Chaque fois que je fais un tour dans le pays profond, j’en reviens toujours avec beaucoup de frustrations, avec ce sentiment de gâchis, ce sentiment que nous détenons des trésors inestimables dont nous ignorons la valeur, ou que nous ne savons pas du tout comment les exploiter. Pour la plupart des Ivoiriens, nos déplacements, lorsqu’ils ne sont pas professionnels ou dictés par des funérailles, se résument le plus souvent à nous rendre dans nos villages. Aller visiter d’autres localités, juste pour la découverte ne fait pas partie de nos mœurs. Il est vrai aussi que la triste uniformité et le manque d’originalité de nos cités n’incitent pas beaucoup à aller à leur découverte. Qu’est-ce qu’on irait chercher à découvrir à Adzopé, ou à Méagui, ou à Dimbokro ? Tant que nous ne ferons pas preuve d’un peu d’originalité dans la construction de nos villes, en revenant à nos architectures traditionnelles, mais modernisées, tant que nos villes ne seront pas pensées, orientées par des spécialistes, des femmes et hommes ayant une vision, et tant que la première chose que l’on verra dans nos villes ne sera pas les ordures, nous ferons n’importe quoi et nous ne convaincrons personne, ni les Ivoiriens, ni les étrangers, de venir les visiter. L’ironie de l’histoire est qu’aujourd’hui, parce que nous avons abandonné notre architecture traditionnelle, ce qui fait l’originalité dans certaines de nos localités est la présence de maisons coloniales. Mais comme nous ne savons rien entretenir, nous les laissons à l’abandon jusqu’à ce quelle tombent complètement en ruine, pour les remplacer par nos villas de béton sans charme ni créativité.
Mais en dehors de nos villes et villages complètement ratées, la nature nous a gratifiés de quelques merveilles qui, si elles étaient bien exploitées auraient pu être sources de richesses pour nous. Mais nous avons fait de ces richesses ce que nous avions fait de nos ressources minières jusqu’à l’arrivée des colons, c’est-à-dire, rien. Nous avons par exemple la mer, des lagunes, des fleuves majestueux, de la frontière libérienne à celle du Ghana. Qu’en avions-nous fait ? A Abidjan c’est au bord de la mer que nous avions construit nos bidonvilles, tandis que les lagunes servaient de toilettes publiques aux populations riveraines. Et nous avons attendu d’avoir bien pollué la baie de Cocody avant d’aller chercher des Marocains à grand prix pour en faire une marina. C’est la même chose qui est en train de se passer avec la lagune de Bingerville qui, en de nombreux endroits, est en train de devenir un marécage nauséabond sur lequel pousse de la végétation. Mais en dehors des plans d’eau, nous avons aussi des montagnes, des forêts, des savanes. J’ai été sur les sites de nos centres émetteurs à Koun Fao, Niangbo, Man, Tiémé, Séguéla, Bouaflé…Ils sont situés sur des sites d’où l’on a une vue à couper le souffle. J’ai découvert dans plusieurs de nos localités de vieilles mosquées et d’autres monuments datant de plusieurs siècles. Qui incitons-nous à aller les visiter ?
Je crois que nous devons comprendre quelques petites choses simples. La première est que le tourisme peut enrichir un pays. De nombreux pays dans le monde vivent principalement du tourisme. La seconde est que nous avons des atouts en manière de tourisme. Et la troisième est qu’il suffit de faire preuve d’un peu d’intelligence pour en tirer profit. Une de mes amies qui a récemment visité les Seychelles en est revenue très frustrée. « Les Seychelles, c’est comme Assinie ou Grand-Bassam, c’est-à-dire de la mer, et une végétation qui ressemble à la nôtre, et des maisons qui ressemblent à nos maisons coloniales. Sauf que là-bas, c’est bien entretenu, bien exploité, et c’est accompagné d’une bonne communication. Nous, en plus d’avoir notre littoral avec ses lagunes, nous avons nos montagnes, nos forêts, nos savanes. Mais nous ne savons pas comment en tirer profit. »
Dans ma précédente chronique j’avais parlé de Sassandra qui est un immense gâchis, parce que ses habitants et édiles ne savent pas qu’ils détiennent là un trésor. Mais il y a aussi sur ce littoral Jacqueville, Grand Lahou, Fresco, San Pedro, Grand Béréby, Tabou, qui sont autant de trésors ignorés. Pourquoi l’Etat de Côte d’Ivoire ne prendrait-il pas le problème à bras le corps en mettant en place une vraie politique de développement du tourisme dans cette région ? D’autant plus que la « côtière » va bientôt s’ouvrir, et la Coupe d’Afrique des nations (CAN), dont certains matchs se dérouleront à San Pedro, braquera un formidable projecteur sur la région.
Venance Konan
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COMMENTAIRES
Publié le :
20 janvier 2023Par:
Forestier de LahouTout à fait d'accord. Nos édiles ne conçoivent le "développement" qu'en termes de bétonnage et de saccage méthodique de la nature, c'est à dire de destruction systématique du trésor sur lequel nos populations sont assises sans s'en rendre compte. Le Ministre du Tourisme ne pense qu'à rameuter des "investisseurs" pour construire des horribles "réceptifs hôteliers" à centaines de milliards, impossibles à amortir (surtout avec le tourisme local, qu’on prétend privilégier à défaut d’être capable d’attirer le touriste international) et très mal intégrés dans le paysage, opérations Qui ont toute l’apparence de blanchiment d’argent. On ne rêve que de Bassam (qui ne fait que se dégrader depuis son classement Unesco, RIEN n’ayant été fait pour valoriser son patrimoine architectural, bien au contraire !) et Assinie, totalement surfait, où la baignade en mer est extrêmement dangereuse, alors que le littoral de l'Ouest est infiniment plus beau et plus sûr pour les nageurs. On a contemplé en pleurnichant le naufrage de l'ancienne ville de Grand-Lahou sans rien faire, tout en affirmant que la projet "Waca", soi-disant doté de sommes plus que rondelettes, allait résoudre les problèmes d’érosion marine. Le patrimoine architectural des villes comme Adiaké et Sassandra n'a rien à envier à celui de Bassam et devrait être classé, sauvegardé et valorisé. Mais faute de cela, il est squatté par des populations peu respectueuses des lieux, voire par des familles de cabris. Que fait le Ministère de la Culture, dont ça devrait êytre une des tâches prioritaires ? Le fleuve Sassandra, pour ne citer que lui, est en cours de destruction avec la multitude de barrages chinois qui s'y construit, perturbant son cours et noyant des sites de grande valeur environnementale. Il y a tant de belles choses dans ce pays, qu'on a systématiquement ignorées, négligées, voire détruites : forêts, mangroves, etc... Il n'y a pas besoin d'investir des sommes folles pour rentabiliser les plages : il suffit de quelques chaises longues, des parasols, une glacière ou un frigo bien rempli, pour attirer des touristes pour une journée en famille et créer une animation capable de faire vivre des populations locales. Le cadre idyllique, on l’a, il existe, il est gratuit ! UN petit coup de balai ou de râteau suffit. Mais au lieu de cela, on salit tout, on détruit les mangroves. Les quelques sites de valeur qui existaient ont été dévastés par la BETISE attisée par la jalousie (exemple patent : Dagbego !!!). Enfin, la vision de l'écotourisme par nos" responsables" est dramatique et destructrice. Appuyée par l'incompétence et des idées fausses, elle ne fait que saccager les sites (Dahlia Fleurs, Forêt du Banco), faute d'encadrement susceptible de montrer les choses de la nature dans le respect et l'intelligence, créant à la place le désordre et le brouhaha, détruisant les sols, ce qui enlève toute chance d'apercevoir le moindre animal. Vouloir transformer ces espaces en Disneylands est totalement stupide, le touriste qui veut du Mickey ou similaire aura 1000 fois mieux à Orlando ou même à Marne-la-Vallée... Enfin, concernant les parcs nationaux, il serait bien que l'on arrête les mensonges qui circulent un peu partout : Abokouamékro ne renferme plus aucun grand mammifère et la Marahoué n'existe plus vraiment. En résumé, on est totalement schizophrène en ayant des comportements qui sont totalement à l'opposé des engagements pris solennellement la main sur le cœur, lors des différentes COP, en particulier la COP15 sur la désertification.PLUS D'ARTICLES
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Publié le :
21 janvier 2023Par:
Laurent Kouassi