de stratégies de lutte contre les formes de pollution constatées, dont elles sont quotidiennement à la fois témoins et victimes, est-elle vivement conseillée aux pouvoirs publics. Suffisamment bien imprégnées des mécanismes d’évolution de la problématique de la pollution lagunaire, certaines se sont constituées en collectif pour dénoncer et mieux agir contre. C’est notamment le cas de « Abidjan ma lagune », un collectif qui affiche les allures d’une organisation bien préparée, pour servir d’interlocuteur de collaborateur ou de relais, aux pouvoirs publics sur le terrain.
Moussa Ben Touré
Publié le :
21 mai 2024Par:
Lago Tape