C’est par une formule sibylline que le président Ali Bongo Odimba a annoncé, le 12 mars dernier, sa plus que probable candidature à l’élection présidentielle gabonaise de 2023, à l’occasion de la célébration du 54e anniversaire du Parti démocratique gabonais (PDG) qui dirige le pays depuis 1968. A vrai dire, cette nouvelle n’a rien d’une surprise, d’autant que le sexagénaire président a fait, ces derniers mois, un grand ménage autour de lui pour ne s’entourer que de fidèles et stratèges politiques capables de mettre en route une machine électorale qui ne laisserait que des miettes à l’opposition aux prochaines élections. Cet homme qui n’aurait plus rien à offrir à ses compatriotes que sa mort au pouvoir, selon certains membres de l’opposition, est apparu au jardin botanique de Libreville où a eu lieu la cérémonie, dans une relative bonne forme physique, même si le discours ponctué d’un tombereau d’acclamations des 8 convives, a été particulièrement bref. Une intervention expéditive d’autant plus compréhensive que même s’il a miraculeusement survécu à l’accident vasculaire cérébral qui l’avait foudroyé à Ryad en 2018, les séquelles de ce dernier obèrent toujours sa mobilité et son élocution, comme on a bien pu le constater en novembre dernier sur le perron de l’Elysée, lorsqu’il a été reçu par le président français, Emmanuel Macron. Le dandinement de Bongo fils devant les caméras du monde entier, qui a été sauvé de la chute par son homologue français, a fait courir des rumeurs évoquant des pronostics irréversibles pour le président gabonais. Il a fait naitre d’intenses spéculations sur d’autres maladies cachées à l’opinion et a suscité les interrogations les plus farfelues sur le silence de marbre de la classe politique qui n’a pas demandé au valétudinaire président de débarrasser enfin le plancher pour « incapacité physique ».
Ali Bongo n’a même pas besoin que des courtisans aiguisent leur plume pour préparer l’opinion publique gabonaise à sa nouvelle candidature
Quatre mois après cette scène à la fois humiliante et émouvante, Ali Bongo a voulu rassurer ses compatriotes qu’il a « surmonté une terrible épreuve » en esquissant des pas de danse enjoués sans l’aide de sa canne, sur la scène du chapiteau dressé pour la circonstance, dans le jardin qui a abrité la cérémonie. Reste à savoir si cette mise en scène suffira à convaincre les Gabonais que leur inamovible président, jouit effectivement de toutes ses capacités, et qu’il sera à même de diriger ce pays pendant le prochain septennat, malgré son âge et surtout son état de santé chancelant. Le doute est permis quand on pense à la fin chaotique du règne du président algérien, Abdel Aziz Bouteflika et de celui du Guinéen Lansana Conté, tous les deux perclus pendant des années sur des fauteuils roulants alors que leurs suppôts se lançaient dans des déclarations à l’emporte-pièce, insensées et irresponsables, faisant croire à l’opinion qu’ils tenaient le gouvernail le plus sereinement du monde. Pour Ali Bongo, son problème est double, puisqu’il est non seulement critiqué pour son impotence, mais aussi pour sa longévité au pouvoir, quand on sait qu’il a succédé à son père en 1999, après que ce dernier a dirigé le pays 32 ans durant. Un total de 55 ans de règne de la dynastie des Bongo dans un pays indépendant, il y a seulement 62 ans, a fait du Gabon le symbole de la « maladie infantile du multipartisme en Afrique », avec cette succession à la tête de l’Etat de père en fils, comme on l’a vu au Congo-Kinshasa, au Togo, au Tchad, comme on l’a frôlé au Sénégal avec les Wade, ou comme c’est encore possible en Guinée équatoriale, en Ouganda et au Congo-Brazzaville. Pour ce qui est du Gabon, malgré son état de santé pourtant rédhibitoire, le trapu et très massif Ali Bongo Ondimba franchira sans doute le Rubicon en 2023, car il est l’otage d’un entourage tribal ou familial qui met le pays d’autant plus frénétiquement en coupe réglée qu’il craint la fin de son règne et le début de toutes les incertitudes, avec les nombreuses casseroles que les uns et les autres ont pu trainer après avoir arpenté les couloirs du palais de Marbre, plusieurs décennies durant. De toute façon, Ali Bongo n’a même pas besoin que des larbins ou des courtisans aiguisent leur plume ou fertilisent leur imagination pour préparer l’opinion publique gabonaise à sa nouvelle candidature, puisque la Constitution adoptée en 2018 ne limite pas le nombre de mandats à la tête de l’Etat. En attendant l’annonce officielle de sa candidature, Ali Bongo pense déjà à ce qu’il proposera aux Gabonais les sept prochaines années, mais aussi à sa succession et peut-être à la transmission ‘’gré à gré’’ du pouvoir à son fils Noureddin Edouard Bongo que beaucoup d’observateurs présentent comme le dauphin putatif, sur qui les projecteurs politiques sont braqués, dans la perspective de la perpétuation de la dynastie présidentielle.
Hamadou GADIAGA