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Au tribunal. Siphonnage de carburant : Carlos n'est pas mouillé

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Dans son célèbre ouvrage sur « Les erreurs judiciaires », paru aux Éditions Flammarion en 1968, le brillant avocat français Me René Floriot a reconnu que « L’homme le plus honnête, le plus respecté, peut être victime de la justice. Vous êtes bon époux, bon père, peu importe. Quelle fatalité pourrait vous faire passer pour un homme malhonnête, voire un criminel… ? » Pour Me Floriot, cette fatalité existe. Elle porte même un nom : L’erreur judiciaire. Le Tribunal correctionnel de Grand-Bassam, en son audience du jeudi 13 avril 2023, a-t-elle fait sienne cette remarque pertinente de Me Floriot, dans l’affaire qui va suivre ? Tout porte à le croire.

Depuis huit ans, Carlos est en service, comme chauffeur de benne, dans une carrière de la cité balnéaire de Grand-Bassam. Ils sont au total cinq qui exercent la même profession dans cette société. Début avril 2023, quatre ont pris la fuite, après que tous les cinq ont été soupçonnés de vol de carburant, au préjudice de l’entreprise. Le 13 avril 2023, sur plainte des responsables de ladite société, Carlos était le seul à comparaître pour répondre des faits de « vol de carburant ». Pendant ce temps, ses quatre collègues continuent de courir.

Au lendemain des faits, le 8 avril 2023, comme pour montrer qu’il n’a vraiment rien à se reprocher dans cette affaire, Carlos « pointe » comme d’habitude. Dans les locaux de la société, il constate l’absence de ses quatre collègues. Carlos comprendra, un peu plus tard, les raisons de leur absence, quand le responsable de la Logistique l’informera de ce qui s’est passé la veille : la soustraction frauduleuse du carburant de leur entreprise. Carlos n’aura pas le temps d’en savoir davantage, puisqu’il sera mis aux arrêts, soupçonné lui aussi, d’avoir participé à cette triste opération.

Dans sa version des faits, le responsable de la logistique de la société a fait entendre qu’il y a des raisons de croire que Carlos est également présumé coupable des faits reprochés à ses quatre collègues en fuite. Le jour des faits, grâce au système G.P.S., son véhicule, à l’instar des quatre autres, aurait été localisé vers l’endroit où se trouvaient au moins dix bidons. Ces dix bidons contenaient le carburant qui a été soustrait frauduleusement des réservoirs des bennes de l’entreprise.

Intervenant au cours des débats contradictoires, l’avocat de l’entreprise a soutenu également que le prévenu a marqué un arrêt d’au moins quatre minutes, à l’endroit où le carburant a été siphonné. Or, selon l’avocat, le règlement intérieur de l’entreprise interdit aux chauffeurs, une fois qu’ils ont démarré, d’observer quatre minutes d’arrêt, sans en informer le service Logistique.


Quelques minutes d’arrêt sur “le lieu du crime ”


Carlos ne nie pas avoir marqué quelques minutes d’arrêt ce jour-là, à cet endroit précis. Mais c’était tout simplement, dira-il, pour en savoir sur la présence « suspecte » de deux bennes de l’entreprise. Ces deux bennes dont les conducteurs n’étaient pas visibles à leurs bords, étaient garées côte-à-côte. C’est là qu’il aurait appris que ces derniers ont fui, après qu’ils ont été surpris en train siphonner du carburant.

A la question du Procureur de savoir s’il suffit de deux minutes pour commettre ce genre de vol, comme l’a avancé l’avocat de l’entreprise, Carlos a répondu qu’il n’en savait rien. Il n’en sait rien, parce qu’il n’y a jamais pensé et donc il n’en a jamais fait l’expérience.

Au début de son réquisitoire, le représentant du Ministère public a estimé que le dossier en question a été longuement instruit par le Parquet. Pour autant, toute la lumière n’a pas été faite sur cette affaire, au terme des débats contradictoires engagés au cours du procès de Carlos. Le prévenu n’a pas été pris en flagrant délit. L’entreprise n’a pas encore réussi à mettre le grappin sur ses quatre collègues. C’est eux qui auraient pu contribuer à la manifestation de la vérité. Mieux : ils auraient pu aider le Tribunal à statuer sur l’innocence ou la culpabilité de Carlos.


Faits non établis


Au terme de son réquisitoire, l’occasion a été donnée au représentant du Ministère public, de mieux éclairer les auditeurs sur le rôle de l’instance qu’il représente pour la circonstance : « Le Parquet ne poursuit pas pour situer forcément la culpabilité d’un individu. Quelle que soit la gravité des faits qui lui sont reprochés. Ici, le prévenu n’a pas été pris sur les faits. Il a avancé des arguments qui sont justifiés. Ses quatre collègues, qui ont forcément quelque chose à se reprocher, ont fui. Carlos est resté pour continuer le travail. Le concernant, nous disons que les faits ne sont pas établis. »

Ainsi, Carlos a été déclaré non coupable des faits de « vol de carburant » qui lui étaient reprochés. Et, selon les termes juridiques consacrés, « il est renvoyé des fins de la poursuite », sur décision du président du Tribunal.

L’auteur des « Erreurs judiciaires », que nous citons plus haut, a pris des exemples parmi les affaires « où la justice a failli se tromper mais où elle s’est rendu compte de son erreur, avant qu’il ne soit trop tard » et d’autres exemples d’affaires « où il est légitime d’avoir des doutes sur la culpabilité du condamné. »

Toutes proportions gardées, nous estimons que le dénouement judiciaire de « l’affaire Carlos », jugée le 13 avril 2023 par le Tribunal correctionnel de Grand-Bassam, est une illustration concrète de la deuxième catégorie. En évitant d’avoir la conscience chargée, après une condamnation qui laisserait planer des doutes sur la culpabilité de Carlos, le Juge et le Procureur ont conjugué et harmonisé leurs sciences juridiques, pour aboutir à sa relaxe.


Une chronique de Mory -Frey Touré.




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