Peut-on encore parler de cette conception méprisante que certains ont pendant longtemps entretenue contre l’Afrique au cours des années1990, pour justifier leur désintérêt à l’égard du continent ? L’afro pessimisme dont il s’agit, n’est assurément plus de mise, dans les esprits ici et là, à travers le monde. C’est qu’en dépit de la politicaillerie pratiquée encore à l’ouest du continent et qu’incarne la soldatesque au pouvoir au Mali, en Guinée, puis au Burkina Faso l’Afrique se porte globalement bien. Ses indices de croissance économique, ne sont pas négligeables. Dans l’espace francophone du continent précisément, un récent rapport économique de la Banque Mondiale révèle qu’en 2022, le taux de croissance enregistré s’est élevé à 4,4%, contre 2,7% dans le reste du continent. Il faut également noter que de 2013 à 2022, les Etats formant l’Union économique et monétaire ouest-africain (Uemoa) ont dans l’ensemble enregistré une croissance continue de 5,6%.
Ce sont là, autant de performances qui n’ont pas laissé la Chine indifférente. Qui a saisi l’opportunité de bien vouloir accompagner cette dynamique économique, amorcée il y a plus de dix ans, en investissant massivement dans les infrastructures routières et le développement des réseaux des télécommunications. Contribuant par ce fait même, au maintien de ladite croissance. Partout sur le continent d’une manière générale, est constatée la circulation de capitaux chinois, dans divers secteurs d’activités économiques. Et cela dure plusieurs années déjà.
Consciente du fait qu’elle ne dispose pas de la même envergure et puissance financière que le géant chinois, la Russie s’est, elle trouvée un tout autre filon, qui en réalité aura toujours été celui qu’elle connait le mieux sur le continent : apporter des appuis militaires aux pays africains, pour ainsi marquer sa présence, voire son influence sur le continent. Mais cette fois, en prenant pour prétexte, la lutte contre le terrorisme, qui mine surtout l’Afrique de l’Ouest. En offrant aussi ses services à des régimes politiques, en mal de crédibilité et de stabilité. Elle aura ainsi réussi, à chambouler de façon assez rocambolesque du reste, toute autre forme précédente d’assistance militaire existante. La France grande victime de cette nouvelle présence russe en Afrique, éprouve encore beaucoup de mal à s’en remettre. Même si elle tente de se sauver la face, par l’engagement d’offensives diplomatiques en Afrique centrale. Avec à la clé une nouvelle stratégie de coopération économique, telle que révélée par Emmanuel Macron, en visite dans la République démocratique du Congo et en Angola. Une stratégie aux contours encore flous, dans l’esprit des critiques et analystes politiques africains, qui n’en perçoivent par avec clarté, l’originalité, ou la particularité tout simplement.
La satisfaction éprouvée ici et là par les décideurs politiques et autres opinions publiques africaines, à l’égard de ces initiatives russe et chinoise, a vivement sonné le réveil américain, vis-à-vis de l’Afrique. En effet, l’Administration américaine ne privilégie plus son intérêt pour le continent, par la seule exhortation de ses opérateurs privés à venir y investir. Elle s’est désormais engagée à multiplier l’aide publique au développement, en ciblant des domaines bien précis où, de réels besoins existent en la matière. Et cela, dans l’optique dit- elle, de « contrer l’avancée déjà impressionnante de la Chine sur le continent ». Il y a avant tout ces 55 milliards de dollars promis au continent, lors du sommet Etats-Unis Afrique tenu en décembre 2022 à Washington. Cette somme dont la consommation s’étend sur trois ans, conformément aux actions inscrites dans l’Agenda 2063 de l’Union Africaine, sera consacrée à l’Agriculture, les systèmes de Santé, le capital humain, la Sécurité notamment. Puis, il y a cette visite d’une semaine de la vice- Présidente américaine Kamala Harris, effectuée la semaine dernière au Ghana, en Zambie, en Tanzanie. Au Ghana, elle a annoncé13 9millions de dollars d’aide à ce pays, en pleine crise économique. Tout comme elle a annoncé un appui financier de 100 millions de dollars à la Côte d’Ivoire, au Bénin, au Togo et au Ghana, en vue de les aider à lutter contre le terrorisme. Tandis que pour la Tanzanie, c’est un appui financier de 500 millions de dollars qui a été acté, avec les autorités. En Zambie, la vice-Présidente américaine a prévu une assistance financière massive dans le secteur agricole. Ainsi qu’une intervention pour la réduction de la dette de ce pays, à l’échelon international.
D’une manière générale, pour toute l’Afrique, l’Administration américaine entend s’impliquer pleinement dans l’autonomisation de la femme, ainsi que la promotion de ce qu’elle a appelé, l’inclusion numérique. Et la promotion plus accrue des investissements privés dans le continent. En direction de secteurs aussi préoccupants pour les africains comme celui du climat où, Kamala Harris a promis une mobilisation de 7 milliards de dollars d’investissement des opérateurs privés américains. Plus encore, elle veut obtenir un siège permanent pour l’Afrique au sein du G20, nécessaire à la facilitation des investissements et à l’amélioration des échanges commerciaux.
Au total, l’on est bien tenté de dire que c’est une nouvelle aube de considération et d’engagement américains, qui se lève sur l’Afrique. Une réaction contre la percée des Russes et des Chinois en Afrique. Surtout ces derniers qui, voudront sans doute garder leur position de leader mondial des échanges commerciaux avec l’Afrique, en allant certainement plus loin. Une position que n’apprécie déjà pas l’Administration Biden, qui logiquement voudra aussi faire mieux. Conflit géostratégique, géopolitique et de leadership mondial, qui ne devront que profiter au continent. Lequel devra le comprendre d’ores et déjà, pour mieux s’organiser, dans la noble optique d’en tirer le maximum de profit. Sans pour autant choquer qui que ce soit, des deux antagonistes.
Moussa Ben Touré