Si vous avez suivi les actualités, vous avez certainement appris que le dimanche 5 février dernier, le ministre de l’Hydraulique, de l’assainissement et de la salubrité a lancé, en compagnie du maire de Marcory, Aby Raoul, une vaste opération d’assainissement des berges de la lagune Ebrié dans le quartier d’Anoumabo. Ne revenons pas sur la saleté de notre environnement qui devrait nous faire honte. Nous sommes toujours très fiers, lorsque nous revenons d’Europe ou du Ghana, notre voisin, où vivent des peuples avec qui nous partageons la même culture, nous sommes fiers de dire que nous avons vu des pays propres. Qu’est-ce qui nous empêche d’être aussi propres qu’eux ? Sommes-nous des animaux ? Félicitons donc le ministre et le maire d’avoir initié cette action, en espérant que ce ne sera pas tout juste une opération cosmétique pour donner le sentiment que l’on travaille. Cela me rappelle le carrefour de l’Indénié qui était inondé à chaque pluie. Au temps de Laurent Gbagbo, il fut demandé au ministre Mel Théodore d’y trouver une solution. Il planta des arbres et y installa une télévision. Evidemment tout cela fut emporté dès la première ondée après qu’un bus ait fracassé la télévision.
Cette histoire d’ordures, il y a longtemps que nous y vivons. Rappelez-vous le groupe de Zouglou, « les Salopards ». Bien avant l’an 2000, ils nous sensibilisaient dans une de leurs chansons sur le problème des ordures. Je me souviens bien de cette « une » d’Ivoir’Soir « bonne année les ordures », pour crier notre ras-le-bol devant la saleté de notre environnement. Rappelez-vous aussi le geste symbolique de Robert Guéï lorsqu’il prit le pouvoir. Il prit un balai pour balayer une rue, ce qui lui valut le surnom de « balayeur », et d’être qualifié de « balayeur balayé » lorsqu’il perdit le pouvoir. Je ne sais plus combien d’opérations « ville propre » ou « quartier propre » on a lancé dans ce pays. Pour quels résultats ? Nous sommes toujours dans les ordures. Peut-être que tout cela nous laissait indifférents parce que nous ne voyions pas nos cités changer. Or aujourd’hui, il faudrait être de très mauvaise foi pour ne pas réaliser que nous sommes en train d’entrer dans une autre dimension. Nous ne pouvons pas avoir ce pays et cette ville d’Abidjan qu’Alassane Ouattara est en train de nous construire et y laisser traîner des ordures comme si nous étions des animaux. Pourquoi un pays comme le Ghana ou le Rwanda peuvent être propres et pas la Côte d’Ivoire ? Simplement parce que les Rwandais et les Ghanéens ont décidé de vivre dans des pays propres. Ils ne sont pas des extraterrestres. Il est temps que nous aussi nous prenions cette décision. Parce que notre pays mérite maintenant d’être propre et nous, Ivoiriens, méritons de vivre dans des cités propres.
Etre propre, c’est d’abord un état d’esprit. On peut décider de vivre au milieu des ordures parce que l’on est soi-même sale dans sa tête. A ce moment-là, on ne réalise même pas que l’on vit au milieu des ordures. Elles font partie de notre environnement normal et on ne les voit plus. Je crois que c’est notre cas. Nous ne voyons plus qu’à l’entrée et aux sorties de nos villes, les premières et dernières choses que les visiteurs voient sont les ordures. On ne cherche plus à les détruire, ni même à les cacher. Parce qu’on ne les voit pas. Nous ne savons donc pas que cela peut indisposer les visiteurs soucieux de leur santé. Nous nous étonnons de nos paludismes, fièvres typhoïdes et autres maladies bizarres à répétition que nous mettons sur le compte de sorciers, alors qu’il suffit de vivre dans un environnement salubre pour que ces maladies disparaissent.
Je le dis et le répète. Les seuls touristes que nous attirerons dans notre pays seront ceux qui y viennent pour faire des affaires et qui ne sortent pas des enclaves propres qui existent encore. Les autres peuvent venir une fois, parce qu’ils ne sont pas informés de notre situation, mais ils ne reviendront plus, tant que nous n’aurons pas décidé de sortir de nos ordures. Ils ne sont pas masos.
Alors, si le gouvernement a réagi, réagissons, nous aussi. En ne jetant plus de déchet ou de papier dehors, en consacrant par exemple nos samedis ou dimanches à nettoyer nos quartiers, exercice qui vaut bien nos marches du weekend, en fleurissant nos villes, nos quartiers. Pourquoi l’Etat n’organiserait-il pas des concours de ville la plus propre ou la plus fleurie ? Et pourquoi, à côté de la carotte, ne pas sortir enfin le bâton ? Pourquoi ne pas sanctionner ceux qui salissent nos cités et les mairies qui ne font aucun effort pour se rendre propres, mettant ainsi la vie de leurs habitants en danger ? A propos du Ghana, tous ceux qui ont fréquenté ce pays vous diront combien il en coûte de jeter un simple papier mouchoir par terre. Alors, on fait le pari d’être désormais propres ?
Venance Konan