Les véhicules de transport inter et intra communaux, appelés communément wôrô-wôrô, rendent d’énormes services aux usagers. Mme Saro fait partie de ces femmes et hommes d’affaires qui, après réflexion et étude de marché, se sont lancés dans ce sous-secteur rentable du transport national. Elle espère y faire fortune, sans prendre de gros risques financiers. Pour le démarrage de son entreprise, Mme Saro s’attache les services de Lucien, un chauffeur professionnel. Elle ne tarde pas à le responsabiliser, en lui confiant une partie de la gestion de la société.
Lucien qui sent dès le départ, que la tâche ne sera pas facile pour un seul employé, propose à la patronne de l’entreprise, les services de son ami Pablo. Avec l’accord de Mme Saro, l’ami de Lucien est recruté comme chauffeur-contractuel. Selon les termes du contrat, Pablo est tenu de verser les recettes dans les caisses de l’entreprise, tous les deux jours.
Géolocalisation
Le nouvel employé prend service le jeudi 2 mars 2023. A la fin de la journée du vendredi 3 mars, Pablo qui était attendu au lieu de versement des recettes, ne s’y présente pas. Il ne donnera même pas signe de vie ni samedi 4 mars ni dimanche 5 mars. Naturellement, la patronne de l’entreprise s’en inquiète et s’interroge. Elle demande à son collaborateur Lucien de prendre toutes les dispositions nécessaires pour se lancer à la poursuite de Pablo. C’est ce qui sera fait dans les minutes qui vont suivre.
Le système de géo-localisation de l’engin momentanément disparu, est actionné. Le véhicule confié à Pablo, véhicule qui ne devait circuler qu’à l’intérieur d’une commune d’Abidjan, sera aperçu dans d’autres communes de cette mégapole. A un moment donné, Pablo était devenu injoignable, sur le téléphone que l’entreprise avait mis à sa disposition. Et puis… voilà Pablo au volant du véhicule de service, quelque part dans la commune de Koumassi. Un territoire sur lequel on ne devait pas l’apercevoir à cette heure-là. Son ami Lucien, qui se sert à merveille du système de géo-localisation, n’est pas loin de là. Il se lance à sa poursuite, espérant que la course va prendre fin dans la commune de Koumassi. Quelle surprise pour Lucien, qui se rendra compte un peu plus tard, que Pablo a déjà mis le cap sur Grand-Bassam.
D’Abidjan à Bonoua
Disposant des ressources physiques et des moyens techniques nécessaires, Lucien se lance à la poursuite de Pablo, dans une course-poursuite effrénée. Et contre toute attente, c’est finalement à… Bonoua, dans la région du Sud-Ouest, que « Pablo le fuyard » sera rattrapé. Son ami Lucien, après un magistral coup de volant, a réussi à lui couper enfin la route. Extrait du véhicule mais ne s’avouant pas encore vaincu, Pablo tente de prendre ses jambes à son cou. Malheur pour lui : un policier en service non loin de la scène, ne se fera pas prier pour l’appréhender. Il sera ensuite menotté et mis à la disposition du Commissariat de police.
Le jeudi 9 mars 2023, à l’audience du Tribunal correctionnel de Grand-Bassam où a comparu Pablo, le procureur de la République n’a pas été tendre avec le prévenu. Traduit en justice pour abus de confiance, l’employé indélicat de Mme Saro n’entendait pas reconnaître les faits qui lui sont reprochés. Il s’est lancé dans de longues et brumeuses explications. Sans arriver vraiment à convaincre le Tribunal. Encore moins à le situer sur son innocence.
Le procureur de la République à Pablo: Pablo, les faits sont pourtant clairs. Le délit d'abus de confiance est bel et bien établi, en ce qui vous concerne. Quand vous avez reçu le véhicule pour remplir la mission que l’entreprise vous a confiée, vous en avez fait à votre tête. Malgré les interpellations de votre patronne et celles de votre collègue, vous avez refusé de déposer le véhicule là où on vous attendait. Vos explications ne tiennent pas la route. Vous allez donc subir les rigueurs de la loi.
Pablo a été finalement jugé et condamné à 12 mois d’emprisonnement et à 200 000 F d’amende. En outre, comme dommages et intérêts, il devra payer à Mme Saro, la patronne de l’entreprise, la somme de 370 000 F.
Une chronique de Mory-Frey Touré