Tous les ans c’est la même chose… Au crépuscule du 24 décembre, une tradition festive nous attend : le réveillon. Un mot synonyme pour certains de festin, mais aussi, pour d’autres (moins nombreux, il est vrai), d’énigme étymologique à résoudre !
Entre deux tranches de bûche, rien de tel que de se plonger dans le dictionnaire pour laisser le temps à son estomac de digérer la crème au beurre… Le pavé en main - on parle bien du mille-feuilles… de papier, pas du pavé de saumon ! - rien de plus judicieux alors que d’aller jeter un œil du côté de la lettre R et, plus précisément, du mot réveillon. Un vocable de circonstance.
Le vénérable Littré nous en donne ainsi une définition savoureuse :
Réveillon : Repas extraordinaire que l’on fait dans le milieu de la nuit. Particulièrement. Le repas qu’on fait la nuit de Noël. Le réveillon de la nuit de Noël.
L’ancestral dictionnaire nous apporte une première piste sur les origines probables de ce mot, en apparence si commun et pourtant, au fond, si énigmatique.
L'origine mystérieuse du mot réveillon
"Étymologie : Réveiller : peut-être l’impératif réveillons, pour réveillons-nous." "Peut-être", nous dit ainsi le pourtant ô combien rigoureux Émile Maximilien Paul Littré. Une incertitude qui a de quoi nous mettre l’eau à la bouche ! (Autant que la bûche elle-même, dont la quatrième part est d’ailleurs au même moment toujours en cours de digestion…)
Pour cesser de saliver face au mystère étymologique qui entoure le mot réveillon, rien de tel que de consulter d’autres ouvrages. Parmi eux, l’un des plus fiables reste sans doute le Trésor de la Langue Française, un dictionnaire en 16 volumes achevé au siècle dernier et riche de 270 000 définitions, et pour 100 000 mots, un bref compte-rendu historique de leurs origines… On y retrouve notamment le mot qui nous intéresse ici, à savoir "réveillon".
Pour le Trésor de la Langue Française, donc, le mot "réveillonner" aurait fait l’une de ses premières apparition en 1355, avec comme signification celle de "festoyer le soir". Effectivement, c’est bien ce à quoi beaucoup se consacrent encore aujourd’hui aux dernières heures du 24 décembre ; festoyer gaiement… Mais pour que le verbe ne soit définitivement associé à Noël, c’est le XIXe siècle qu’il aura fallu attendre.
Réveillon : l'histoire d'un curé bien pressé…
Le mot "réveillon" commence à être associé à Noël dans des récits du XIXe siècle, qui relatent cette fête en lui rattachant une histoire bien particulière. Dans ses Lettres de mon moulin, publiées en 1869, Alphonse Daudet nous dépeint en effet un certain "Don Balaguère", "bâclant ses trois messes pour assister le plus rapidement possible au réveillon de Noël très prometteur." On le comprend ! Sans doute y avait-il au menu… des toasts au foie gras, du saumon et une bûche en dessert !
L’histoire du réveillon semble donc s’éclaircir. À compter du XIXe siècle, de plus en plus de récits l'associent à Noël et dénotent son importance - au point qu'un curé puisse bâcler ses messes ! C'est ainsi que le réveillon de Noël a fait son apparition dans notre culture. Mais ses origines profondes, son étymologie, les ingrédients de sa création, eux, restent encore très mystérieux.
Étymologie du mot réveillon
Avant d’enfin s’en resservir une part, il nous reste donc à décortiquerla structure même du mot, son étymologie. Pour commencer, le "r" joue le rôle de préfixe. Un avant-goût aussi savoureux qu’un toast au foie gras pour introduire la suite. La suite, donc, est quant à elle composée d’un suffixe : le "-on". Deux lettres qui ont pour rôle de réduire l’importance de la racine qui les précède. Ici, il s’agit du mot "éveil", auquel le "-on" confère donc un sens plus petit. Un "petit éveil".
À défaut de nous faire perdre les kilos accumulés à cause du repas de Noël, cette drôle de gymnastique nous permet - enfin ! - de saisir le sens premier du mot réveillon : un petit moment d’éveil. La raison ? Un temps de patience les yeux ouverts, jadis destiné à patienter jusqu’à la messe de minuit. Eurêka ! Nous voilà donc repus… de savoir ! Le mot "réveillon" n’a plus de secrets pour nous, et il est temps de refermer le dictionnaire… Pour enfin se repaître d’une énième part de bûche !
Emeline Pradines