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Brazzaville et Kinshasa sont deux villes assez particulières. Non seulement les deux pays dont elles sont les capitales portent le même nom de Congo, mais elle se font aussi face sur les deux rives du fleuve du même nom. Et si les deux pays n’ont jamais pu s’entendre pour construire un pont pour relier les deux villes, ils partagent cependant la même musique, la rumba, que l’on entend des deux côtés du fleuve et sur tout le continent africain. On l’entend d’ailleurs si distinctement de part et d’autre du fleuve Congo que l’on peut rester dans un pays et danser sur la musique qui se joue dans le pays d’en face.

Les deux Congo ont donc soutenu ensemble le dossier de cette musique devant l’UNESCO qui vient de l’intégrer dans son patrimoine immatériel. Tout comme notre Zaouli et des vieilles mosquées du nord de notre pays il y a peu. Le Thiebou dieune ou Tchep, ce fameux riz au poisson sénégalais vient d’obtenir le même statut. Le 3 juillet 2012, le quartier historique de notre bonne ville de Grand-Bassam fut lui aussi classé au patrimoine mondial de l’UNESCO.

A propos justement de Grand-Bassam, que nous a apporté ce classement au patrimoine mondial de l’UNESCO ? Apparemment rien, puisque je ne crois pas que cela ait attiré plus de visiteurs ou de touristes dans notre vieille capitale. D’ailleurs, avons-nous entrepris quoi que ce soit pour faire profiter notre première capitale de ce classement ? Avons-nous sensibilisé les populations sur ce que représente pour elles ce nouveau statut accordé à leur ville ? Nos autorités elles-mêmes, qu’elles soient gouvernementales ou municipales, ont-elles été suffisamment sensibilisées sur la question ? Il semble que rien de tout cela n’ait été fait puisque la vieille ville continue de mourir sous nos yeux indifférents. Les vieilles maisons coloniales qui faisaient le charme de cette ville et qui lui ont justement valu ce classement de l’UNESCO continuent de se dégrader sans que l’on ne voie d’opérations de restauration en cours. Certaines de ces maisons ont même été carrément détruites par des individus pour construire à leur place des maisons modernes, dénaturant ainsi le quartier. Ainsi donc, si je comprends bien, notre pays s’est battu, a dépensé beaucoup d’argent pour avoir ce classement pour finalement ne rien en faire ! Qui sommes-nous donc ? Quel genre de peuple sommes-nous ? Pourquoi aller fatiguer les gens, dépenser des sommes folles, mobiliser des soutiens, si c’est pour jeter cela à la poubelle ?

Je crois que le drame de ce pays et même de tout le continent est de détenir des trésors et de l’ignorer. Non, nous ne savons pas que Grand-Bassam est un trésor et qu’il nous suffit tout juste de l’entretenir pour en retirer de grands bénéfices. Cela nous coûte-t-il tant que cela de restaurer ces vieilles bâtisses, de même que le vieux cinéma de plein air, de planter des fleurs ou des flamboyants sur les trottoirs de la ville, d’y organiser des festivals, vendre cette destination aux rares touristes que nous réussissons à attirer chez nous ? C’est vraiment aussi compliqué ? Nous n’avons même pas été fichus de mettre une pancarte aux entrées de cette ville pour indiquer simplement qu’elle est classée au patrimoine de l’UNESCO et inviter les populations à en visiter le quartier historique. On aurait pu développer dans ce quartier ne serait-ce qu’un commerce de cartes postales ou d’objets souvenirs réalisés par les artisans de la ville qui, eux, ne manquent pas de talents. Nos autorités n’ont-elles donc jamais visité de villes touristiques à l’étranger ? Il y a quelques années les Français disaient « nous n’avons pas de pétrole mais nous avons des idées. » Nous, nous n’avons pas de pétrole et pas d’idée. Et c’est ainsi que nous sommes en train de laisser mourir une ville comme Sassandra qui assurément est l’une des plus belles de notre pays. Il suffit de la voir du ciel pour s’en convaincre. C’est ainsi que nous ne ferons strictement rien du classement de notre Zaouli et de nos vieilles mosquées au patrimoine de l’UNESCO. C’est aussi ainsi que nous avons laissé pourrir nos lagunes d’Abidjan et de ses environs qui sont aussi de véritables trésors que nous ignorons.

Au fond, il n’y a pas vraiment à s’en étonner, puisque nous sommes dans un continent qui possède les minerais les plus rares et les plus précieux du monde, mais ce sont les autres qui les exploitent pendant que nous croupissons dans la misère.

Venance KONAN



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