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Politique

Rupture

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Houphouët-Boigny dont tout le monde reconnaissait la sagesse disait souvent, à propos de ceux qui lui reprochaient son attitude vis-à-vis de l’ancienne puissance coloniale : « j’avais la prudence de celui qui les connaissait un peu, eux, avaient l’audace de ceux qui ne savent rien. » Il faut dire qu’il avait été ministre dans plusieurs gouvernements là-bas avant de venir diriger son pays. Donc il connaissait parfaitement ce pays et de quoi il était capable. L’on rapporte que, lorsque Thomas Sankara fit sa tonitruante sortie devant François Mitterrand, Houphouët-Boigny envoya quelqu’un vers lui pour lui demander d’aller présenter ses excuses au président français. Parce qu’il venait, selon Houphouët-Boigny, de commettre une erreur qui pourrait lui coûter très cher. Il lui dit en substance ceci : « On n’humilie pas le chef d’un grand pays en public. Entre quatre murs, loin des oreilles des journalistes et de la foule, vous pouvez lui dire vos quatre vérités, mais jamais en public. » Sankara refusa d’aller s’excuser parce qu’aux yeux d’une certaine opinion, il était devenu un héros. Son destin fut-il lié à cette histoire ? Je n’oserais pas aller jusque-là. On se souvient du discours de Sékou Touré devant le général de Gaulle en 1958, et de celui de Patrice Lumumba devant le roi des Belges en 1960. Ils y gagnèrent tous les deux leurs galons de héros de l’Afrique pour bon nombre d’Africains, mais l’un vit son pays déstabilisé et déstructuré pendant de longues années et l’autre fut tout simplement assassiné. Plus de soixante ans après ces discours, on ne peut pas dire que leurs pays aient beaucoup avancé. Nous sommes malheureusement dans un monde où ce n’est pas toujours celui qui a raison qui emporte le combat. C’est Cheikh Hamidou Kane qui nous conseillait d’apprendre nous aussi à vaincre sans avoir raison.

Cela signifie-t-il qu’il faille tout accepter, ne jamais se révolter, baisser la tête et toujours dire « oui maître » ? Certainement pas. Les grands changements qui ont fait évoluer le monde sont les fruits de grandes révolutions au cours desquelles de nombreux hommes et femmes ont versé leur sang, et qui ont vu des peuples considérés comme petits et faibles triompher de grandes puissances. La victoire ne sourit pas toujours qu’aux plus forts, mais souvent aux plus audacieux. Cependant, Houphouët-Boigny, toujours lui, disait que la politique est la saine appréciation des réalités du moment. Lorsque le faible triomphe du fort, c’est, en dehors du hasard qui parfois bouleverse bien des situations, parce qu’il a longuement étudié son adversaire et décelé ses points faibles et a mis en place une stratégie. L’on dit que lorsque l’aveugle menace une personne qui dispose de ses deux yeux, c’est parce qu’il sait sur quelle pierre il a posé son pied. Nos frères Maliens qui sont dans un affrontement avec la France dont on ne connaît pas encore l’issue savent certainement sur quel caillou ils ont posé le pied. Mais si ce caillou s’appelle Wagner et boit de la Vodka, je crains que les Maliens ne déchantent très vite.

Nos amis les « panafricains » vont bientôt, si ce n’est déjà fait, hisser les militaires maliens au rang de révolutionnaires, de héros. Généralement les révolutionnaires se distinguent par leur verbe, leur attitude. Si la révolution est de se brouiller avec les Français pour laisser entrer les Russes, qui plus est, des mercenaires, ce serait tout de même une drôle de révolution. Pour le moment la seule révolution que les Maliens attendaient de leurs militaires était qu’ils boutent les djihadistes hors de leur pays. On en est encore loin. Et, sans être mauvaise langue, je ne crois pas que cela soit l’intention des mercenaires de Wagner.

Que va faire maintenant la France ? Rester dans un pays où l’on semble ne plus vouloir d’elle, ou s’en aller ? Les autorités maliennes iront-elles jusqu’à demander à la France et aux autres forces européennes de plier bagage ? Le dilemme risque d’être cornélien des deux côtés. Si les Européens s’en vont, les Maliens se trouveront seuls face aux djihadistes. Pourront-ils les vaincre tous seuls, avec seulement l’appui des mercenaires russes ? Les Européens, eux, gagneraient peut-être à partir avant que les autorités et la rue maliennes ne les y obligent. Si leur objectif est de contenir le terrorisme sahélien à défaut de l’éradiquer, afin qu’il n’atteigne pas les rives nord de la Méditerranée, les Européens pourraient concentrer leurs forces sur un pays voisin mais plus accueillant que le Mali. A moins qu’un médiateur habile ne vienne s’interposer et sauver la face à tout le monde afin que l’on revienne des deux côtés à des langages plus courtois et plus dignes de grandes nations.

Venance Konan




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