En marge des spectacles, plusieurs rencontres professionnelles se sont tenues à l’occasion de la 13e édition du Marché des arts du spectacle africain d’Abidjan (MASA). L’une d’elles a porté sur les mécanismes innovants de financement des industries culturelles et créatives (ICC) en Afrique.
Le financement des projets culturels est l’une des difficultés les plus courantes que rencontrent les acteurs du secteur en Afrique. Si le MASA se tient tous les deux ans, c’est grâce à l’appui financier du pays organisateur la Côte d’Ivoire mais aussi, en partie grâce aux financements extérieurs. Sans les financements, plusieurs événements culturels meurent ou ont du mal à se positionner.
Pour Didier Awadi, artiste rappeur et producteur sénégalais connu pour ses prises de position marquées, ce ne sont pourtant pas les moyens qui manquent aux pays africains. Il dénonce plutôt le manque de volonté des politiques qui semblent ne pas comprendre l’importance de la culture. « La culture africaine est très mal financée. Nos chefs d’Etats ne comprennent pas la culture, ils ne voient que l’aspect folklorique », regrette-t-il.
Eduquer les populations à payer pour consommer de la musique
Lucy Ilado, journaliste culturelle kényane et Mohamed Doumbia, représentant du Fonds africain pour la Culture ont tous abondé dans le même sens. Pour résoudre la question des financements et recourir à des mécanismes plus productifs, ils ont énuméré plusieurs propositions.
Ainsi, les professionnels ont insisté sur l’application de la loi sur la copie privée, qui rend obligatoire le prélèvement de taxes sur l’importation des supports de production et de diffusion (postes téléviseurs et radio, Cd, Vcd, Dvd, carte mémoire, etc.) au profit des artistes musiciens, comédiens, acteurs, cinéastes, réalisateurs etc. Elle est effective seulement au Burkina Faso dans l’espace UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine). Ont été également proposés le rabais du coût du streaming et la mise mettre en place de fonds artistiques propres à chaque pays, comme c’est désormais le cas au Sénégal.
En plus de ces mesures, il faudrait tenir compte de nouvelles niches telles que les entreprises de téléphonie mobile qui peuvent être des acteurs importants dans le prélèvement des taxes, en facturant par exemple la musique d’attente lors des appels téléphoniques. Il est primordial « d’éduquer les populations à payer pour consommer de la musique », affirme Lucy Ilado.
Par ailleurs, une organisation structurelle du secteur et la formation des acteurs culturels s’imposent, jusqu’au niveau des instances de décisions comme les ministères en charge de la culture. « Pour faire avancer le financement dans le secteur culturel, il est essentiel d’avoir des gens qui comprennent la culture et peuvent prendre des décisions pour la culture. Pour ce faire, il faut également montrer, à travers des statistiques, le poids économique de la culture dans le développement de nos pays » a insisté Lucy Ilado.
Autre point important souligné par Didier Awadi, lors de ces rencontres professionnelles, c’est la dépendance des pays africains vis-à-vis des financements extérieurs. « Arrêtez de courir derrière les financements européens ! Les artistes africains doivent arrêter de mendier et s’organiser pour faire le job. Personne ne viendra le faire à notre place » a-t-il dit, révolté.
Pour l’heure, les industries culturelles et créatives (ICC) représentent 3 % du PIB africain, un chiffre qui pourrait augmenter si des politiques vigoureuses sont entreprises, par les Etats africains, pour leur développement. Ce qui par ailleurs permettrait de financer les projets culturels et améliorer les conditions des artistes africains.
Ami Korobara
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