Le FESPACO 2023, ce n’est pas que les films en compétition. Il y a aussi des films qui ont eu le mérite d’être sélectionnés parmi tant d’autres afin d’être projetés dans diverses catégories dans les salles de ciné pour la beauté du septième art panafricain. Parmi ces films, il y a le film intitulé « IL PAESE DELLE PERSONE INTEGRE » en français, « LE PAYS DES HOMMES INTÈGRES ». C’est un film documentaire de l’Italien, Christian Carmozino Mereu. L’Italien muni de sa caméra ayant été témoin de l’insurrection populaire qui a renversé le président Blaise Compaoré, du coup d’État manqué du Général Gilbert Diendéré et des premières élections après le départ de Blaise Compaoré, a décidé de faire un film. Dans ce film documentaire, c’est cette partie de l’histoire tumultueuse du Burkina qui est donnée à revivre. Dans ce film, des acteurs de premiers plans de la chute du régime Compaoré ont été aussi mis en exergue. Il s’agit entre autres de Karim Sama alias Sams’K le Jah. Nous avons eu un entretien avec ce dernier qui a fait une tournée de présentation du film en Italie avec le réalisateur, pour comprendre les contours et la vocation de ce film en projection pour le FESPACO 2023.
Burkina 24 : Vous avez une actualité cinématographique, est-ce que vous pouvez nous dire de quel film s’agit-il ?
Jams’k le Jah : C’est un film réalisé par un producteur italien qui était venu au Burkina Faso en 2014 dans le cadre d’un projet avec une ONG internationale. Quand il est arrivé, il a trouvé que Ouagadougou était en ébullition. Il a essayé de se renseigner, on lui avait dit en tant qu’expatrié que s’il pouvait quitter le pays il devrait le faire, parce que c’était un peu tendu.
Donc il a demandé ce qui se passe, on lui a dit qu’il y a des manifestations parce que le président veut modifier la constitution, les gens ne sont pas d’accord, il y a des manifestations partout et que Ouagadougou n’est plus un endroit très sûr. Il a dit qu’il aimerait voir ce qu’il en retourne. Certains de ses camarades avec qui il était venu sont partis, lui, il est resté pour vivre la situation.
Il a pu filmer des scènes de l’insurrection de 2014. Il a filmé juste pour avoir la scène comme document. Quand il est reparti en Italie, il y a eu le coup d’État de Gilbert Diendéré. Dès qu’il a appris ça, il a pris le premier vol avant qu’on ne ferme les frontières et il est revenu filmer les événements du coup d’État de septembre 2015. Il est encore réparti et il est revenu pour couvrir les premières élections après Blaise Compaoré.
Ce sont ces différentes étapes qu’il a pu mettre en images et qu’il a essayé de raconter avec un certain nombre d’acteurs de ces moments forts de l’histoire du Burkina. Le hasard a voulu que je sois un des personnages qu’il a suivis. Ainsi, quand il a fini, il m’a appelé pour me dire « surprise ».
Je lui demande, il y a quoi comme surprise ? Il me dit qu’il a fait un film de tous ces événements et c’est moi qu’il a suivi et il espère que si je vois le film… (je vais aimer, NDLR). Je lui ai dit qu’il n’y a pas de soucis, je veux le voir. Ça (le film) m’a ramené dans plein de choses que j’avais oubliées.
C’est vraiment des temps forts, il y a même des parties dans le documentaire qui m’ont fait coulé des larmes. Vous savez, quand on est dans le feu de l’action, il y a des charges qu’on peut tenir, mais après, quand les choses se calment, quand on voit qu’on a tué des gens gratuitement pour des histoires de pouvoir, ainsi de suite, c’est très dur, très lourd.
Ce film, est-il en compétition au FESPACO ?
Le film dont le titre est « le pays des Hommes intègres » est un film documentaire justement qui a été retenu par le FESPACO pour être diffusé et dans une catégorie Focus section diversité. Je ne crois pas que le film soit en compétition.
Mais je pense que l’équipe du FESPACO a eu la bonne inspiration en sélectionnant ce film parce que c’est un film qui parle de nous et s’il passe ailleurs, il faut bien qu’il passe ici aussi. J’étais récemment en Italie on a fait sept villes italiennes où le film a été projeté et les salles étaient toujours pleines.
À toutes les étapes, les salles étaient pleines et je pense même qu’à l’étape de Turin, la salle a refusé du monde et deux jours après, ils m’ont appelé pour dire qu’ils allaient mettre le film dans la programmation pendant toute la semaine pour que le maximum de personne puisse le voir.
Je ne sais pas quelle est l’histoire entre le Burkina et l’Italie, mais en Italie, vous allez rencontrer beaucoup d’Italiens qui connaissent bien le Burkina, qui sont amoureux du Burkina et qui sont très sensibles à ce qui se passe au Burkina Faso.
Quel est le retour que vous avez reçu des cinéphiles italiens par rapport à ce film qui raconte un pan de l’histoire politique du Burkina ?
Mais bien sûr, après chaque film il y avait des séquences de discussions. Ce sont des discussions qui souvent nous amenaient jusqu’à 1h, 2h du matin. Ce qui montre à quel point les échanges étaient très riches. Les gens voulaient en savoir davantage. Comme je l’ai dit, les Italiens ont un lien avec le Burkina que je n’arrive pas à expliquer.
Ils suivent de très près l’actualité au Burkina et vous avez beaucoup d’associations, beaucoup d’ONG qui travaillent au Burkina depuis des années. Donc le fait de ne même pas pouvoir venir ici parce qu’il y a des attaques dans certaines zones du pays et autres, ils ne sont plus eux-mêmes. Prions pour que la sérénité revienne au pays.
Vous êtes connu comme un artiste et un homme de radio, aujourd’hui vous êtes embarqué dans une aventure cinématographique, est-ce que Sams’K veut changer de fusil d’épaule ?
Vous savez, quand on est artiste on peut se retrouver d’un domaine à un autre. Ce n’est pas la première fois que j’apparais dans un film non plus. Il y a beaucoup de films documentaires où je suis intervenu et il y a même « quand les éléphants se battent » avec le grand frère Dao où il y a une séquence dans laquelle je suis en train de diriger une séquence d’enregistrement studio.
Oui, il y a plusieurs films dans lesquels j’interviens, mais là c’est vraiment un film sur les secousses politiques connues par le Burkina ces dernières années. Le hasard a fait que j’ai été l’un des personnages qui l’a suivi et qui apparaît le plus et quand il est revenu, il a voulu continuer le cheminement avec moi pour voir un peu mon quotidien, comment les choses se passent et tout. On a même des projets à venir.
Pour moi, la musique est un instrument puissant avec lequel on peut contribuer à l’éveil des consciences et puis contribuer au combat. Donc c’est un projet sur lequel on travaille et si tout va bien on va l’engager bientôt et ce sera un petit tour avec un certain nombre de collègues artistes dans quelques pays en Afrique pour voir dans quelle mesure la musique peut contribuer au renforcement des valeurs démocratiques dans nos pays.
Propos recueillis par Hamadou OUEDRAOGO