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Politique

Côte d'Ivoire.Changer de logiciel

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Il est venu, il a parlé et il a convaincu. Le lundi 8 novembre dernier, le Premier ministre Patrick Achi a rencontré la presse dans le cadre de sa première conférence de presse, et le moins que l’on puisse dire est qu’il a séduit son auditoire par sa maitrise des sujets et sa prestation proprement dite. Dans ce pays où la meilleure façon de se faire des ennemis est de bien faire son travail, le Premier ministre va devoir désormais apprendre à slalomer entre les peaux de bananes et dribbler les coups de couteaux qui ne viendront pas que de ses ennemis. Pour ce qui me concerne, le point qui a attiré mon attention et sur lequel je voudrais porter ma réflexion du jour est la vision présentée par le Premier ministre, et qui est en réalité celle du Chef de l’Etat, pour changer notre pays. Plus que jamais, nous devons changer de logiciel, sinon nous sommes condamnés à rester dans les tréfonds des classements des indices de développement.

Aujourd’hui nous sommes parmi les premiers producteurs au monde, ou tout au moins d’Afrique, de cacao, café, hévéa, anacarde, palmier à huile, bananes, ananas, divers fruits, entre autres. Combien tout cela nous rapporte-t-il ? Seulement la portion la plus congrue alors que la production est la partie la plus pénible de la chaîne. Parce qu’à la vérité, nous sommes à peine sortis de l’économie de cueillette, qui consiste à ramasser les produits et à les vendre sans leur faire subir la moindre transformation, ou à peine. Dans les secteurs où nous avons dépassé le stade de la cueillette, nous sommes tout juste au niveau de l’« à peine ». Nous devons résolument nous engager à accélérer la transformation de nos produits agricoles, ce qui représente un gisement infini d’emplois. Trouver de l’emploi à ses concitoyens afin qu’ils puissent satisfaire tous leurs besoins n’est-il pas la finalité de l’action politique ? Est-ce normal que le premier pays producteur d’Afrique de latex ne soit pas capable de fabriquer des gants ou des préservatifs par exemple ? Combien de produits issus du latex n’utilisons-nous pas dans nos vies de tous les jours ? L’on devrait avoir normalement des unités de fabrication de seaux, bâches, chaussures, gants, préservatifs, chaises ou tous autres objets en plastiques un peu partout dans le pays. Pour le moment seuls quelques Libanais ont ce genre d’usines, mais seulement à Abidjan. N’y a-t-il pas d’industriels ivoiriens ? Pour ce qui est de l’anacarde, seuls 15% de notre production sont transformées sur place. En gros, nous produisons notre anacarde pour donner du travail à d’autres personnes dans le monde. Il en est de même pour le cacao, le café et nos produits miniers. Que fait-on du manganèse, de l’or, de la bauxite, du fer que nous extrayons de nos sols ? D’abord, qui les extrait ? Combien d’Ivoiriens opèrent-ils dans le secteur des mines, à part les orpailleurs ? Est-ce si difficile pour les Ivoiriens d’acquérir des machines et d’embaucher des techniciens capables d’extraire des minerais de manière industrielle ? Est-ce si difficile d’extraire nous-mêmes notre pétrole ? Est-ce si difficile de commencer à transformer ces minerais dans notre pays ? Qu’est-ce qui nous empêche de penser à créer une industrie métallurgique chez nous ? A la suite de l’Europe, le Japon, la Chine, la Corée, l’Inde entre autres ont développé la métallurgie, au point que le plus grand producteur d’acier au monde est aujourd’hui un Indien. Et c’est lorsque des pays comme la Corée ont maitrisé la fabrication des métaux qu’ils ont amorcé leur développement. Dirons-nous que leurs cerveaux sont formatés pour réaliser cela alors que les nôtres ne le seraient pas ?

Dans un tout autre domaine, est-ce normal que notre pays dépense chaque année des dizaines de milliards de francs pour importer de quoi se nourrir ? Est-ce normal d’importer du riz de Chine, de l’Inde, du Pakistan, du Vietnam ? Qu’est-ce qui empêche le riz de pousser dans notre pays ? Quelle est la partie de notre pays où le riz ne peut pas pousser ? Tout est une question de volonté et de mentalité. Il n’y a pas longtemps, nous avions eu un ministère chargé de développer la riziculture. Quels résultats avons-nous obtenus ? L’on m’a raconté l’histoire d’un Américain d’origine chinoise qui avait entrepris de faire pousser du riz dans le centre-ouest de notre pays. Il avait fait venir de grosses machines et son activité se déroulait plutôt bien. Mais il était toujours sollicité par tous les villages environnants pour les décès, les mariages, les matchs de football, les anniversaires, les baptêmes, les concours de miss, les ordonnances, les fins de mois difficiles, etc. Lorsqu’il en a eu assez et qu’il a commencé à dire non, les jeunes gens de la région ont détruit toutes ses machines et il est parti. Nous devons reconnaître que nous avons créé une génération de jeunes gens qui attendent que tout leur soit donné, sans se fatiguer eux-mêmes, et surtout qui n’ont aucun respect pour le travail et les efforts des autres. Combien de fois ceux que l’on appelle les cadres ne sont-ils pas sollicités chaque jour pour tout et pour parrainer tout et n’importe quoi ? Et nous en sommes au stade où tous ceux qui sollicitent les suffrages des populations, ou qui sont susceptibles de le faire, se croient dans l’obligation de toujours donner, au point d’oublier souvent l’essentiel. Ainsi, un Président de la République, un Premier ministre, un ministre, ou n’importe quelle personnalité qui participe à une quelconque activité dans n’importe quelle localité se doit-il, à la fin de la cérémonie, de faire des dons au corps préfectoral, aux chefs traditionnels, aux chefs religieux, aux femmes, aux jeunes, et à la fin à la presse. Et souvent se sont ainsi des millions qui sont distribués alors que le centre de santé du coin manque d’oxygène ou de seringues. Non seulement cela sape l’autorité des administrateurs et des chefs qu’en fin de compte plus personne ne respecte, mais cela crée une mentalité d’assistés et même de mendiants chez nos populations les plus jeunes. A quoi sert-il d’ailleurs de faire venir des chefs traditionnels ou religieux à l’inauguration d’une usine ? Aujourd’hui aucune autorité ne peut échapper à ces dons, au risque de créer une fronde ou de s’aliéner un électorat. Nous sommes dans un cercle vicieux d’où nous devons nécessairement sortir pour faire fonctionner le nouveau logiciel qui nous fera véritablement sortir du sous-développement. Le Premier ministre ne pourra pas réaliser la vision du Président de la République si nous n’inculquons pas le goût de l’effort et du travail à nos jeunes.

Venance Konan




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