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Politique

Un message d’Hiroshima pour ne plus revivre l’«enfer» de la bombe nucléaire

Publié le :

Yoshiko Kajimoto, 91 ans Blessée par la bombe à 14 ans

La survivante de la bombe atomique Yoshiko Kajimoto, 91 ans, espère avoir l’occasion de faire comprendre aux dirigeants des pays du G7, qui se réuniront cette semaine dans sa ville, Hiroshima, à quel point cette arme est horriblement inhumaine.

« Il y a de moins en moins de Hibakusha [“irradiées”, en japonais]. Mais chaque Hibakusha a son histoire. J’aimerais qu’ils entendent chaque témoignage », confie-t-elle au Devoir, par le biais d’une interprète.

Le premier ministre du Japon, Fumio Kishida, a choisi nulle autre que sa ville natale pour recevoir les chefs de gouvernement des États membres du G7 à partir de vendredi. Les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, l’Italie, l’Allemagne et le Canada se réuniront avec le Japon lors de ce sommet. Il survient durant la deuxième année de l’invasion russe de l’Ukraine, qui laisse planer une menace nucléaire.


Yoshiko Kajimoto détient sa propre carte professionnelle, sur laquelle elle se présente comme « témoin de la bombe A ». La nonagénaire est légèrement penchée vers l’avant lorsqu’elle se déplace.


« Je pense que les dirigeants des États détenteurs d’armes nucléaires ne connaissent pas l’atrocité et la cruauté de ces armes, commente la survivante. C’est cette ignorance qui incite [à la menace de] l’utilisation d’armes nucléaires. Ils ne peuvent pas imaginer les cadavres que moi j’ai vus… C’était horrible. »

Celle qui se présente elle-même comme une Hibakusha s’installe derrière un panneau de Plexiglas hérité de la pandémie de COVID-19. Devant elle, une table à roulettes est installée sur la petite scène de la salle de conférence, entièrement vide, au sous-sol du musée du mémorial de la paix de Hiroshima. Malentendante, elle parle très calmement. Elle utilise un micro pour être bien comprise sans avoir à hausser le ton, et détaille son histoire.


Yoshiko Kajimoto fait partie des cobayes de l’ère atomique. Le destin l’a mise à 14 ans, l’âge où on entre en troisième secondaire au Québec, sur la trajectoire de l’explosion de la bombe américaine Little Boy sur Hiroshima, le 6 août 1945, à 8 h 15. Elle a ainsi survécu à l’une des deux bombes nucléaires lâchées sur une population civile au cours de l’histoire, à la toute fin de la Seconde Guerre mondiale.

L’adolescente travaillait alors dans une usine de pièces d’avions de guerre, située à la limite du rayon de destruction de la bombe, à 2,3 kilomètres de l’épicentre. Elle a été blessée par l’effondrement du bâtiment, soufflé par l’onde de choc. Soixante-dix-sept ans plus tard, ses cheveux sont gris et coupés aux oreilles. Elle porte de grandes lunettes rondes et un col roulé noir sous un veston gris. À l’aide d’un pointeur laser, elle montre sur une carte projetée au mur où se trouvait sa maison familiale, excentrée et épargnée par la bombe.

La mort des passants sous ses yeux, leur peau en lambeaux exposée par le souffle de la bombe de plus de 3000 degrés Celsius ; les détails innommables de ses souvenirs s’enchaînent. « C’était comme un défilé de fantômes. Un garçon marchait devant moi, tenait son bras, détaché de son corps. Il est mort devant moi. Je n’oublierai jamais son visage. Il était très triste. » Des artistes ont reconstitué la scène, ce qui illustre sa présentation PowerPoint.

Yoshiko Kajimoto raconte les émotions qu’elle a vécues au moment de retrouver son père, des jours plus tard. Ce dernier fouillait l’usine effondrée, retournant les corps pour retrouver sa fille. Il traînait dans son sac une boule de riz à lui offrir, s’il la retrouvait vivante. Sa quête lui a coûté la vie : un an plus tard, il a été foudroyé par les effets de la radiation.

« Je suis restée tout le mois d’août [1945] sans appétit, avec une fièvre très importante. Ma gencive saignait beaucoup. Apparemment, c’est l’un des premiers symptômes de l’irradiation, mais à l’époque, on ne savait pas ça. »

Elle pardonne aux Américains

Comme les autres jeunes femmes Hibakusha, Mme Kajimoto, devenue orpheline, a vécu dans la plus grande misère et a été victime de discrimination dans la société japonaise de l’après-guerre. On lui disait qu’aucun homme ne voudrait l’épouser, par crainte qu’elle n’enfante des bébés déformés.

La survivante a finalement eu des enfants et une vie heureuse. En 1999, elle a subi une intervention chirurgicale pour lui retirer une partie de l’estomac afin d’éliminer un cancer. Bien que son histoire lui fasse revivre les images horribles de ses 14 ans, des images qui la hantent toujours, un ami l’a convaincue de témoigner de ce qu’elle a vécu. « Je veux vous dire, c’était vraiment un enfer. »

C’est dans l’espoir d’éviter cette tragédie à d’autres peuples qu’elle relate depuis 20 ans les souvenirs qu’elle a elle-même tenté d’oublier durant des décennies. Elle n’a toutefois plus de ressentiment envers ceux qui ont lâché la bombe en 1945. L’histoire a changé : on attend maintenant la présence de Joe Biden au G7 cette semaine, second président américain en exercice à visiter Hiroshima, après Barack Obama.

Boris Proulx à Hiroshima




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