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Politique

Ça suffit. Allons-y !

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L’opération militaire russe pour prendre le contrôle de la plus grande centrale nucléaire en Europe est passée à un cheveu de provoquer un désastre deux fois plus important que celui de Tchernobyl. Au moment où ces lignes étaient écrites, le pire semblait évité.

Si les pays de l’OTAN cherchaient non un prétexte, mais une raison valable pour intervenir en Ukraine, ils ne trouveraient pas mieux que la mise à risque de la santé de tous les Européens par ces combats ciblant sciemment des installations nucléaires. Jusqu’à cet événement, les pays occidentaux, dont le Canada, avaient décidé de déléguer aux Ukrainiens la tâche d’empêcher la Russie d’étendre son emprise sur son ancienne province. Oui, des sanctions, l’envoi de matériel létal, de l’argent. Mais pas un soldat yankee, canadien, français ou allemand ne devait être blessé dans cet affrontement entre une démocratie et un dictateur.

Lorsqu’on en augmente la température, l’histoire devient fluide. Et il n’y a rien de plus chaud qu’une guerre froide qui s’embrase. C’est entendu, dans les mois précédant l’attaque, l’OTAN avait déjà placé les Ukrainiens dans la colonne des pertes et des profits. Si Poutine envahissait, ce serait une affaire de quelques jours. On le punirait économiquement, sans plus.


Mais le courage est une chose contagieuse. La course à la sanction la plus mordante possible, la surenchère de missiles antichars et antiaériens transportés à la frontière a incité les pays occidentaux à enjamber des frontières de non-ingérence qui semblaient hier infranchissables.


La seule qui reste est celle de l’engagement direct. Les ministres de l’OTAN réunis vendredi ont réitéré leur refus de répondre positivement à la demande du président ukrainien d’établir sur son espace aérien un « no fly zone », donc d’interdire le passage d’avions de chasse et d’hélicoptères russes. Un affrontement direct entre un avion, disons, britannique et un avion russe ne serait pas sans conséquence, expliquait hier Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’Organisation. « On comprend le désespoir, mais si nous faisions cela, on pourrait se retrouver avec une guerre totale en Europe impliquant beaucoup plus de pays et beaucoup plus de souffrance. »

Pas faux, en effet. Mais ne disait-on pas la même chose lorsqu’on refusait d’intégrer l’Ukraine à l’OTAN ? Que cela pourrait pousser la Russie à attaquer ? Puisqu’elle a attaqué quand même, n’aurait-on pas dû, justement, protéger préventivement l’Ukraine ? Maintenant qu’on sait, la réponse est oui. Et dans la gradation de la crainte de la guerre, il y a un moment où les distinctions deviennent minces. Des hélicoptères et des avions de chasse russes sont et seront abattus par des missiles de l’OTAN offerts gratuitement aux Ukrainiens, eux-mêmes formés par des officiers canadiens et américains. Pense-t-on que Poutine n’en est pas conscient ? Que cela ne le choque pas ? Qu’il ne pourrait pas utiliser ce prétexte pour étendre la guerre ?

Tout est calcul de risque, mais la résistance des Ukrainiens et la mobilisation de l’opinion internationale ont désormais ouvert une fenêtre dont on ignorait même l’existence il y a dix jours. Il est maintenant possible de ne plus faire du début du XXIe siècle le récit de l’avancée inéluctable des dictatures et du recul des démocraties.

Lorsque la Russie a envahi la Crimée et le Donbass, nous n’avons que tapé du poing sur la table. Quand les héros kurdes qui ont combattu en notre nom la barbarie de l’État islamique se sont fait interdire par l’Irak leur droit à l’autodétermination, nous n’avons même pas émis de réprimande diplomatique. Quand la Chine a écrasé la démocratie à Hong Kong, nous avons répliqué par nos pensées et nos prières. Quand elle a enchaîné un million d’Ouïgours, nous avons interdit à nos diplomates d’aller aux Jeux de la fraternité. Quand Poutine a menacé d’envahir la jeune démocratie ukrainienne, nous lui avons dit qu’il paierait économiquement, mais que nous ne verserions pas une goutte de sang.

Le courage ukrainien vient de nous faire passer un point de bascule. Ces derniers jours, l’opinion publique internationale est devenue de plus en plus favorable à une intervention directe, malgré les risques. Près de la moitié des Français (45 %), des Américains (48 %) et une nette majorité de Canadiens (61 %) sont favorables à ce que leurs soldats participent à une action combinée de l’OTAN en Ukraine. Ces appuis ne vont que croître à mesure que les images de destruction et de détresse humaine vont se multiplier.

Au-delà de l’invasion russe se joue une certaine idée, non seulement de la démocratie, mais aussi de la dignité humaine et de la liberté. Ne pas être présents là, maintenant, au cœur de l’action, n’est-ce pas renoncer à ce qui nous unit comme êtres libres ? N’est-ce pas rendre factices tous nos discours sur la solidarité ? N’est-ce pas rendre inutiles nos dépenses militaires et nos alliances ? N’est-ce pas signaler aux autocrates actuels et en devenir qu’ils ont raison de nous trouver faibles, pleutres, pusillanimes et, finalement, bons pour une future invasion ? L’avenir de la démocratie ukrainienne n’est pas la seule qui est mise en joue ces jours-ci. C’est aussi, dans un avenir proche, celle de Taiwan, prochaine cible sur la liste de l’arrogance des autocrates.

Tout est calcul de risque, je le répète. Mais nous savons aujourd’hui que l’agression russe risque de plonger l’Europe dans un nuage nucléaire, que notre inaction rend plus probable. Nous savons qu’une victoire des armées russes sur le territoire ukrainien ne ferait que renforcer la mainmise de Poutine, aujourd’hui fragilisé, et plonger dans le désespoir les centaines de milliers de Russes qui rêvent, aussi, de liberté. Qui nous donnent aussi, dans les rues et devant la brutalité du dictateur, des leçons de courage.

Combien nous en faut-il avant de répondre à l’appel ? À mon avis, l’heure est venue. Ça suffit. Allons-y !



Jean-François Lisée



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