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Politique

Pour la patrie

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Il y a quelques jours je suis passé devant le commandement supérieur de la gendarmerie au Plateau à Abidjan. Il était inscrit à l’entrée « pro patria, pro lege. Pour la patrie, pour la loi ». N’est-ce pas que c’est beau ? Il n’y a pas longtemps la gendarmerie faisait partie des corps d’élite de notre pays. On l’opposait à la police où, disait-on, le respect de l’éthique était, disons, plus élastique. Les gendarmes, disait-on, on pouvait leur faire confiance. Mais objectivement, combien de gendarmes aujourd’hui entrent dans ce corps et y demeurent pour la patrie, pour la loi ? Qui considère encore les gendarmes comme des éléments d’élite sur qui l’on peut compter les yeux fermés ? Lorsqu’il fut décidé de confier aux gendarmes le passage des permis de conduire dans le but de lutter contre la corruption, ce fut un éclat de rire général. Parce que depuis longtemps, pour le commun des Ivoiriens, gendarme égale policier au niveau de la moralité. Le jugement est peut-être un peu hâtif et injuste pour des hommes qui ont décidé de donner leur vie à leur pays, mais les comportements de certains gendarmes sur le terrain, que ce soit en ville ou en campagne sur les routes sont en train de ternir l’image de tout le corps. Comme pour la police ou la magistrature. Or, lorsque dans un pays, la probité de certains corps dont la mission est d’assurer la bonne marche de l’Etat est sujette à caution, c’est la société toute entière qui est menacée. Il y a quelques années j’ai visité la Finlande dont la population est considérée par un classement de l’ONU comme la plus heureuse du monde. A la question de savoir ce qui explique ce bonheur, l’une des réponses qui me fut donnée fut que le peuple avait confiance en sa classe politique, en sa police. Vraiment heureux Finlandais ! C’est à peu de choses près la même situation dans tous les pays nordiques tels que la Norvège, la Suède ou le Danemark. Une diplomate de l’un de ces trois pays m’a raconté un jour l’histoire suivante. Feu le président Eyadema du Togo qui était un grand amateur de chasse fut invité dans l’un de ces pays scandinaves par un homme d’affaires. Et l’Etat mit des policiers à sa disposition pour sa sécurité. A la fin de son séjour, le président Eyadema donna un généreux pourboire à ces policiers. Ces derniers l’acceptèrent par politesse, mais comme il n’était pas question pour eux de garder cet argent, ils le remirent à leur supérieur hiérarchique, qui le remit lui aussi à son supérieur et ainsi de suite. Finalement l’argent se retrouva dans les caisses de cet Etat et fut rendu à l’Etat togolais en l’incluant dans un don accordé à ce pays.

Si la devise de la gendarmerie m’a inspiré cette réflexion, ce n’est nullement pour incriminer ce corps, mais plutôt pour interpeler toute notre société. Quel corps de métier de notre pays peut se targuer aujourd’hui d’être plus propre que les autres ? Ces derniers temps, notre attention a été attirée sur le corps enseignant à cause du comportement de certains de nos élèves. Mais en poussant la réflexion un peu loin, on en vient à se rendre compte que les maux de notre école ne sont que les reflets de ceux de toute notre société. Et nous comprenons que nous sommes en danger. Nous voyons certains pays, surtout en Afrique centrale, gâtés par la nature, mais qui ne sont des Etats que de nom, où la devise est « chacun pour soi ». A côté d’eux, nous en voyons d’autres, tels que le Botswana, qui sont cités en exemple au niveau de la probité et de l’utilisation judicieuse des ressources.

Chacun de nous, quel que soit le métier qu’il exerce devrait avoir donné sa vie à sa patrie, même si, contrairement aux soldats, il n’est pas appelé à sacrifier sa vie pour défendre le pays. Chacun de nous, à quelque niveau où nous nous trouvons, nous devons travailler pour la grandeur de notre pays. Parce que le regard que les autres portent sur nous dépend de la place de notre pays dans le monde. Si plusieurs d’entre nous rêvent d’aller vivre dans certains pays et sont même prêts à risquer leur vie pour cela, c’est en raison de ce que les citoyens de ces pays en ont fait tout au long des années ou des siècles. Certains pays ont été gâtés par la nature. D’autres pas. Mais leurs citoyens en ont fait des petits paradis sur terre.

Travaillons donc tous à la grandeur de notre pays. Il n’y a pas si longtemps notre pays était envié dans la sous-région et nous en étions fiers. Retrouvons donc cette fierté en nous réarmant moralement, en cherchant à faire en sorte que le corps auquel l’on appartient soit considéré comme un corps d’élite. Agissons de manière à mériter la confiance de nos concitoyens pour les rendre heureux, car le bonheur n’est pas réservé qu’aux seuls habitants de certains pays du nord de l’Europe.

Venance KONAN




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