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Politique

Hommages à Thomas Sankara. : Aller au-delà des symboles

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Le Burkina Faso a célébré, le 15 octobre dernier, le 36e anniversaire du renversement du Conseil national de la Révolution et de la disparition de son leader, le capitaine Thomas Sankara. Jusqu’au coup d’Etat qui lui a été fatal, le 15 octobre 1987, l’iconoclaste président révolutionnaire était au cœur de toutes les batailles pour la destruction du système colonial, et un soldat infatigable dans la lutte pour l’émancipation des masses. Avec ses phrases percutantes d’une grande profondeur historique, son ironie provocatrice et son volontarisme affiché et assumé, il a consacré ses quelques années de vie politique, à être le porte-étendard de tous les opprimés du monde, en traduisant autant qu’il le pouvait, leurs problèmes à chaque fois qu’il en avait l’occasion. N’oublions pas, en effet, que l’une des principales caractéristiques de la courte mais digne vie du père de la Révolution burkinabè, a été sa fidélité inébranlable à ses convictions, notamment son dédain pour la suffisance et les privilèges, d’autant qu’il présidait aux destinées d’un pays qui était « la synthèse douloureuse de toutes les souffrances de l’humanité », comme lui-même aimait à le dire.

Thomas Sankara reste pour de très nombreux Burkinabè, le président providentiel

Quoi donc de plus normal que cette légende dans l’univers des révolutionnaires du monde entier, soit, 36 ans après sa disparition, une référence, un repère et un exemple de cohérence militante à suivre pour la jeunesse burkinabè et africaine qui voit avec tendresse son intégrité et qui est fascinée par l’intransigeance de ses principes prônant l’égalité et la vertu dans la gestion des biens de l’Etat. Cette moralisation de la vie publique par celui qui incarnait la probité jusque dans ses névroses, heurtait malheureusement certains parmi son entourage, et ce choc des tendances rivales, notamment entre les sans-culottes et les petits bourgeois, a cartellisé le gouvernement révolutionnaire qu’il dirigeait et provoqué simultanément sa chute et sa mort tragique le 15 octobre 1987. Et bien que l’évocation de son nom continue toujours de fracturer les débats politiques et de susciter des polémiques entre ceux qui voient en lui un héros et ceux qui pensent que cette étiquette collée à l’homme, tord la réalité historique, Thomas Sankara reste pour de très nombreux Burkinabè, le président providentiel qui aurait pu conduire « le pays des Hommes intègres » à son développement économique et social. Et c’est en guise de reconnaissance pour l’ensemble de ses œuvres pendant ses quatre ans de règne, qu’en 2006, déjà, une rue lui avait été étonnamment dédiée par le Conseil municipal de Ouagadougou, probablement sur ordre de son bourreau Blaise Compaoré. Dix ans plus tard, soit en 2016 et le 2 octobre précisément, un mémorial en son nom a été inauguré dans la capitale burkinabè, avant que le président Roch Marc Christian Kaboré ne lui rende en 2020, un hommage empreint d’émotions et de recueillement, à l’endroit même où il a été assassiné en 1987. Sous la transition dirigée par le lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba, un nouveau cap dans la réhabilitation de la mémoire du président du Conseil national de la Révolution, a été franchi avec l’adoption, le 17 juillet 2022, du projet de loi portant statut de héros de la Nation.

Il n’est pas sûr que les Burkinabè de 2023 aient le même esprit de sacrifice

Mais il a fallu attendre l’arrivée des jeunes capitaines au pouvoir avec à leur tête Ibrahim Traoré pour voir Thomas Sankara élevé au rang de héros national, le 4 octobre dernier, à la grande satisfaction des amis et partisans de l’illustre disparu. C’est connu, l’actuel président de la Transition burkinabè se considère comme un héritier putatif du leader de la Révolution d’août 83, auquel il ne se lasse pas de faire référence depuis sa prise de pouvoir en octobre 2022. A l’occasion de ce 36e anniversaire, le gouvernement de transition qu’il dirige, a décidé de frapper fort et de marquer les esprits en rebaptisant l’un des plus grands et plus célèbres boulevards de la capitale burkinabè, au nom du non moins célèbre Thomas Sankara, comme pour faire suite à la requête de la société civile et notamment du « Balai citoyen », datant de 2017, exprimée à l’occasion de la visite du président français, Emmanuel Macron, à Ouagadougou. Après le départ exigé des troupes françaises, le capitaine Ibrahim Traoré et ses camarades viennent encore une fois de mettre à mal ce qu’ils considèrent comme une offense à notre dignité nationale, puisque le boulevard nouvellement rebaptisé portait jusqu’à ce 15 octobre 2023, le nom de Charles De Gaulle, l’ancien président de la France coloniale de 1959 à 1969. Dans un contexte où le Burkina est en train de se défaire du lien ombilical et pour le moins compromettant qui le lie à la France, tous ces actes posés à la mémoire de celui qui incarne le mieux le patriotisme et le souverainisme, sont loin d’être anecdotiques. Mais il va falloir aller au-delà des symboles, pour traduire dans les faits tous les sacrifices auxquels Thomas Sankara appelait le peuple, en donnant lui-même l’exemple et en montrant la voie à suivre. Il faut reconnaitre que c’est plus facile à dire qu’à faire, surtout dans le contexte du Burkina où la course à l’enrichissement illicite et aux biens matériels, n’a jamais été aussi effrénée. Si Sankara avait miraculeusement réussi à assainir la gestion de la chose publique en prônant l’austérité et en sanctionnant les « brebis galeuses », il n’est pas sûr que les Burkinabè de 2023 aient le même esprit de sacrifice et acceptent de renoncer aux privilèges dont ils jouissent et dont ils ne pouvaient même pas rêver il y a 36 ans. De 1987 à 2023, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, et même bien des disciples de Sankara sont devenus après la disparition de ce dernier, des champions de la bourgeoisie compradore, tout en conservant la rhétorique révolutionnaire. Ils s’affichent comme des dignes héritiers de celui qui ne roulait pas carrosse et qui ne mangeait pas du caviar, au nom du sacrifice et du don de soi.

« Le Pays »




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