Béoumi renaît progressivement de ses cendres. La ville, située à 60 km de Bouaké, le chef-lieu de la région du Gbêkê, a été secouée, en l’espace de quelques mois, par des affrontements communautaires entre Baoulé et Malinké, survenus les 15 et 16 mai 2019, ainsi que par la crise lors de la présidentielle du 31 octobre 2020.
On peut le dire tout net : la paix est de retour. Mais pour en arriver à ce climat apaisé, il a fallu que plusieurs autorités aussi bien administratives, politiques, coutumières, que religieuses, proposent leurs bons offices. Leurs actions ont certes produit de bons résultats. Toutefois, la situation dont jouit la localité ne saurait faire perdre de vue les effets collatéraux des différents affrontements, encore perceptibles par endroits. Et cela, comme pour suffisamment rappeler à la conscience collective, qu’il ne faut plus jamais revivre ces faits.
Plusieurs maisons détruites, abandonnées
Le quartier Mamianou, que nous avons parcouru le jeudi 12 août 2021, compte des habitations qui rappellent cette triste époque de l’histoire de la ville. Nous avons aperçu plusieurs maisons détruites. Des traces de fumée étaient visibles sur les murs de certaines d’entre elles. Preuve qu’elles ont été incendiées. Certaines étaient entièrement décoiffées. Malgré cet état de destruction, des maisons du quartier sont habitées. D’autres ont été purement et simplement abandonnées. Du fait de cette situation, le quartier est calme.
L’une des cours de Mamianou encore habitées est celle des parents de Fofana Souhalio. Il est enseignant dans un établissement de Satama-Sokoura. L’une des deux habitations qui abritaient ses parents, est partie en fumée. Du coup, tous ceux qui y logeaient ont trouvé refuge dans l’autre maison de la cour. Les résidus des affaires incendiées sont restés sur place. Sur le sol, traînaient des restes de vêtements, chaussures, assiettes et bien d’autres objets. Si ses parents sont, malgré tous ces dégâts, restés dans le quartier, c’est bien, selon Fofana Souhalio, « parce qu’ils n’avaient pas d’autres choix. » D’autres habitants, en revanche, ont préféré quitter le quartier.
Notre interlocuteur montre la cour d’un de leurs voisins. Il s’agit, selon lui, de celle des parents du ministre Sidi Touré. L’habitation a été abandonnée. Une des maisons de la cour a fait les frais des flammes. Une partie des murs s’est retrouvée au sol. La plus grande partie de la cour est recouverte d’herbes.
L’enseignant explique, au cours de l’entretien, que c’est de ce quartier que sont partis les affrontements intercommunautaires entre les Baoulés et les Malinké. « Nous avons vécu en parfaite harmonie ici au quartier Mamianou qui regroupe quatre grandes familles, à savoir les Fofana, les Traoré et les Ouattara ». De l’avis de l’enseignant, les Baoulé et les Malinké doivent continuellement cultiver la paix car ils sont appelés à vivre ensemble, qu’ils le veuillent ou non.
Les affrontements ont certes commencé à Mamianou, mais ils se sont étendus à d’autres quartiers. Le maquis « Baoulé », situé à quelques pas des locaux de la Mairie, derrière la Coopec, n’a pas été épargné. Le spectacle dans la cour du maquis est dans un état pitoyable. Selon Mlle Kouakou Grâce Tryphène, trouvée sur place l’après-midi du jeudi 12 août, l’appatam a été incendié. Le bâtiment qui se trouve à proximité a également été mis en pièces. Sur les ruines, il ne reste que quelques chevrons. La cour de l’établissement a vite été recouverte d’herbes folles, du fait de son abandon. Des moutons y broutaient de l’herbe lors de notre passage.
L’état de la cour voisine attire notre attention. Du maquis « Baoulé », on aperçoit des traces noirâtres de fumée sur une partie des murs. Yao N’guessan, l’homme que nous trouvons sur le site, laisse entendre que c’est le feu qui s’est propagé du maquis qui a consumé la maison. Les fenêtres, les portes, et plusieurs effets des locataires ont été consumés par le brasier. Ceux-ci n’ont eu d’autres choix que de débarrasser le plancher. Des tôles partiellement calcinées ont été posées dans certaines pièces. A côté des celles-ci, on découvre plusieurs planches superposées. Le jour des faits, cinq tonnes de briques et seize feuilles de tôles ont été volées si l’on s’en tient aux confidences de Yao N’Guessan. La devanture du lot abritant la maison est en partie occupée par des magasins. Toutes ces constructions, à en croire notre interlocuteur, appartiennent au Dr Saraka Konan Adolphe, l’ex-député-maire de Béoumi. Incendiés au cours des affrontements intercommunautaires, certains de ces magasins sont en cours de réhabilitation. C’est d’ailleurs Yao N’Guessan qui a été désigné par l’ancien élu pour suivre les travaux, mais aussi pour surveiller toutes ces constructions. La réhabilitation des magasins sera suivie de celle de la maison. Les agresseurs ont aussi fait un saut à la résidence de Dr Saraka Konan Adolphe, où ils ont emporté des moutons, des cabris, des chiens de race, et autres.
Ces hostilités et actes de barbarie ne sont plus que de vilains souvenirs, puisque selon Yao Nguessan : « La paix est revenue. Les palabres ont totalement cessé. Nous vivons en paix. Les Baoulé et les Malinké vivent en paix. Il n’y a plus de querelles entre nous ».
La question que l’on ne peut s’empêcher de se poser est celle de savoir, comment après des affrontements aussi violents ayant causé de si grandes pertes en 2019, ainsi que le rappellent les ruines des habitations et magasins calcinés, les communautés belligérantes en sont arrivées à faire la paix par la suite ? Comme si ce conflit ne c’était jamais produit.
De notre envoyé spécial, Jérémy Junior