Dans une interview exclusive à Jeune Afrique le 20 septembre, le général Brice Clotaire Oligui Nguéma, nouvel homme fort du Gabon, s’exprime : raisons de sa prise de pouvoir, annulation de l’élection échue, durée de la transition, avis sur les Bongo, interdiction de se présenter aux élections pour les grands acteurs de la transition et plausibilité pour lui-même, task force sur les fraudes dans les marchés publics, etc. L’essentiel de l’interview.
Libération
Interrogé sur les déterminismes du coup d’État contre Ali Bongo Ondimba dans la nuit du 29 au 30 août, Oligui Nguéma répond : «Ce que vous appelez chez vous coup d’État, ici, au Gabon, nous le nommons une libération. L’enthousiasme des populations gabonaises en est la preuve, ainsi que l’adhésion de toutes les forces vives de la Nation.»
Il affirme qu’il s’agit d’«un acte de libération» face aux élections truquées et à la menace de violences dans le pays. Le but étant de «restaurer les institutions et la dignité du peuple gabonais».
Recomptage des bulletins de la présidentielle du 26 août 2023 et durée de la transition
Interrogé sur la possibilité de recompter les bulletins de vote ou de déclarer un autre candidat vainqueur en cas de fraude électorale, le général explique que dès lors que le processus électoral était compromis, les résultats qui en découlaient ne pouvaient garantir la légitimité de quelque candidat que ce soit.
Concernant la durée de la transition, le général rappelle que cela dépendra des forces vives de la nation et que le Gabon restera engagé dans les organisations sous-régionales et régionales dont il est membre. Selon lui, le délai d’un an fixé par la CEEAC pour la transition n’est pas définitif : «Je voudrais d’abord rappeler que le Gabon tient à demeurer dans l’ensemble des organisations sous-régionales et régionales dont il est membre. Nous prenons acte de l’avis de la CEEAC mais il ne revient pas au CTRI de fixer la durée de la transition.»
Les Bongo
Parlant d’Ali Bongo, le patron du CTRTI rappelle que l’ex-président est libre de ses mouvements mais son fils Noureddin est poursuivi pour haute trahison et détournements de fonds : «Monsieur Noureddin Bongo-Valentin est effectivement poursuivi pour des faits graves, entre autres, haute trahison, détournements de fonds publics, trafic de stupéfiants et falsification de la signature du chef de l’État.»
Oligui Nguéma estime par ailleurs qu’Omar Bongo était proche des Gabonais : «C’était un travailleur, un homme d’écoute et de dialogue. Il détectait les talents et les formait.» À l’inverse de son fils Ali qui s’est entouré d’«individus qui n’ont rien fait de positif» : «Ce que je retiens de Monsieur Ali Bongo, en revanche, c’est sa forte propension à déléguer et à créer autour de lui un cercle d’individus qui pensaient avoir raison sur tout mais n’ont rien fait de positif.»
Interdiction de se présenter aux élections
Concernant l’interdiction aux grands acteurs de la transition de se présenter aux élections, Oligui Nguéma déclare : «L’esprit de la charte est de s’assurer que toutes les personnalités ayant un rôle prépondérant dans la restauration des institutions et l’écriture de la Constitution ou la révision du code électoral ne soient pas tentées d’écrire en leur faveur les éléments susceptibles de biaiser une fois de plus le processus électoral. Le président de la Transition n’étant pas un des acteurs de la mise en œuvre du nouveau code électoral et de la nouvelle Constitution, il n’est donc pas soumis à cette restriction.»
Brice Laccruche Alihanga
Amené à parler du sort de Brice Laccruche Alihanga, ancien directeur de cabinet d’Ali Bongo, Oligui Nguéma explique : «Le CTRI plaide pour une justice indépendante et pour l’État de droit. Il appartient donc au pouvoir judiciaire d’enquêter pour la manifestation de la vérité. Toutefois, de fortes coïncidences sont à relever dans le mode opératoire chapeauté par Noureddin Bongo-Valentin et celui décrié lors de l’opération Scorpion où Brice Laccruche Alihanga était présenté comme le maître à penser.»
Task force sur les fraudes dans les marchés publics
Le général annonce également la relance de la task force chargée de traquer les fraudes dans les marchés publics, dans le but de dresser un état des lieux de la situation financière du pays et de payer le montant dû aux entreprises gabonaises et étrangères.
Il promet enfin de lutter contre la corruption, de relancer l’économie et de satisfaire les attentes de changement des Gabonais. Ce, en assurant que les militaires ont vécu les mêmes problèmes que la population : «Nous y pensons chaque jour et mesurons l’ampleur de la tâche. Les problèmes que vivent les Gabonais, nous, militaires, les avons vécus avec nos familles et les vivons toujours. Nous mettrons tout en œuvre pour restaurer la dignité de nos concitoyens.»
Publié le :
24 septembre 2023Par:
Lago Tape