publicité

Politique

Un État clé fissuré, à l’image de l’Amérique

Publié le :

Centralia, en Pennsylvanie, est devenu un village fantôme après qu’un incendie accidentel dans la mine de charbon souterraine située juste en dessous y eut rendu la vie impossible. C’était en 1962, et la mine continue toujours de brûler lentement, encore aujourd’hui, laissant parfois s’échapper de fines colonnes de fumée à la surface.

La combustion lente qui ronge Centralia depuis 60 ans a fait de l’endroit, situé au coeur de la ruralité minière du comté de Columbia, une sombre attraction. Mais dans un pays traversé par des tensions politiques intenses, à deux jours des élections de mi-mandat, elle pourrait aussi être vue désormais comme une métaphore : celle d’un pays aux prises avec un feu latent, nourri par une colère se radicalisant toujours plus contre les démocrates et qui, mardi, pourrait bien faire basculer le pays dans une nouvelle ère.

« C’est ce que l’on souhaite », laisse tomber Martha Klischer, entrepreneuse dans le petit village d’Aristes, juste à côté de Centralia, tout en annonçant avec fierté qu’elle va soutenir « tous les candidats républicains inscrits sur le bulletin ». « Les démocrates sont des fourbes, des fraudeurs. Ils ne représentent pas les valeurs de l’Amérique. Et nous allons leur dire mardi notre façon de penser », ajoute-t-elle.


Berceau de la démocratie américaine, la Pennsylvanie, qui a ouvert la porte de la Maison-Blanche à Joe Biden en 2020, attire à nouveau les regards sur son champ de bataille électoral qui pourrait décider de la balance du pouvoir au Sénat à Washington cette semaine. Les démocrates espèrent y faire un gain net en permettant à leur candidat, John Fetterman, actuel lieutenant-gouverneur de l’État, de mettre la main sur le siège laissé vacant par le républicain Pat Toomey.


La course est toutefois serrée pour Fetterman qui doit affronter le Dr Mehmet Oz, cardiologue et figure emblématique du petit écran aux États-Unis, choisi par Donald Trump, dans un État dont le penchant pour le Parti républicain n’a fait que s’accentuer dans les dernières années. Le conservatisme aux accents d’extrême droite du parti de l’ex-président y est alimenté surtout par le vote des régions rurales.

La semaine dernière, un sondage mené par l’Emerson College accordait pour la première fois depuis le début de la campagne une avance de deux points au candidat républicain, qui s’est fait le porte-voix des rancoeurs et des réalités « alternatives » inventées par l’ex-président américain. Face à lui, son opposant démocrate, frappé par un accident vasculaire cérébral il y a cinq mois, a été forcé de faire campagne en composant avec sa convalescence. Et cela a nourri une incertitude des résultats devenue ici source de mobilisation du vote démocrate à l’approche du scrutin.

La peur de la tyrannie

« Je suis inquiet pour l’avenir de la démocratie américaine, affirme Malik Staten, leader syndical au sein du Laborers’ District Council de Philadelphie venu samedi participer à un rassemblement politique de travailleurs. Si les républicains remportent cette course en Pennsylvanie, la vie va devenir de plus en plus difficile : ils vont continuer à porter atteinte à des droits fondamentaux, le droit des femmes, le droit de se syndiquer, la liberté de la presse et le droit de parole. Ils ne veulent plus de la démocratie, ils veulent une tyrannie dans laquelle un seul homme prend toutes les décisions ».

Devant sa maison, dans un quartier adjacent du centre-ville, Lawrence Thompson, retraité de la société de transport de Philadelphie, a planté une pancarte appelant ses voisins tout comme les passants dans la rue à aller massivement voter. Pour les démocrates, précise-t-il. « C’est une élection qui va certainement marquer l’histoire, laisse tomber l’Afro-Américain rencontré alors qu’il sortait faire sa marche matinale. Ce qui est en jeu ? Ce sont bien plus que des candidats, c’est choisir si l’on va pouvoir continuer à voter de manière libre et transparente, parce que les républicains cherchent à nous enlever ce droit. »

La défense des droits des Américains, c’est ce qui guide aussi la campagne du procureur général de la Pennsylvanie, Josh Shapiro actuellement dans la course pour devenir le prochain gouverneur de l’État. « Mon opposant [Doug Mastriano] oeuvre depuis des années pour miner notre démocratie », a-t-il indiqué samedi en entrevue au Devoir. Le jeune politicien, porté par une vague solide de sympathie depuis plusieurs mois, mène actuellement par 9 points dans les sondages face à Mastriano, candidat du trumpisme qui nie la légitimité de l’élection de Joe Biden et se pose en opposant strict au droit à l’avortement dans son État, y compris en cas de viol, d’inceste ou pour sauver la vie d’une mère. Le républicain était parmi les manifestants actifs cherchant à prendre d’assaut le Capitole le 6 janvier 2021.

« Les Américains, les Pennsylvaniens doivent être préoccupés par les attaques menées actuellement contre nos libertés fondamentales et contre la démocratie, mais le reste du monde doit l’être aussi », dit Josh Shapiro lorsqu’on lui demande si le Canada voisin devrait s’inquiéter de l’évolution politique en cours aux États-Unis. « Le pays est un phare sur la scène internationale, et c’est en raison de la force de sa démocratie, une démocratie que l’on ne peut plus tenir pour acquise. »

Un vote référendaire

Samedi soir à Philadelphie, dans une ultime tentative de mobiliser le vote démocrate à quelques jours du scrutin, Joe Biden a rappelé que le vote de mardi est désormais « un référendum entre deux visions de l’Amérique », a-t-il dit devant une salle comble, à la ferveur partisane galvanisée par la présence au côté du président de l’ex-président Barack Obama. « Les résultats de mardi vont façonner le pays pour les décennies à venir. »

« Chaque voix va compter, a ajouté Barack Obama, venu lui aussi soutenir les candidatures de John Fetterman et de Josh Shapiro dans un État où les résultats électoraux tendent historiquement à être le baromètre de la tendance politique qui touche l’ensemble du pays. Les élections de mi-mandat sont difficiles pour les démocrates et pour n’importe qui à la Maison-Blanche, peut-être parce que les électeurs ne pensent pas que le Congrès est important. Mais il l’est. Si, en 2014, nous avions conservé la majorité au Congrès [alors qu’il était président], nous aurions aujourd’hui une autre Cour suprême qui prend des décisions importantes sur nos droits fondamentaux ». Et il a ajouté : « Cette année, les droits fondamentaux, la vérité, les faits, la logique, la raison et la décence sont sur le bulletin de vote. La démocratie aussi est sur le bulletin. »

Courtney Gilmour, 41 ans, était venue de Mount Bethel, dans la banlieue éloignée de Philadelphie, avec sa jeune fille, Trinity, pour assister à ce rassemblement politique qu’elle a décrit comme « une source de motivation » pour finir ses derniers jours de porte-à-porte avant le vote. « J’ai toujours voté démocrate, mais, cette année, j’ai décidé de m’impliquer directement dans la campagne, en raison de la gravité de ce scrutin, a-t-elle dit. Si la Pennsylvanie tombe aux mains des républicains, c’est l’avenir de nos élections qui va partir avec. »

Fabien Deglise




publicité

FIL INFO

26 avril 2024

Kwilu : 1 000 décès enregistrés sur plus d’1 million de cas de paludisme en 2023

26 avril 2024

Sahel: Washington va retirer des soldats du Tchad, après le Niger

26 avril 2024

Situation socio-politique/Blé Goudé à Cissé Bacongo : « Je ne suis pas avec vous »

26 avril 2024

Gabon : Vincent de Paul Massassa porté disparu pour ses parents ?

26 avril 2024

Mali : avec plus 3, 33 millions de cas confirmés, le paludisme constitue la première cause de morbidité et de mortalité



Fanico

Lamine KANE. 13 février 2024
Conte des faits renversants
Valer St Clair 9 février 2024
CAN : Non aux courses d'autorités sur la pelouse !
Dr. Yalamoussa Coulibaly 6 février 2024
Diversité de noms chez les Sénoufo
Emmanuel Koffi 17 janvier 2024
Lettre ouverte au Premier Ministre Robert Beugré Mambé

publicité